À Pouembout, Bastien Pinero s’est lancé dans la culture de blé bio pour fournir sa boulangerie avec sa propre farine. Une façon d’apporter sa pierre à l’édifice dans l’autonomie alimentaire et la valorisation des circuits courts.
Le pain de Bastien Pinero est tombé entre de bonnes mains. L’artisan boulanger de 28 ans veut toujours ce qu’il y a de mieux pour ses produits. Du processus de fabrication jusqu’à sa dégustation. Alors il a fait le pari de cultiver lui-même son blé bio et de produire sa propre farine, à Pouembout. Histoire d’ajouter dans ses recettes d’autres ressources de qualité.
Celles qui font déjà sa renommée depuis deux ans. « J’attache beaucoup d’importance au manger local, au produire local, à consommer ce qui pousse autour de nous plutôt qu’avoir recours à de l’importation », souligne l’artisan.
Au Moulin de Tia, il n’est pas rare de goûter du pain au lait de coco, à l’ambrevade ou au manioc. L’assaisonnement ? Il utilise les sels de Kô, qui viennent tout droit de Poum. En plus d’employer les meilleurs ingrédients, Bastien Pinero a choisi une cuisson au feu de bois.
Pas d’électricité, de fioul ou de gaz. Simplement du bois de recyclage et un vrai savoir-faire de l’artisan. « Il faut connaître son four sur le bout des doigts. Il n’y a pas de petit écran où on décide de la température. On joue sur le tirage d’air, sur l’essence du bois qu’on va mettre. Le résultat n’est pas le même selon le bois ou la quantité », explique-t-il.
Du local, rien que du local
Fabriquer du bon pain, croustillant, doré avec une mie pleine de saveur, est plus qu’un métier pour ce boulanger. Partir d’un produit brut local pour le transformer en un aliment apprécié de tous est sa raison d’être. Forcément, l’idée de confectionner sa propre farine trottait depuis un moment dans un coin de sa tête. Quitte à mettre en avant les richesses du sol calédonien, autant les faire pousser directement dans son jardin. Bastien Pinero a donc fait quelques essais de farine de manioc et d’ambrevade.
« Je me suis un peu heurté à l’échelle. Faire ça de manière artisanale, c’est très peu rentable ou alors on est obligé de les vendre à des prix très élévés qui ne peuvent pas concurrencer ceux du blé. » Le boulanger se rapproche de l’Adecal-Technopole pour connaître les recherches agronomiques qui ont été faites autour du blé sur le territoire. Sa décision est prise. Il va lancer une nouvelle filière agricole en Nouvelle-Calédonie.
S’intéresser aux racines
Ses beaux-parents lui mettent à disposition un terrain en friche depuis plus de vingt ans. Après un long travail de nettoyage, l’artisan commence à se projeter. Il plante ses deux hectares et demi de blé début août. Le boulanger espère pouvoir commencer à produire sa propre farine au début d’année prochaine.
« Pour le travail du sol, je passe par un agriculteur. Pour la plantation et le suivi, l’Adecal-Technopole, l’Agence rurale et la province Nord m’ont soutenu », précise-t-il. Même si Bastien Pinero n’est pas agriculteur, il s’intéresse presque autant qu’eux au secteur primaire, à la base de tout. « C’est important de se préoccuper des racines, de ce qui fait qu’on peut manger. »
Cinq tonnes de blé devraient sortir de terre cette année. Une récolte pas encore suffisante pour assurer l’autoconsommation à la boulangerie mais déjà un bon début. Avec une douzaine de tonnes prévues l’an prochain, le Moulin de Tia devrait être totalement autonome. Le jeune boulanger aimerait pouvoir vendre ensuite son blé bio au-delà des frontières de Pouembout et de son fournil. « La motivation de tout ça, c’est aussi de tendre vers l’autonomie alimentaire de la Nouvelle-Calédonie. » Bastien Pinero l’assure : il y participera au maximum.
Edwige Blanchon
Photos : Le boulanger produit des pains artisanaux, semi complet, multigraines et au lait de coco frais. / DR
L’artisan a remporté le jeu télévisé Ose ta boîte, diffusé sur NC La 1re. Il a convaincu les jurés avec son projet de minoterie qui valorise la qualité, le bio et le 100 % local. « C’est la Chambre de métiers et de l’artisanat qui m’a appelé pour me proposer de poser ma candidature. Au départ, j’étais un peu frileux car je n’ai pas de télé, je ne regarde pas trop d’émissions. »
Finalement, en regardant plus en détail, le boulanger décide de se lancer. Et il a bien fait. Bastien Pinero remporte le Graal avec un million de francs à la clé. Un vrai coup de pouce pour la suite de son aventure. « Toute la Calédonie connaît ce projet maintenant. Il est davantage pris au sérieux par mes collaborateurs. »
Bastien Pinero a grandi en Métropole. Il a fait des études en hôtellerie-restauration, en nutrition, puis en boulangerie. C’est à cette occasion qu’il rencontre sa femme, originaire de Pouembout.
Il décide de la suivre et de poser ses valises en Nouvelle-Calédonie. Arrivé sur le territoire, il travaille d’abord comme ouvrier agricole, puis en boulangerie industrielle. Petit à petit, il met en place son projet de boulangerie avec toujours, au fond, l’envie de réussir à produire un jour sa propre farine.