En 2019, Sylvie Birot Di Folco a repris l’exploitation de ses parents avec sa sœur, au Mont- Dore. Elles gèrent environ 1 000 cochons. « Un travail constant » que l’augmentation des coûts et le changement climatique rendent encore plus difficiles.
Sur la route de Mouirange, quelques kilomètres après la bifurcation vers Yaté, une petite route suivie d’un chemin en terre rouge mène à l’élevage Birot, encadré par les montagnes. En contrebas, dans des bassins entourés de verdure, le liquide issu de la séparation du lisier, qui sera réutilisé pour l’arrosage.
Les agriculteurs viennent chercher le reste, recueilli dans une fosse, pour les épandages. Au-dessus, cinq bâtiments. Chacun dédié à un usage. La saillie, la maternité, l’engraissement. C’est là que Sylvie Birot Di Filco passait régulièrement ses matinées, pour aider sa mère, alors qu’elle travaillait en tant que croupière au Casino de Nouméa. Deux mondes. Et pourtant. « La passion est venue petit à petit. Plus ça allait et plus j’avais envie d’être là », raconte l’éleveuse, qui délaisse définitivement les tables de jeu en 2005. Il y a quatre ans, avec sa sœur, elle reprend l’affaire familiale lancée par ses parents en 1978. « Ils ont commencé avec trois femelles. On en a entre 140 et 150 aujourd’hui. »
« IL Y A TOUJOURS QUELQUE CHOSE À FAIRE »
Le quotidien est calqué sur le cycle de vie des cochons. Une des tâches fixes est le nourrissage des animaux le matin et les soins. Après la saillie, les truies sont en gestation pendant trois mois et demi environ. Une semaine avant la mise bas, elles vont en maternité, où elles donnent naissance à une douzaine de petits qui, 26 jours plus tard, partent à l’engraissement après le sevrage. Les mères retournent à la saillie quelques jours après. Les porcs passent en général cinq mois chez Sylvie. « L’Ocef vient ensuite les récupérer pour les emmener à l’abattoir. Ils font alors entre 115 et 125 kg. » Puis, le cycle reprend.
Être éleveur est un sacerdoce. « C’est un travail constant, on n’a pas de jour férié, ni Noël, ni 1er janvier, il y a toujours quelque chose à faire. Cela nécessite beaucoup de présence. » Heureusement, avec sa sœur Brigitte, elles se relaient un week-end sur deux. Si leur viande est majoritairement destinée à l’Ocef, une petite partie est vendue à des particuliers, notamment pour des coutumes, et à des éleveurs qui ont besoin de porcelets. Sylvie, sélectionneuse pour le compte de l’Upra porcine, produit également des reproducteurs.
LA NINÃ ET LE PRIX DU BLÉ
Mais, depuis trois ans, les difficultés s’accumulent. Il y a eu La Ninã. Les bêtes supportent mal l’humidité et craignent la chaleur. Une période compliquée. « On a eu une baisse de production parce qu’il y a eu moins de naissances. » Les cheptels engraissent moins vite et sont davantage stressés. Et encore, Sylvie a des bâtiments ouverts. « C’est bien aéré. » Une des solutions serait d’arroser les toitures pour rafraîchir l’intérieur. Des coûts supplémentaires, « et on fait attention à la ressource ». Car l’eau, qui provient de la rivière, est essentielle. « Une mère boit entre 20 et 25 litres par jour. » Et puis, il y a l’augmentation de la nourriture depuis deux ans environ, du blé surtout. « Ça nous coûte plus cher de produire un kilo de viande que ce qu’on le vend. »
Les producteurs ont demandé à l’Ocef d’augmenter son prix de rachat. Et l’Agence rurale apporte un complément. « Cela nous permet d’être à l’équilibre, de vivre. Sinon, on serait dans le rouge. » Il n’empêche, Sylvie manque de fonds pour investir. « On doit rénover des bâtiments et refaire entièrement celui dédié à l’engraissement. Il est encore sur dalles alors qu’il faudrait qu’il soit sur caillebotis. » Ça attendra. Sylvie craint de nouvelles hausses de prix. « À un moment, on sera obligé de dire stop, on ne pourra plus continuer comme ça. »
L’éleveuse plaide pour une meilleure considération de sa profession. « Les gens doivent comprendre que ce n’est pas facile, qu’ils reconnaissent le travail derrière et que cela a un coût. » Engagée dans le développement de la filière, Sylvie, également présidente de l’Upra porcine, défend son importance. « Si on n’était pas là, on ne sait pas vraiment ce qu’on importerait, un cochon élevé aux antibiotiques ou aux hormones. »
Le produit calédonien est, selon elle, gage de qualité. « Il n’y a pas d’hormones et on évite les antibiotiques au maximum. Avant, il y en avait dans les aliments. Là, c’est uniquement après le sevrage ou quand un porc est malade. » Ce qui la fait tenir dans ce contexte ?
Anne-Claire Pophillat
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