Les acteurs de la filière porcine se sont réunis à l’occasion des états généraux fin juillet à Païta, au Rivland. Une première. Le secteur traverse une période difficile. Au cœur des enjeux, l’augmentation du prix de l’aliment. Les pistes de travail évoquées doivent alimenter un livre blanc.
Des fournisseurs d’aliments aux éleveurs, en passant par l’Ocef, les bouchers-charcutiers, les ateliers de découpe et les partenaires institutionnels, ils étaient tous là pour parler des problèmes rencontrés par la filière et envisager des solutions. La principale préoccupation résulte de la flambée des charges liée notamment à celle du cours des céréales. Certes, le prix payé à l’éleveur a augmenté de 20 % sur un an, indique Samuel Prévost, directeur de l’IVNC (Interprofession viande de Nouvelle-Calédonie), « mais cela couvre à peine l’accroissement du coût de production ».
L’objectif de rentabilité s’éloigne et la capacité à investir s’en trouve affectée. « L’investissement est sacrifié et, à long terme, la question du renouvellement de l’outil va poser souci. » Des petites exploitations ont disparu. « Des producteurs en situation fragile ont déjà arrêté. Et si on n’adopte pas une politique de développement et de soutien, il y a un risque que ça se reproduise. » Afin de baisser les charges constituées, à 70 %, des « matières premières nécessaires à nourrir les porcs », l’idée serait de produire l’aliment localement.
Pas simple quand on sait que la nourriture est importée en quasi-totalité, à plus de 95 %. Le principal composant étant le blé, il faudrait « pouvoir en planter un adapté à notre climat, ce qui est un premier défi, ou le substituer à d’autres choses, comme des protéagineux, qui pourraient pousser localement ». Si ce n’est pas pour tout de suite, Samuel Prévost en est convaincu, « il faut aller dans ce sens, même si cela nécessite plusieurs années de recherche. On ne peut pas continuer à être dépendants des importations, c’est prendre trop de risques, aussi bien en termes de coûts que de disponibilité ».
UN LABEL DE QUALITÉ ET UNE FOIRE DU COCHON
Les participants ont largement traité de l’adaptation au changement climatique avec la chaleur, qui représente une gêne pour les cochons et conduit à une baisse de la production, de la baisse des intrants chimiques ou de l’usage de médicaments, de la simplification administrative avec la mise en place d’un guichet unique, de l’accessibilité au foncier et à un soutien technique, de la gestion des déchets, du bien-être animal et de l’environnement, et de la valorisation de la filière à travers, par exemple, l’organisation d’une foire du cochon.
Mais aussi de la préservation de la ressource en eau, dont les porcs sont grands consommateurs, et de la qualité de la viande, en proposant la création d’un label, la profession étant encadrée. « Les exploitants s’engagent à respecter des normes en termes de densité, de surveillance, de suivi sanitaire, technique… », développe Samuel Prévost, qui insiste sur la dimension de proximité. « La taille des élevages en Nouvelle-Calédonie n’est pas à l’échelle de ceux qu’on peut avoir en Europe. Ici, le rapport entre l’éleveur et ses animaux garantit un bon suivi au niveau de leur bien-être. »
Une autre marge de progression concerne la transformation, la charcuterie étant largement importée. Un des freins ? Les investissements que cela engendrerait. « Il faut des équipements spécifiques, mais si un projet était viable économiquement, on a aujourd’hui des éleveurs qui sont capables de produire des porcs qui conviennent pour ça. » Si des projets ont été étudiés, le cap de la réalisation n’a, pour l’instant, pas été passé. « J’espère que ce sera le cas. »
OPPORTUNITÉS ÉCONOMIQUES
Défendre la filière porcine participe à l’objectif d’autonomie alimentaire. « On est à 80 %, une des rares filières qui atteint ce niveau. Miser sur la production locale est donc un gage d’autonomie et de sécurité alimentaire et peut permettre de limiter le coût pour les consommateurs en cas de hausse des cours. » Poursuivre son déploiement peut offrir des opportunités économiques et des emplois. « On pourrait aller plus loin en amont dans la fabrication des aliments et, en aval, avec la transformation et la production locale de certains jambons, il y a un boulevard d’accroissement potentiel. »
Reste à poursuivre la réflexion amorcée. Des groupes de travail en lien avec les thèmes abordés doivent être créés, précise Sylvie Birot Di Folco, présidente de l’Upra porcine. « J’espère que ce sera mené à bien, parce que c’est important pour nous de pouvoir sensibiliser les provinces, le gouvernement, afin qu’ils se rendent compte qu’on fait partie d’une filière structurée et qui a un poids économique important. »
Anne-Claire Pophillat
Dans notre dossier
La filière porcine en chiffres
La production locale répond en grande partie aux besoins de la consommation calédonienne, en nette progression depuis plusieurs années. →
Dans le quotidien de Sylvie, éleveuse de porcs
En 2019, Sylvie Birot Di Folco a repris l’exploitation de ses parents avec sa sœur, au Mont- Dore. Elles gèrent environ 1 000 cochons. →
Filière porcine : la voie du plein air
S’il constitue une part minime de l’élevage porcin, le plein air a des qualités qui méritent qu’on s’y intéresse, estime Yoann Kerhouas, ingénieur à la Chambre d’agriculture et de la pêche. →