Au Village de l’alimentation, place des Cocotiers, samedi 1er octobre, les visiteurs vont pouvoir payer autrement qu’avec des francs. Pacific Food Lab expérimente la création d’une monnaie locale avec des billets réalisés et émis uniquement pour l’occasion. Focus sur un moyen de paiement qui a déjà conquis de nombreux utilisateurs aux quatre coins du globe.
AU FAIT, C’EST QUOI UNE MONNAIE LOCALE ?
Dans plusieurs porte-monnaie, on peut trouver : le Babet, l’Eusko, la Doume, la Chouette, l’Abeille, le Sol-Violette ou encore le Rozo. Ces petits noms rigolos font référence à des monnaies locales françaises. Des outils créés par des citoyens pour les mettre au service des besoins de leur territoire, en collaboration avec les entreprises et collectivités.
Ces devises sont complémentaires de la monnaie officielle. Elles ne peuvent être utilisées que sur un territoire restreint, dans une région, dans une ville et uniquement pour des biens et services définis. Ce sont généralement des associations qui les mettent en place et qui en assurent ensuite la gestion avec l’aide d’un établissement financier.
COMBIEN EN EXISTE-T-IL ?
Aujourd’hui, on recense 82 monnaies locales complémentaires en France d’après le Mouvement Sol (Fédération des monnaies locales). Elles se sont développées à partir de 2010 et ont été encouragées par la loi du 31 juillet 2014, relative à l’économie sociale et solidaire (ESS).
C’est le premier pays à avoir reconnu légalement ces monnaies comme moyen de paiement. La monnaie basque, l’Eusko, est actuellement la plus importante en circulation. Elle est la première monnaie locale d’Europe, devant le Chiemgauer en Allemagne et le Bristol pound en Grande- Bretagne.
QUE PEUT-ON PAYER AVEC ?
C’est la règle. On ne peut payer que certaines marchandises. Elle permet de faire ses courses du quotidien. Son café, son poisson, son steak haché, ses pommes, ses poires.
Il faut se rendre chez son épicier ou son boucher, chez des commerçants ou des entreprises qui adhèrent au système, afin de se procurer ses produits locaux. Il n’est pas possible d’utiliser une monnaie locale dans un supermarché ou un hypermarché. Ni de déposer l’argent sur un compte en banque.
À QUOI SERT-ELLE ?
Ces monnaies permettent de développer l’économie près de chez soi, en favorisant le commerce et la production de proximité. Il est également possible de développer des projets solidaires. Au Brésil, des centaines de monnaies locales ont été créées depuis 2002, ce qui a permis de redynamiser certains quartiers des favelas.
Même constat en Grèce, après la crise économique de 2008, où des habitants de Vólos se sont regroupés en association pour créer une nouvelle monnaie et troquer entre eux « de quoi survivre ». Plus récemment, c’est en Catalogne où plusieurs villes ont misé sur les monnaies locales pour atténuer les conséquences économiques de la crise sanitaire.
COMMENT ÇA FONCTIONNE ?
Elles sont gérées de manière démocratique. Elles circulent surtout sous la forme de coupon-billet, mais s’orientent de plus en plus vers des versions numériques comme complément au papier.
La Roue à Marseille ou la Pive, monnaie locale franc-comtoise, sont récemment passées à l’application mobile. Le rendu de monnaie s’effectue avec des pièces de la monnaie officielle. Toutes les monnaies locales sont adossées à la monnaie nationale. Par exemple, une unité de Roue vaut un euro, soit 120 francs.
QUELS SONT LES AVANTAGES ?
En plus de toutes les raisons déjà citées, la monnaie locale a un autre avantage et pas des moindres : elle repose sur des mécanismes non spéculatifs. Comme elle ne peut pas être déposée sur un compte en banque, elle n’est destinée qu’aux échanges. Une manière de redonner du sens à ses achats.
Dans une interview accordée au journal Reporterre en juillet dernier, Charles Lesage, délégué général du mouvement Sol, indique qu’une « introduction plus importante des monnaies locales dans l’économie pourrait permettre de soulager le portefeuille des Français ».
Edwige Blanchon
Photo : La Muse, monnaie à usage solidaire et écologique du Maine-et-Loire, a été créée par l’association Agir pour la transition en 2011. Elle est distribuée depuis 2012 à Angers. / Jean-Michel Delage, Hans Lucas via AFP
Et chez nous ?
Cette expérimentation sur une journée va permettre de connaître la valeur ajoutée créée lors du Village de l’alimentation. « On va peser nos déchets, on va savoir quelle quantité de nourriture a été fournie, le chiffre d’affaires. Et on sait dans quelle poche ça va finir », indique Gabriel Levionnois, président d’honneur de Pacific Food Lab. « On va sortir un indicateur précis. C’est un prototype à ciel ouvert. » Une façon de « co-créer
un système financier sur un petit environnement ».