[DOSSIER] L’agriculture biologique « va passer à la vitesse supérieure »

Tech&Bio, rendez-vous d’envergure nationale, connaîtra sa première déclinaison outre-mer les 7 et 8 octobre à La Foa, dans les champs de Franck Soury-Lavergne. Pour le président de l’association Bio Calédonia, l’événement intervient à un moment décisif, où la « bio » pourrait enfin décoller et où les techniques alternatives peuvent aider tous les agriculteurs.

Avec 329 tonnes vendues en 2021, la «bio» ne représente que 1 % de la production agricole calédonienne. La statistique est sévère, certes, mais elle masque un intérêt croissant pour les techniques « biologiques et alternatives », partagé bien au-delà du petit cercle des parcelles certifiées « zéro pesticides et engrais de synthèse ».

Les organisateurs de Tech&Bio ont de sérieuses raisons de croire que, loin des néons blafards de la Maison des artisans, leur rendez-vous haut en couleur rassemblera 1 000 personnes sur les terres de Popidéry, dans une semaine. « On va parler à tous les agriculteurs, et leur faire découvrir des machines, des façons de travailler », promet Gérard Pasco, président de la Chambre d’agriculture et de la pêche.

Photo : L’élevage biologique de Patrick Ardimanni, à Tontouta. / G.C.

Après deux années de Niña, les parcelles gorgées d’eau seront évidemment au cœur des discussions. « On aura des gens qui savent travailler les terres pentues, loin des rivières, pas de première qualité, pour échanger sur ces problématiques. » Il compte sur des invités fidjiens, tahitiens, vanuatais. « On aura la chance de bénéficier de leur expérience, il faut en profiter. » Gérard Pasco est même persuadé que l’événement peut avoir des conséquences immédiates. « Après un rendez- vous de ce genre, certains changent carrément leur méthode de travail. »

Moins de philosophie, plus de technique

Franck Soury-Lavergne, l’hôte, est sur la même longueur d’onde. « Aujourd’hui, la société demande à l’agriculture de limiter son impact sur l’environnement. Le changement climatique nous impose aussi une évolution. Et l’agriculture bio se place comme une source de solutions innovantes pour tout le monde. »

Photo : Franck Soury-Lavergne, président de l’association Bio Calédonia, gère le label Bio Pasifika localement. / G.C.

En Nouvelle-Calédonie, il ne compte pas sur un virage à 180° de l’agriculture conventionnelle, mais sur une transition. « Je pense qu’on arrive à un tournant. On sort de l’approche philosophique de la bio, on entre dans la technique. »

Le président de l’association Bio Calédonia voit plusieurs signes extrêmement prometteurs. Pour construire la filière, il manque toujours des plants bio à foison, mais plus pour longtemps. « On disposera bientôt d’une offre en plants maraîchers. Un horticulteur local est très avancé sur le sujet. »

Autre présage : quelques récentes conversions marquantes. René Marlier, éleveur à Kaala- Gomen, pourrait entraîner dans son sillage une partie de la filière bovine, dont les pratiques extensives sont jugées proches des standards de l’agriculture biologique.

Jean-Michel Delathière, voisin lafoyen, a entamé une démarche de certification bio sur une partie de sa vaste production végétale.  Ses champs ont d’ailleurs accueilli une matinée de la conversion, début septembre, durant laquelle le discours de la grande distribution a été remarqué. « Le marché attend des volumes de production, constate Franck Soury-Lavergne. C’est un signe fort, on va passer à la vitesse supérieure. »

Gilles Caprais

Photo : La bananeraie biologique de Matthieu Folcher, à Moindou. / G.C.

Loyauté : l’agroforesterie, le vrai enjeu ?

Dans les îles, l’agriculture biologique n’est pas une question en soi, estime René Wacapo, agriculteur de la tribu de Hnacaöm (Lifou). « Pas de pesticide, pas d’engrais, on y est déjà. Et ça apaise nos charges d’exploitation.  La question pour nous, c’est plutôt de faire certifier nos pratiques avec des signes de qualité. »

Côté technique, l’enjeu consiste plutôt à développer l’agroforesterie (l’association des arbres aux cultures), estime celui dont le champ est classé parcelle de démonstration du programme océanien PROTEGE. René Wacapo initie actuellement « une vingtaine de jeunes » à la mycorrhization, une façon d’enrichir les sols grâce à des champignons microscopiques.

 

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