[DOSSIER] Valérie Koneco, la femme qui révolutionna le kaneka

Après son retour l’année dernière lors de l’événement « Kaneka au féminin » sur la commune du Mont-Dore, Valérie Koneco, 54 ans, remonte sur les planches avec son groupe phare Becim. Entourée d’Étienne Goa, pianiste de Dacim et d’autres jeunes musiciens issus de la nouvelle génération, la voix féminine emblématique du kaneka a encore des messages d’amour et de paix à délivrer.

Le kaneka au féminin porte un nom : Valérie Célina Koneco. Une icône dans le milieu. Sa voix a fait danser toute une génération et a encouragé d’autres femmes à prendre le micro. Pourtant, la chanteuse de Becim n’imaginait pas devenir un jour une figure incontournable du kaneka. Cette musique ne l’enchantait guère au départ. « C’était loin d’être ma tasse de thé », confie celle qui était plutôt branchée jazz, rock, soul et funk à ce moment-là. Si, petite, elle chantait dans une chorale à Maré, sa carrière débute réellement lorsqu’elle devient choriste du grand Yata dans les années 80. « C’était une référence », se souvient-elle. Elle habite à l’époque dans le quartier de Montravel, à Nouméa. Dans les années 90, une mutation professionnelle l’oblige à déménager à Koné. C’est en revenant à la tribu de Baco, sur les terres maternelles, qu’elle a cette révélation. « Je suis tombée dedans », glisse-t-elle.

UN MODÈLE

Valérie Koneco se sent investie d’une mission. Chanter en langue devient une évidence. « Je me suis retrouvée. Le kaneka, c’est une musique qui a une identité propre à nous. Ça fait partie de l’histoire du pays. » L’artiste décide de monter son propre groupe. Elle se rapproche de ses cousins de Dacim, un groupe de la tribu voisine d’Oundjo. Becim finit par voir le jour. « Les vieux m’ont donné des textes pour que je les chante », explique-t-elle. Les paroles sont en haeke, la langue de Baco.

Après des heures et des heures de travail, son premier album, intitulé Era Ta Bo, sort en 1995. Ses titres très dansants font le tour de la Nouvelle- Calédonie. Une étoile du kaneka est née. Trois ans après son premier album, le groupe sort un deuxième opus, intitulé Sang mêlé. Les textes sont en haeke, en nengone et en français. Des morceaux qui remportent toujours autant de succès. Valérie Koneco réussit à s’imposer en tant que femme dans ce genre musical. « On n’a pas autant d’espace que les hommes, alors sur scène je déballe ! », s’amuse la chanteuse.

« ON A PLUS DE POUVOIR
QUE LES POLITICIENS »

Elle utilise la musique pour s’exprimer sur les sujets qui lui tiennent à cœur. Cette mère célibataire, adjointe de l’éducation à l’internat de Koné, a beaucoup de choses à dire. « Je suis dans l’éducation depuis 27 ans. J’ai élevé mon fils seule, ça n’a pas été facile, ça a été un combat pour moi. Je me soucie beaucoup de la jeunesse. » L’artiste engagée veut interpeller. Encourager. Rappeler que les chansons ne sont pas que du son. « Nous les artistes, on a plus de pouvoir que les politiciens. La musique rassemble les gens. »

Si la compositrice et interprète a quitté la scène ces dernières années, c’est pour se consacrer à l’église avec ses paroissiens. Elle a fait un retour remarqué l’an dernier à l’occasion de l’événement « Kaneka au féminin », sur la commune du Mont-Dore. À 54 ans, Valérie Koneco ne remonte pas sur les planches pour donner des leçons. Elle veut simplement partager son expérience en tant que maman. Et aussi parce que, chanter devant un public, c’est une occasion en or. « Je n’allais pas passer à côté ! », s’exclame-t-elle en plaisantant. La légende du kaneka veut une fois de plus apporter des paroles « d’amour et de paix pour l’avenir du pays ». D’ailleurs pour elle, c’est indiscutable : « l’avenir du pays, ce sont les femmes. »

Photo : © Eric Dell’Erba

Edwige Blanchon

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