Un nouvel élan pour le Muz

Chantier du musée de la Nouvelle-Calédonie le vendredi 15 mars 2024. Avec ses parois inclinées et ses charpentes en bois, le Muz présente une architecture originale. © Nicolas Petit

En raison de divers imprévus, la rénovation et l’extension du musée de la Nouvelle- Calédonie, en plein Nouméa, accusent un retard d’une année et demie avec un surcoût de près de 1 milliard de francs par rapport aux ambitions initiales. Le projet reste très intéressant et soutenu par l’État et la Nouvelle-Calédonie.

Le Muz aurait dû être livré en juin 2023 et ouvrir ses portes en janvier 2024. Le calendrier est désormais fixé à fin février 2025 pour la livraison, et à septembre pour l’ouverture au public après six mois de marche à blanc.

La rénovation de cet établissement, accueillant l’une des plus importantes collections d’art kanak au monde, est un vieux dossier remontant au moins à 2014. L’ancien musée souffrait d’espaces jugés exigus et inadaptés. Il mettait, c’est vrai, peu en valeur cette formidable collection. « Mme Gorodey souhaitait le faire renaître, a rappelé Vaimu’a Muliava, membre du gouvernement en charge de la construction. Le projet a été soutenu par les différents gouvernements qui se sont succédé et les différents hauts-commissaires malgré les difficultés. »

Il aura tout de même essuyé pas moins de trois générations de contrats de développement, avant d’être financé sur le volet 2017-2023 (67 % État, 33 % Nouvelle- Calédonie). L’enveloppe de 2,1 milliards a été réajustée à 2,5 milliards et, désormais, elle est estimée à 3 milliards. Le réajustement de 300 à 400 millions est pris en charge par l’État, la différence reviendra au territoire.

Opération difficile 

Comme c’est souvent le cas, le projet a pu être sous-évalué. Vaimu’a Muliava parle d’un bijou architectural, technologique, de « dentelle ». Il y a aussi eu une volonté du gouvernement Germain d’allotir au maximum les lots pour en faire profiter de nombreuses entreprises locales (40).

Reste que dès le stade des études, en novembre 2017, puis au lancement des travaux en novembre 2020, le chantier a connu divers aléas qui n’étaient pas de son fait : la crise du Covid, la hausse soudaine des prix, les difficultés d’approvisionnement.

Les équipes évoquent également la présence de plomb dans les charpentes (l’amiante était anticipé), le départ d’un scénographe, de l’architecte local, la défaillance de quatre entreprises qui ont rendu l’âme sur ce dossier (rupture de trésorerie). Résultats, quasiment un an et demi d’arrêt des travaux et des enveloppes gonflées.

Il a fallu ensuite reconsulter pour les marchés de travaux, relancer de nouveaux lots. « Maintenant, on a tous les lots et j’ai bon espoir parce que toutes les bonnes énergies sont réunies », argumente le nouvel architecte, Gilles Stangalino du cabinet Athanor (mairie de Hienghène, centre culturel de Voh, etc.), qui a accepté en cours de route de reprendre le projet avec l’agence Why de Bordeaux, sensible à sa dimension symbolique, sa conception bois, son architecture et le fait qu’il s’adresse « à toute la population calédonienne ». « Ce projet était emboucané mais aujourd’hui il se désemboucane ! », abonde Vaimu’a Muliava qui veut une « nouvelle dynamique ».

Les partenaires ‒ maîtrise d’ouvrage et entreprises ‒ ont été salués pour avoir « tenu le choc ». « Le musée va naître dans la difficulté mais aussi avec cette volonté de le faire aboutir coûte que coûte. […] Il y a maintenant un alignement du haut jusqu’en bas pour y arriver. » « Ce musée a été bien conçu avec de beaux espaces dans lesquels la collection muséale trouvera naturellement toute sa place, a positivé le haut-commissaire, Louis Le Franc. J’espère qu’on pourra couper le ruban de ce bel endroit qui vient en écho de l’histoire de ce territoire en 2025. »

Un point d’étape sur l’avancée des travaux était organisé vendredi 15 mars par le gouvernement et la Secal, en présence du haut-commissaire de la République, Louis Le Franc. 60 % des travaux sont achevés. Toutes les constructions sont aujourd’hui réalisées et en cours.© C.M.

COMMUNAUTÉS

Au niveau des expositions, l’ancien musée ne permettait pas les contrôles hydrométriques et de température nécessaires pour protéger et montrer tous les objets. Le nouveau le prévoit : de quoi mettre en valeur, les unes après les autres, ses 9 000 pièces et œuvres, actuellement entreposées à la réserve externalisée de Païta. « Nous sommes l’île du Pacifique qui dispose de la plus grande collection autochtone en quantité et en qualité », se réjouit Vaimu’a Muliava.

Le Muz entend même exploiter le travail d’inventaire du patrimoine kanak dispersé, mené par Emmanuel Kasarhérou et Roger Boulay, grâce à ces nouvelles normes internationales. D’ailleurs, selon Jessica Wamytan, du service patrimoine du Musée, « des discussions sont en cours avec les musées nationaux pour recevoir des œuvres ».

Le Muz souhaite aussi profiter du nouvel espace pour s’ouvrir aux autres communautés qui ont œuvré à la construction de la Nouvelle- Calédonie, à l’Europe, au Pacifique et enfin inscrire le territoire dans son histoire contemporaine. En y intégrant tout ce qu’il faut de modernité.

Chloé Maingourd


7 400 mètres carrés

La rénovation concerne 45 % de la surface (2 100 m2) et l’extension 55 % (2 600 m2), sur deux niveaux partiels. Les aménagements extérieurs s’étendent sur 3 800 m2 pour un total de 7 400 m2. Le futur Muz proposera au public un accueil et un café avec terrasse, un espace d’exposition, un espace pédagogique, des jardins ethnobotaniques, une case du Sud de 12 mètres de haut, des farés, un four kanak. Une zone sur le bâtiment existant sera réservée à l’administration, une autre à la restauration des œuvres et à la maintenance.


Séquences

La scénographie sera partagée en huit séquences : le peuplement du Pacifique avec de grands écrans immersifs, le peuplement Lapita ou « Les origines », travaillée notamment avec l’archéologue Christophe Sand. On y trouvera la collection de l’INCP Institut d’archéologie, la collection Lapita de la province Nord, la chronologie céramique de la Nouvelle-Calédonie, les pièces monumentales de la collection du musée. Vient ensuite la société traditionnelle kanak avec tous les objets liés au quotidien ― naissance, mariage, deuil, chemin des morts ― puis les grands explorateurs, jusqu’à la prise de possession.

On trouve ensuite un zoom sur un terroir kanak, Canala. L’exposition se poursuivra sur l’apport de toutes les communautés, puis un espace contemporain qui invite à s’interroger sur la Nouvelle-Calédonie d’aujourd’hui et de demain (histoire partagée, décolonisation, multiculturalisme, etc.) et enfin le cabinet des arts océaniens.