[Dossier] La rénovation du CCT : un travail « chirurgical »

© NM/ CCT

Le chantier se concentre pour quatre mois sur la case Vinimoï, construite la première pendant quatre mois. Elle sert d’expérimentation. L’équipe technique du centre, le groupement d’entreprises locales et le cabinet d’architectes ont face à eux un chantier complexe mais enrichissant.

Le projet de rénovation a germé en 2015 alors qu’apparaissait une accélération de la corrosion des supports en acier tenant les résilles [panneaux d’habillage, NDLR] et les structures de contreventement qui stabilisent les arcs et les poteaux. « L’entretien régulier n’était plus suffisant » relate Nicolas Meite, responsable des services techniques.

En 2018, avec l’appui de Renzo Piano Buil- ding Workshop, deux ingénieurs français spécialisés dans l’acier et le bois auditent les cases. Le bilan est positif, mais les habillages ont subi quelques dommages du fait de leur forte exposition aux vents, aux sels marins, à l’humidité, aux UV, etc. 5 à 10 % des tasseaux de bois sont à remplacer, les aciers présentent aussi des traces de rouille. Des préconisations précises sont formulées pour la restauration et le traitement des matériaux, choix privilégié.

Nicolas Meite, responsable du service technique.© C.M.

Cases 8 et 10 

En 2022, l’appel d’offres est infructueux. Le délai de six semaines laissé aux entreprises est jugé « insuffisant étant donné la complexité du projet ». Le centre culturel a pu bénéficier d’un avenant dans le cadre du précédent contrat de développement État-Nouvelle-Calédonie (2017-2021), mais l’enveloppe n’est pas inscrite au budget du territoire et la crise du Covid repoussera cette échéance.

Le marché est finalement attribué en juin 2023 à un groupement de cinq entreprises locales qui connaissent l’édifice : Cégémétal (mandataire), HMC (restauration bois), Ecoblast (traitement anti-corrosion), Ascension et Pacifique Acrobatic (cordistes). La Secal est à nouveau chargée de l’assistance à maîtrise d’ouvrage.

100 millions sont consacrés à cette première phase programmée sur la case 10 jusqu’en juin, et qui devrait se poursuivre avec la case 8 (Malep) de juin à novembre. Deux petites cases de 55 m2 pour 20 mètres de hauteur (les plus grandes font 140 m2 pour 28 mètres de haut). « La première sera sans doute celle qui prendra le plus de temps, souligne Gildas Le Ny, de Cégémétal. C’est un effort conséquent. On travaille dessus depuis juin 2023 à faire tous les relevés, les plans de ce qu’on doit refabriquer, pour trouver les bons partenaires en France pour les pièces, des produits de de qualité avec les normes correspondantes. »

Le chef d’entreprise évoque un travail « chirurgical ». Tous les panneaux en bois sont enlevés, nettoyés avec un fongicide, restaurés « latte par latte » en atelier et reposés. Elles peuvent être « abîmées sur les bouts, ou légèrement courbées ou déformées ». Les tubes de fixation sont changés. Un traitement antifongique et une peinture anticorrosion sont aussi prévus sur l’acier. Huit mois de préparation ont permis de réaliser une multitude d’essais sur les traitements « les pressions de jet, les types de matériaux projetés (hydrogommage) pour ne pas altérer les matériaux. On a affiné jusqu’à trouver la bonne méthodologie », détaille Nicolas Meite.

Pour limiter l’impact environnemental et les coûts, il a été décidé de restaurer les panneaux en bois plutôt que de les remplacer. Les tubes de fixation corrodés sont en revanche changés intégralement, comme d’autres éléments métalliques. © C.M.

« Spécifique et fantastique »

Le chantier est sensible à plus d’un titre. « Étant donné la forme de l’édifice, on travaille sans nacelle et sans échafaudage, tout se fait avec des acrobates y compris les traitements. » Ensuite, « l’environnement n’est pas contrôlé, il faudra tout mesurer quotidiennement, nettoyer avant de traiter chaque partie pour éviter les dépôts de sel ». Autre difficulté : l’aspect sécuritaire puisque l’établissement reste ouvert. Enfin, la disponibilité du bois, l’iroko, « d’autant qu’il doit être assez dense – plus de 650 kg au mètre cube ». Un fournisseur local assure un stock tampon.

« C’est un chantier unique, reconnaît Nicolas Meite. Un challenge, en même temps excitant, c’est une grande pression pour tout le monde. » Gildas Le Ny fait de la maintenance au centre depuis des années. Il était même responsable de projet pour une autre entreprise lors de la construction. « Je suis à trois ans de la retraite et pour moi c’est une boucle qui se ferme : j’ai un grand plaisir à faire cette rénovation spécifique et fantastique. »

Chloé Maingourd

Budgets

Le centre culturel a reçu en 2022, 200 millions de francs dans le cadre
d’un avenant au précédent contrat de développement État-Nouvelle-Calédonie (2017-2021). 100 millions sont dédiés à la rénovation et l’autre moitié à des « opérations urgentes » : remplacement des groupes électrogènes, du transformateur électrique, restauration du faré en bord de mer, etc.
Une enveloppe de 400 millions de francs est prévue sur le prochain contrat (2024-2027). 70 à 100 millions de francs seront consacrés à la suite du chantier (une à deux cases), le reste devant permettre la création d’un nouveau bâtiment à l’entrée pour l’accueil du public avec boutique, cafétéria et bureaux.

Iroko

L’iroko, trouvé principalement en Afrique, est un bois dur, imputrescible. Il a été choisi pour sa couleur et sa résistance, et parce qu’il ne nécessitait pas de traitement particulier (il est resté brut). Sa teinte rappelle la couleur des troncs de cocotier (il tire davantage sur le rouge, mais grise rapidement). Avec la rénovation, et durant quelques semaines, les cases seront en partie revêtues de leur couleur d’origine.

Le CCT, en chiffres

80 641 entrées en 2023.

Entre 500 et 1000 francs l’entrée.

Une quarantaine d’employés.

En 2023, le CCT a reçu de la part du gouvernement et des trois provinces
437 millions de francs pour son fonctionnement.

Il recense près de 60 millions de recettes propres.