Ritchi Bouanou représente la jeune génération dans ce concert de « légendes ». Hyarison est devenu en quelques années un groupe phare du kaneka, bien ancré dans son temps.
« Je ne fais pas du kaneka pour être une légende », précise d’emblée Ritchi Bouanou dont la présence le 12 novembre aux côtés des « géants » du genre a visiblement posé question. Sollicité par les organisateurs, il explique que « c’est un honneur pour nous de se joindre à tous ces grands noms » et une « belle manière de clore la période des accords », comme cela lui a été présenté.
Mais pour Hyarison, la pratique du kaneka est avant tout un travail du quotidien pour « faire en sorte que le genre continue à vivre et faire connaître la culture du pays ».
ENGAGEMENT
Avant de se lancer en solo en 2016, le chanteur et musicien quadragénaire a fait ses classes avec Cada et Koulnoué Boys Band, le groupe de son père. Ce n’est pas l’unique explication de sa destinée. « Quand on est kanak et qu’on est dans ce pays, on ne peut pas ne pas aimer le kaneka ! »
L’amour de la musique est accolé à un engagement idéologique. « À Hienghène, on a été bercé par les valeurs de Jean-Marie Tjibaou, Jean-Pierre Djaïwé, etc. On ne peut pas ne pas être ancré dans un engagement, sous quelque forme que ce soit. » Les siens reposent sur la culture, le sport (notamment le handisport), la religion et la coutume. « Autant de vecteurs pour le vivre ensemble, le sentiment commun d’appartenance. »
Sachant que « le retour à la tradition est un mythe » comme le disait Tjibaou, il aime l’enraciner dans la modernité avec des textes percutants sur des thèmes actuels (ex : « Kanak d’appartement »). Au risque de déplaire. « Le titre « Oui ma belle Kanaky » a beaucoup dérangé certains loyalistes. Mais je ne suis pas là pour faire plaisir à tout le monde. »
Le son de Hyarison est également caractérisé par sa voix claire et des harmonies vocales de choristes féminines. Pour la musique, il rend hommage aux professeurs qui l’entourent, issus du département des musiques traditionnelles et de chants polyphoniques océaniens au sein du Conservatoire de musique (DMTCPO). « La modernité, c’est justement d’avoir des jeunes qui sont capables de pratiquer le kaneka. »
Désormais, « c’est un combat pacifique : nous contre les autres musiques. Les remix, c’est la tendance en ce moment. Moi, je le dénonce un peu parce que ces artistes-là ne sont pas dans la même recherche que nous. » Perdre ce lien serait perçu comme un échec, notamment en référence aux grands noms du kaneka qui se sont mobilisés en leur temps.
Photo : © Eric Dell’Erba
Chloé Maingourd