Le diabète, combat d’une vie

À 59 ans, Jean-Philippe Leroux est un des piliers de l’association des diabétiques, créée en 1984. / © A.-C.P.

Malade depuis bientôt 30 ans, Jean-Philippe Leroux s’est mis au service des autres, sensibilise aux dangers du sucre et aide les diabétiques à mieux vivre leur affection.

Le diabète l’accompagne depuis presque la moitié de sa vie. « Cela fait 27 ans que je vis avec », témoigne Jean-Philippe Leroux. C’est à 32 ans que cet homme débonnaire comprend que quelque chose ne va pas. « Ce qui m’a alerté, c’est que j’avais perdu pas mal de poids et que je me levais beaucoup la nuit pour uriner. »

Ces signes ne trompent pas. Et ces symptômes, il les connaît, sa mère et ses grands-parents étant atteints du diabète. L’hérédité, un facteur aggravant en plus de l’hygiène de vie. « On mangeait de tout avant, on buvait des boissons sucrées, on ne faisait pas attention et il n’y avait pas d’informations sur les dégâts que cela pouvait causer. » Jean-Philippe Leroux est hospitalisé sans attendre, il faut impérativement faire descendre son taux de sucre dans le sang.

Depuis, il a banni cet aliment. « J’ai éliminé les produits sucrés du jour au lendemain. » Un choix qu’il n’hésite pas à prendre au vu des risques encourus. « Il a fallu agir vite et de manière radicale pour éviter les complications. » Tel un drogué, il ressent « un manque » au début. « Le sucre est un poison. » Petit à petit, il s’adapte. S’accorde simplement « un plaisir de temps en temps ». Et se met à la marche, l’activité physique étant largement conseillée. Mais la vigilance est constante afin de prévenir une rechute. « La vue peut être touchée, il y a les AVC, les crises cardiaques, les dialyses quand les reins ne fonctionnent plus, puis après les blessures et les amputations. »

« À FOND » DANS L’ASSOCIATIF

S’astreindre à une telle discipline n’est pas facile. Échapper au sucre, présent partout, est un défi. « J’ai carrément supprimé les plats industriels. J’essaie de beaucoup cuisiner avec des produits frais ou surgelés. » Jean-Philippe Leroux y est contraint. Son épouse est également diabétique. Et à un stade plus avancé. « On a pris cette décision sur l’alimentation et on a imposé aux enfants de manger comme nous. »

Dans un large sourire, il indique être suivi régulièrement, visite médicale tous les trois mois, contrôle annuel des yeux et du cœur. Un sourire rassurant. « Si on fait attention, on peut vivre bien et très longtemps avec le diabète. »

Son expérience, Jean-Philippe Leroux a voulu la mettre au service des autres. Il devient membre de l’Association des diabétiques de Nouvelle-Calédonie (ADNC) il y a 20 ans, et en prend la tête huit ans plus tard, après un accident du travail. Il préside aussi Dumbéa Handicap et est vice-président du Collectif Handicaps. « Il a fallu que je m’occupe, je me suis mis à fond dans l’associatif. J’y consacre du temps tous les jours. » Bien plus que ça. « C’est ma raison de vivre. Aider les autres. » Ce qui le tient ? La volonté. Sa femme, dont il s’occupe, ses enfants, qui le soutiennent. « C’est un vrai engagement. »

UNE OREILLE ATTENTIVE

Son premier cheval de bataille ? Sensibiliser sur les dangers liés au sucre. « Ça fait des années que je me bats contre ça. » Favorable à la taxe sur les produits sucrés, Jean-Philippe Leroux met également en cause les édulcorants, utilisés à la place et « encore plus dévastateurs ». Il le dit lui-même, « les industriels ne m’aiment pas ». C’est sûr qu’il ne leur fait pas de la bonne publicité sur son stand de l’association qu’il installe régulièrement lors de foires, marchés, etc. Car l’essentiel se joue avant. « Le diabète est une maladie silencieuse, on peut mettre dix ans avant de développer des symptômes. »

Il regrette qu’il n’y ait pas assez de prévention. Et craint pour la génération qui arrive, « les enfants, ce n’est pas joli ». C’est son deuxième cheval de bataille, le dépistage. L’association en réalise entre 4 000 et 4 500 par an. Environ 10 % d’entre eux se révèlent positifs. C’est souvent lui qui annonce la nouvelle. « On prend des pincettes pour le dire. Mais parfois, il faut être radical et expliquer à quel point c’est sérieux. Le diabète n’est pas une grippe. Après, souvent, ils reviennent me voir et me disent merci. »

C’est aussi pour une aide administrative ou des conseils que les malades font appel à lui. Jean-Philippe Leroux leur prête une oreille attentive. « Ils me parlent, me racontent leur histoire, leurs souffrances, les difficultés qu’ils rencontrent dans leur vie professionnelle ou personnelle. » Et il les remotive quand, parfois, le désespoir prend le dessus. « J’en rencontre qui me disent, “je suis fatigué de prendre mes médicaments, j’ai arrêté”. Mais non, c’est primordial de continuer son traitement. » Jean-Philippe Leroux ne veut pas laisser la maladie gagner.

Anne-Claire Pophillat

Dans notre dossier

Au congrès, deux conceptions se confrontent
La motion préjudicielle déposée par l’intergroupe Les Loyalistes et le Rassemblement visant à reporter l’examen du projet de loi n’est pas passée mardi 21 novembre, au Congrès. La taxe sur les produits sucrés a été votée avec les voix des indépendantistes et de Calédonie ensemble. →

Ce que prévoit la loi
Produits concernés, montant de la taxe en fonction de la teneur en sucre, affectation de la fiscalité perçue… Le point sur le contenu du texte adopté par le Congrès. →

Le sucre dans le viseur
Nous l’aimons un peu, beaucoup, passionnément et parfois même à la folie. Le sucre, ce produit si réconfortant, peut se transformer en un véritable poison. Le problème, c’est qu’il se trouve partout, même là où on ne le soupçonne pas : plats préparés, jus de fruits, sauces, céréales, etc. →

Sucre : une taxe « inflationniste »
Si les importateurs et les industriels jugent que la consommation excessive de sucre est un problème, ils estiment que la taxe est malvenue à un moment où les prix sont déjà très élevés, puisque son coût va retomber sur les consommateurs. →

« Le sucre ajouté, notre corps n’en a pas besoin »
Dominique Megraoua, médecin responsable du programme Diabète à l’Agence sanitaire et sociale, voit d’un bon œil la mise en place d’une taxe sucre dans un territoire touché de plein fouet par le fléau de l’obésité et les nombreuses pathologies qui en découlent. Pour lui, l’autorité publique doit aussi favoriser un environnement qui pousserait les Calédoniens « vers des modes de vie plus sains ». →