[DOSSIER] COP 27 : La grande déception des défenseurs de l’environnement

L’accord historique sur le fonds d’aide aux pays pauvres est bien la seule bonne nouvelle de cette COP27 pour Hubert Géraux, expert conservation et plaidoyer WWF Nouvelle-Calédonie. Il regrette des ambitions climatiques non rehaussées, aucune pression supplémentaire sur les énergies fossiles et le silence sur la COP15 biodiversité qui doit s’ouvrir début décembre à Montréal.

Que dirons-nous à nos enfants, nos petits-enfants quand ils se retourneront et qu’ils demanderont : « Papa, papy, qu’est-ce que tu as fait alors que tu savais ? » Cette question hante Hubert Géraux, expert conservation et plaidoyer WWF Nouvelle-Calédonie, après les conclusions du sommet mondial sur le climat.

La COP27 n’a pas été à la hauteur des attentes de l’organisation de protection environnementale. Loin de là. « Il y a beaucoup de déceptions. » La réduction des émissions de gaz à effet de serre en est une. « Les ambitions n’ont pas été rehaussées. On a réussi à reparler du 1,5°C mais ce n’était pas gagné, puisqu’il y a eu une montée en puissance des lobbyistes des énergies fossiles. Clairement, ils ont gagné. »

Il regrette qu’aucune pression supplémentaire ne soit mise sur la sortie des énergies fossiles. « Sur les 40 milliards de tonnes de CO2 émises par l’humanité, 36 viennent des énergies fossiles. C’est le cœur du problème et donc le cœur de la solution. »

COP15 biodiversité, nouveau rendez-vous manqué ?

Autre désillusion : aucun message porté à l’attention de la COP15 biodiversité, qui débute le 7 décembre au Canada. La décision finale se contente de rappeler l’importance et l’urgence de protéger et restaurer les écosystèmes naturels, sans faire référence à l’accord mondial qui doit être adopté à cet égard à Montréal. La biodiversité, alliée incontournable du climat, est la grande oubliée de la COP27. « Il n’y a pas un message politique clair qui est adressé à cette COP15 pour aller chercher un accord jumeau de la COP21 en 2015. Du fait d’une COP27 timorée, on a affaibli avant l’heure l’ambition de la COP15. »

Est-ce qu’à Montréal l’échec va se répéter ? Est-ce que les États vont réussir à renourrir l’espoir de l’humanité ? Les associations environnementales et les organisations non gouvernementales s’accordent à dire que la crise climatique doit aujourd’hui être considérée comme son nom l’indique : une vraie crise. Comme les autorités ont pu le faire face au Covid. « L’histoire récente nous a révélé qu’on était en capacité de réagir à la crise. Être en capacité d’évaluer l’urgence et dans l’urgence, d’être capable d’élaborer des solutions et de mobiliser les moyens nécessaires à la hauteur de la crise. On a osé le faire. Là, on parle de crise climatique et on ne réagit toujours pas. » 

Agir à l’échelle du territoire

Pour Hubert Géraux, l’échec de ce sommet ne doit pas être une fatalité pour la Nouvelle-Calédonie. Au contraire. « Ce n’est pas parce que les décideurs de la COP27 ont échoué que nous sommes obligés de suivre. »

Il invite d’ailleurs tous les décideurs locaux à prendre plusieurs chantiers à bras le corps : l’ambition de sortie des énergies fossiles dans le schéma de transition énergétique, le développement du logement bioclimatique, la réduction des incendies, la restauration des périmètres de protection de captage d’eau, l’interdiction de l’exploitation des fonds marins ou, encore, l’accélération du développement des agricultures naturelles.

Pour lui, ça ne fait aucun doute : on a tous la responsabilité d’agir et c’est maintenant que tout se joue. Au lieu d’en arriver à la « solidarité forcée », face à l’urgence vitale qui se présentera à nous d’ici quelques années, Hubert Géraux demande dès à présent « une solidarité intuitive et spontanée ». 

Edwige Blanchon

Photo : Hubert Géraux, expert conservation et plaidoyer WWF Nouvelle-Calédonie. / © E.B.

« Nous pouvons tous faire quelque chose pour réduire notre dépendance aux énergies fossiles »

L’ONG Conservation international de Nouvelle-Calédonie rejoint WWF sur les désillusions de la COP27. « Nous sommes plutôt déçus, mais pas surpris. » Le dédommagement pour les pays les plus impactés ? « Une sorte de cache misère. »

Le non engagement sur les baisses d’émissions de gaz à effet de serre ? Décevant. L’absence d’objectif d’élimination des combustibles fossiles ? Encore plus décevant. « Le lobbying des pays producteurs est efficace. Ce qui n’est pas très rassurant quand on sait que la prochaine COP aura lieu aux Émirats arabes unis », souligne l’ONG.

Elle rappelle toutefois que nous pouvons tous, par nos actions quotidiennes, faire « un petit quelque chose pour réduire notre dépendance aux énergies fossiles. Et ainsi se préparer, s’adapter au changement climatique et à ses effets sur l’environnement. »

 

« L’éducation à l’environnement doit devenir une matière »

Pour Carole Bernard, directrice du Centre d’initiation à l’environnement, le grand rendez-vous climatique mérite d’exister. « C’est bien qu’il y en ait, que les grandes institutions se mettent autour d’une table. »

Si elle n’était pas en attente « de grandes révolutions car les solutions ne se trouveront pas du jour au lendemain », elle a toujours l’espoir que des moyens soient mis en place pour inverser la tendance. « Il faut que les moyens soient donnés aux associations pour accompagner les gens. L’éducation à l’environnement doit devenir une matière », assure-t-elle.

Sensibiliser les différents publics à la protection et à la préservation de la planète est le combat que mène chaque jour le CIE. L’équipe de Carole Bernard est en première ligne pour que chaque petite action au quotidien puisse limiter les dégâts.

 

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