[DOSSIER] Stopper la ruée vers l’or des profondeurs

La Nouvelle-Calédonie prépare une loi du pays pour protéger les fonds marins. Ces profondeurs qui regorgent de richesses doivent être préservées aux yeux des protecteurs de l’environnement et d’Emmanuel Macron qui s’est opposé à leur exploitation lors de la COP27.

Les géants miniers rêvent d’un nouvel eldorado. Une contrée supposée regorger de métaux précieux. Or, argent, cobalt, zinc, manganèse ou nickel attendraient tapis dans les profondeurs océaniques. Les eaux calédoniennes n’y échapperaient pas.

« Ce ne sont pas de nouveaux métaux. Ils sont déjà utilisés pour la transition énergétique qui consomme énormément de cuivre, de zinc ou de nickel, explique Pierre-Yves Le Meur, directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD). Potentiellement, il y a des ressources importantes de métaux qui vont être très fortement demandés. » Certains d’entre eux composent, par exemple, les batteries des voitures électriques.

Cette photo illustre une cheminée hydrothermale, prise par le Nautile, lors de la campagne Futuna en 2012. / IFREMER

Lors de la COP27, Emmanuel Macron a affirmé son engagement pour en interdire l’exploitation. « Nous devons tout faire pour préserver les solutions en matière climatique et la biodiversité dans nos océans », a insisté le président qui annonçait, en 2021, 2 milliards d’euros (200 milliards de francs) dans un programme d’exploration des fonds marins.

La France envisageait des explorations et de potentielles expérimentations industrielles en Nouvelle-Calédonie. Par cette déclaration, Paris vire de bord et confirme une volonté locale. Le gouvernement calédonien a examiné un projet de loi du pays pour préserver le parc de la mer de Corail, correspondant aux 200 milles nautiques de la Zone exclusive économique (ZEE) calédonienne, de toute exploitation et de toute exploration pendant 10 ans. L’objectif est de protéger « l’environnement marin et la richesse écologique ».

Le texte prévoit une amende administrative similaire à celle interdisant l’accès aux réserves intégrales. « Ce moratoire se justifie par la nécessité de disposer d’une synthèse de l’ensemble des études scientifiques déjà réalisées sur les ressources minérales de la ZEE calédonienne », poursuit l’exécutif qui souhaite intégrer la « vision culturelle kanak de l’océan et de sa protection », en travaillant avec le Sénat coutumier.

AMBITIONS et BALBUTIEMENTS

Les 168 États membres de l’Agence internationale des fonds marins (AIFM), une organisation des Nations unies créée en 1994 pour exploiter ces espaces maritimes internationaux, se divisent encore sur ce principe de précaution. Plusieurs États sont pour exploiter les profondeurs. Nauru, petite république insulaire au large de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, possède une concession d’exploration avec une entreprise canadienne. La Norvège et le Japon misent énormément sur leurs ressources sous-marines. La Chine a affiché ses ambitions dans ses deux précédents plans quinquennaux.

L’IFREMER a déjà mené des recherches dans le Pacifique à l’aide de son submersible Nautile. / IFREMER

En face, les défenseurs d’une interdiction alertent d’un nouveau désastre environnemental. « Pour la mine terrestre, nous connaissons les effets et savons à quel point elle est dévastatrice sans contrôle très fort. Pour la mine marine, nous n’avons aucune idée des modes d’exploitation. Les impacts pourraient être dramatiques », précise Pierre-Yves Le Meur.

La ruée vers l’or des profondeurs reste hypothétique. Les technologies ne permettent pas encore de miner les abysses. Le seul projet concret, Solwara, a fait faillite en 2019, en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Les entreprises regardent du côté de Clarion-Clipperton, une zone géologique à des milliers de kilomètres au nord-est de la Nouvelle-Calédonie.

Des sondages ont été menés à Wallis-et-Futuna ou en Polynésie française par l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer). « Nous savons que ces formations géologiques existent et plus ou moins où, ajoute le chercheur. Nous n’avons pas de quantification précise de combien, de quelle densité ou de leur teneur en métaux. » En Nouvelle-Calédonie, seules les recherches scientifiques seraient autorisées pour en savoir un peu plus sur ces écosystèmes riches et méconnus.

Brice Bacquet

Photo : Les scientifiques s’intéressent à la présence de nodules polymétalliques des fonds marins et à l’impact de leur exploitation au large de la Nouvelle-Calédonie depuis les années 1990. / IFREMER

Que cherche-t-on dans les fonds marins ?

Quatre formations géologiques renferment des métaux potentiellement intéressants à exploiter : les nodules polymétalliques riches en différents métaux à des profondeurs très importantes ; les encroutements polymétalliques riches en cobalt sur les pentes des monts sous-marins ; les amas sulfurés composés d’or, d’argent ou de cuivre à proximité des cheminées hydrothermales ; les terres rares dans les boues sédimentaires très profondes.

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