Les récifs calédoniens dégradés, mais résilients

Les coraux des Loyauté ont subi « un blanchissement sévère l’été dernier dû à une canicule marine ». (© D.R.)

Les récifs de Nouvelle-Calédonie se sont fortement dégradés ces dix dernières années, selon l’association Pala Dalik, qui pilote le Réseau d’observation des récifs coralliens (Rorc). Une note d’espoir toutefois : ils arrivent encore à se régénérer, contrairement à la tendance mondiale.

Les coraux calédoniens ont particulièrement souffert depuis 2013. Il y a d’abord eu la prolifération d’acanthasters, ces étoiles de mer mangeuses de corail, qui détruisent à vitesse grand V les récifs lorsqu’elles sont trop nombreuses. Puis un épisode de blanchissement massif en 2016. Et enfin, ces trois dernières années, les intempéries liées au phénomène El Niña, qui ont entraîné le dépôt de sédiments sur certains récifs.
Résultat, 30 % des récifs calédoniens sont considérés comme dégradés. Malgré tout, nos coraux ont repris du poil de la bête et « depuis 2019, on observe certes encore des dégradations, mais on voit aussi que les récifs se régénèrent », assure Sandrine Job, biologiste marin et fondatrice de l’association Pala Dalik, en charge de la gestion du Réseau d’observation des récifs coralliens (Rorc).
UNE ATTAQUE
Une tendance qui s’est confirmée l’an dernier, selon le bilan 2023 du Rorc, portant sur un total de 101 récifs. Deux récifs, l’un à Ouvéa, l’autre à Poindimié, ont connu une croissance exceptionnelle, mais cinq se sont dégradés entre 2022 et 2023, en « raison d’un blanchissement sévère sur les Loyauté l’été dernier dû à une canicule marine », précise Sandrine Job. Et si la station proche de la barrière de La Foa a été victime d’une attaque d’acanthasters, celles-ci « ne sont ni nombreuses, ni fréquentes. Sur nos 101 stations, soit 50 000 m² de récif, on en a compté 37 en 2023, poursuit-elle. C’est lorsqu’il y a une multiplication d’individus que les acanthasters posent problème. Or, ces proliférations sont ponctuelles. L’ennemi n°1 des récifs, c’est la hausse des températures de l’eau, à l’origine des épisodes de blanchissement ».
Et sur ce point, 2024 avait particulièrement mal commencé. « On a très vite observé un palissement, mais les températures de l’eau sont finalement redescendues », note Sandrine Job. Les coraux peuvent en effet résister à environ un mois de canicule marine, c’est lorsque celles-ci durent que le blanchissement est inévitable. Or, les vagues de chaleur océanique ont doublé depuis les années 1980, estime le Groupe d’experts intergouvernemental sur le climat (GIEC), et touchent plus particulièrement le Pacifique Sud en période El Niño, comme c’est le cas actuellement.

POLLUTION ET SURPÊCHE

La hausse des températures, liée au changement climatique et à l’augmentation des émissions de CO2, n’est pas la seule pression humaine exercée sur ce milieu si fragile. La pollution de l’eau et la surpêche sont également pointées du doigt. « Un récif met sept ans à se régénérer lorsqu’il est situé dans une réserve ; c’est plutôt dix ans hors réserve », estime Sandrine Job. La scientifique voudrait désormais mesurer cette résilience des récifs : « Depuis quatre ans, on relève aussi le nombre de jeunes coraux que l’on voit apparaître, pour pouvoir quantifier cette régénération et créer un indicateur ».

Car au niveau mondial, le bilan est catastrophique. Environ la moitié de la surface mondiale de corail vivant a disparu depuis les années 1870, selon l’Initiative française pour les récifs coralliens (Ifrecor) et parmi ceux restant, près d’un tiers est actuellement menacé. Or, la Nouvelle-Calédonie et le Pacifique Sud résistent mieux en général. Si 30 % des récifs sont dégradés, ce taux atteint 60 % dans le reste du monde.

État des lieux 2023. (© Pala Dalik)

Une forte dynamique citoyenne

Né il y a 25 ans, le Rorc est un outil de collecte de données scientifiques collaboratif, c’est-à-dire que les participants à l’étude sont des bénévoles. Outre Pala Dalik, d’autres associations, des clubs de plongée, voire des particuliers – tous formés – sont impliqués dans le projet. Avec un intérêt grandissant des Calédoniens : 141 personnes ont participé au suivi en 2023, un record.

 

Charlotte Mannevy