Un conservatoire pour sauvegarder la flore endémique

Nicolas Rinck, biologiste et diplômé en aménagement du territoire, est chargé de mission pour la préfiguration du Conservatoire botanique de Nouvelle-Calédonie, qui serait le 13e à voir le jour en France. © A.-C.P.

En cours de création, le Conservatoire botanique a pour mission de sauver 200 espèces en danger critique d’extinction et, plus largement, de préserver la grande richesse de la biodiversité calédonienne aux trois quarts endémiques, un patrimoine naturel exceptionnel.

Un trésor unique et fragile 

« La biodiversité se situe à 80 % dans les outre-mers et principalement en Nouvelle-Calédonie », introduit Nicolas Rinck, chargé de préfigurer le Conservatoire botanique. Le territoire est, derrière Madagascar, le second des 34 hot spots mondiaux. Il se caractérise par un fort taux d’endémisme (76 %) parfois très localisé : « certaines plantes ne se rencontrent que sur un sommet ».

Le problème, c’est que sur 3 400 espèces répertoriées, 203 sont en danger critique d’extinction ‒ la France hexagonale en compte 50 ‒ et 316 en danger. Or, 68 % de cette flore en péril est concernée par les feux, 72 % se situent hors aires protégées et 83 % ne bénéficient d’aucune mesure de conservation.

Les forêts en première ligne 

Parmi les premiers concernés, des écosystèmes vieux de plusieurs milliers d’années, les forêts primaires : « il reste 20 % de forêt humide et 2 % de forêt sèche ». Ces dernières continuent de disparaître à cause des incendies, des espèces envahissantes et de l’exploitation minière.

Et si une forêt se replante, « elle ne sera jamais identique à celle qui a été perdue, chaque parcelle a un intérêt particulier par rapport aux espèces qu’elle abrite », explique Nicolas Rinck. Les zones prioritaires à préserver sont Bélep, le mont Kaala et le massif de Pandop, la grande forêt mésophile près de Koumac…

Son rôle 

D’où l’intérêt de créer un conservatoire avec une feuille de route territoriale. Ses principales missions seraient : « acquérir des connaissances, limiter au maximum la dégradation des milieux et reconstituer ceux abîmés, sauvegarder les habitats, constituer une banque de graines, favoriser la culture et valoriser les espèces dans l’économie locale ».

L’établissement, rattaché à l’IAC (Institut agronomique néo-calédonien), mène déjà des travaux sur le terrain, mais attend l’obtention de l’agrément national et de fonds qui permettront de recruter des spécialistes. Le conseil d’administration regroupe les trois provinces, l’État, l’Office de la biodiversité, l’IAC et Endemia.

Dix ans de politiques publiques 

Afin d’orienter l’activité, un rapport sur les dix ans d’actions publiques menées dans le domaine de la biodiversité a été commandé. Résultat, « certains points ont été améliorés, mais on n’est vraiment pas à la hauteur des enjeux que représentent les menaces », déclare Nicolas Rinck, qui déplore l’absence « d’une vision dynamique ».

De ce bilan, l’expert retient la poursuite de la dégradation des écosystèmes les plus riches, le manque de pertinence du découpage des aires protégées, l’insuffisance de mesures relatives aux espèces envahissantes et de ressources pour le programme forêt sèche, ou encore le besoin de penser les activités, par exemple l’urbanisme ou l’agriculture, en intégrant la question de la biodiversité et des espaces naturels.

Les actions 

Grâce à la mise en place d’un « schéma global », le conservatoire peut aider à définir là où les moyens seront le plus efficients. « Il est temps de mutualiser les efforts, d’arrêter le saupoudrage et de déterminer les priorités », insiste Nicolas Rinck. Le biologiste cite, entre autres, la dynamique de restauration écologique des bassins miniers, qui gagnerait en efficacité si les sociétés minières agissaient ensemble. « On aura davantage d’argent et on travaillera plus efficacement que si chacun reste dans son coin. »

Les plans directeurs de conservation constituent un des axes majeurs d’intervention. Au nombre de trois, un par province, ils ciblent les espèces en danger critique d’extinction et les milieux uniques qui les abritent (lire par ailleurs).

Un tourisme de niche 

En septembre, l’International Palm Society, « le plus grand réseau mondial de fans de palmiers » américain, organise un séjour en Nouvelle-Calédonie. Cent cinquante amateurs, pépiniéristes, botanistes, collectionneurs, etc., vont loger au Sheraton Deva.

« L’archipel est un haut lieu d’intérêt pour les palmiers, on en découvre encore des nouveaux, comme l’année dernière du côté de La Foa et la Ouinné. C’est un des rares endroits au monde où cela se produit encore. » Lors de la venue du groupe, Nicolas Rinck sera chargé de « les guider, de veiller à ce qu’ils respectent les usages et les lieux visités, de nouer des partenariats pour la protection et la valorisation des espèces remarquables ».

Accompagner le déplacement de ce type d’associations de passionnés sur le territoire pourrait être un des rôles du conservatoire. « Il y a des fans d’orchidées, de champignons, de lézards, de mousses, de fougères… On pourrait asseoir une offre touristique sur notre biodiversité. »

Anne-Claire Pophillat 


Trois plans de conservation 

Province Nord : Kopéto-Paoua-Boulinda

Le Thiollierea naounarum a été observé à un seul endroit, sur une surface de quelques kilomètres carrés. © Frédéric Rigault

Dix espèces endémiques du massif minier de Kopéto sont ciblées. « Pour certaines, on ne connaît que dix individus et on ne sait pas à quoi ressemblent les graines. C’est un défi pour la science aussi, parce qu’on ne sait pas trop comment faire pour les multiplier », relève Nicolas Rinck. Parmi les actions prévues : trouver des financements, décrire les espèces, prévenir le risque incendie, protéger le massif Boulinda ou encore contrôler les populations de cerfs rusa et de cochons sauvages.

Province Sud : l’Île des Pins

La plante Solanum insulaepinorum a été répertoriée sur l’îlot Ouaté. Le Conservatoire conseille de prospecter les îles voisines et de la cultiver pour la sauvegarder.© Gildas Gâteblé

Douze variétés de plantes sont concernées, dont la majorité sont localisées sur le pic N’Ga. Ce patrimoine est soumis à de fortes pressions et l’une d’entre elles, aperçue uniquement sur un site, n’avait pas été revue depuis les années 1980, mais un individu vient d’être trouvé, « le seul à ce jour ». Le plan comprend plusieurs points : instituer un comité de pilotage, restaurer les habitats des pics N’Ga et Meunier, lutter contre les feux, gérer la fréquentation du public sur N’Ga et la baie d’Oro…

Province des îles Loyauté

Peu d’informations ont été récoltées sur Pseuderanthemum melanesicum, ici à Maré.© Gildas Gâteblé

Trois espèces sont visées, dont la Dischidia immortalis, très rare et qui n’est connue que des sols calcaires de Lifou, au sud- ouest, à Huiwatrul. La plante se développe dans des conditions très particulières en présence d’une humidité maximale en forêt. Environ deux tiers des Loyauté sont recouverts d’une flore unique qui, si elle est moins affectée par les feux et les défrichements que la Grande Terre, subit des agressions de la part des chèvres et du bétail depuis plusieurs années.