Rugby : Willy Taofifenua, le Mammouth qui a « ouvert la voie »

Né en 1963, Willy Taofifenua a découvert le haut niveau assez tard. « J’avais deux enfants. J’étais militaire, j’avais un bon travail sur la base de Nandaï. Après les Jeux du Pacifique de 1987, c’est Gérard Murillo », entraîneur de la sélection calédonienne victorieuse, « qui m’a convaincu de partir. Il m’a donné envie de découvrir autre chose ». / © G.C.

Au panthéon du rugby français, le nom de Willy Taofifenua est indissociable des mythiques Mammouths de Grenoble, qui firent trembler le championnat de France dans les années 1990. Premier Calédonien d’origine wallisienne à avoir percé, il est fier de voir s’allonger la liste de ses successeurs.

La pelouse de Rivière-Salée est peut- être meilleure qu’à l’époque. Les vestiaires, il en est presque sûr, n’ont pas changé en quarante ans. Une chose est certaine : le rugby, lui, a beaucoup évolué. Du temps du club de Lomipeau, les grandes envolées n’étaient pas vraiment une spécialité maison. « Ça jouait dur… », résume pudiquement Willy Taofifenua, qui a développé à Nouméa ce goût du combat qui allait faire des merveilles dans les grands clubs français. À Mont-de-Marsan, d’abord. Et surtout, dans la mythique équipe des « Mammouths de Grenoble », dans les années 1990, où ses 113 kilos pour 1,89 m passaient presque inaperçus. « Je n’étais pas assez costaud pour jouer devant…, raconte Willy Taofifenua. On avait cinq mecs qui mesuraient deux mètres », dont les colossaux Olivier Brouzet et Olivier Merle (dit « l’Homme et demi »).

« PAS ASSEZ COSTAUD »

Il rejoint donc les arrières, supposément plus légers, et davantage portés sur l’évitement que sur la collision. Mais l’entraîneur Jacques Fouroux, séduit par ses qualités de force et de vitesse, l’a précisément recruté pour jouer les boules de bowling au centre du terrain. « J’avançais au milieu, et ça nous donnait deux options d’attaque, à droite ou à gauche. Jacques Fouroux était en avance sur tout le monde. Dans la stratégie, dans la préparation… Il était pro avant l’ère du rugby pro. » Ce rôle nouveau, aujourd’hui occupé par Jonathan Danty en équipe de France, Willy Taofifenua l’étrenne avec brio. Il devient rapidement incontournable dans le petit club qui monte vite, boosté par l’argent de Serge Kampf, patron du groupe informatique Capgemini. Quand les autres équipes prennent le bus, les Mammouths voyagent en avion. Leur essor attire autant d’admirateurs que de détracteurs.

MENEUR

En dix ans de carrière à Grenoble, Willy Taofifenua ne soulèvera jamais le bouclier de Brennus. La finale du championnat de France 1993, marquée par une célèbre erreur d’arbitrage, reste « un mauvais souvenir ». Mais il marquera le club. Par sa longévité, jouant jusqu’à l’âge de 39 ans en première division. Par ses qualités de meneur, exprimées en tant que capitaine puis entraîneur de l’équipe. Et par la fondation de ce que la presse appelait alors la « Pacific connection ». « Mes qualités de puissance étaient appréciées. Au club, les gens voulaient savoir s’il y en avait d’autres comme moi au pays. » Et il y en avait, à commencer par ses frères Jean-Claude et Jean-Jacques, mais aussi Lyonel Vaïtanaki et Abraham Tolofua. « Je les ai faits venir. J’ai ouvert la voie.»

LES SUCCESSEURS SONT LÉGION

Les descendants de la « Pacific connection » de Grenoble sont aujourd’hui nombreux en Métropole. Le deuxième ligne Romain Taofifenua dispute actuellement la coupe du monde avec l’équipe de France. Son frère Sébastien, pilier, a porté le maillot bleu à quatre reprises. Le dernier, Killian, est talonneur à Biarritz. « Leur réussite, c’est ma plus grande fierté », savoure Willy, leur père, également fier des cousins.

Filimo Taofifenua, fils de Jean-Claude, est troisième ligne à Oyonnax. Donovan, fils de Jean-Jacques, est ailier au Racing Metro 92. Christopher et Selevasio Tolofua (2 sélections chacun), neveux d’Abraham, sont respectivement talonneur et troisième au Rugby club Toulonnais. Et la liste s’allongera, à n’en pas douter.

Gilles Caprais

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