« Un grand pas » sur le corps électoral

’ouverture des discussions autour du dégel du corps électoral est ce qu’il faut retenir de cette troisième visite de Gérald Darmanin. / © A.-C.P.

Corps électoral, autodétermination, avenir institutionnel. « On a réussi à débloquer des situations », estime Gérald Darmanin. Prochaines étapes : la visite annoncée d’Emmanuel Macron en juillet et des (possibles) trilatérales fin août, à Paris.

Gérald Darmanin n’est pas arrivé les mains vides en Nouvelle- Calédonie, mais avec les propositions de l’État concernant l’avenir institutionnel. De quoi nourrir les bilatérales du lendemain, vendredi. La priorité ? Le corps électoral, au vu des échéances de 2024.

Le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer l’a martelé à chacune de ses interventions. « C’est le plus urgent, on ne peut pas continuer avec le même pour les provinciales. » Si le consensus est privilégié sur ce point, « le gouvernement de la République prendra ses responsabilités » dans le cas où les parties n’y parviendraient pas. Car le temps presse.

Tout changement doit passer par une modification de la Constitution ou de la loi organique. « Nous saisirons le conseil d’État pour connaître la méthode juridique », a indiqué Gérald Darmanin sur NC La 1ère dimanche soir. Il s’agit, d’abord, d’intégrer les 11 000 natifs qui ne peuvent pas voter. « Tout le monde a l’air de l’accepter », affirme-t-il.

Dans un communiqué, le FLNKS demande d’évaluer les impacts possibles sur le scrutin. Ensuite, de passer à un corps électoral glissant sur sept ans. Les non-indépendantistes ont proposé trois ans, les indépendantistes « acceptent de regarder à dix ans », selon Victor Tutugoro (UPM) qui conduit, avec Roch Wamytan, la délégation du FLNKS dans les discussions avec l’État.

« UN ÉQUILIBRE D’ENSEMBLE »

« Les indépendantistes ont fait un grand pas », juge Gérald Darmanin. Le nombre d’années n’est pas – encore – le plus important. Le compromis viendra en son temps, lors des pourparlers parisiens. D’autant que la négociation s’inscrit dans le cadre d’un accord global. « C’est un équilibre d’ensemble à trouver », note Sonia Backes.

Le simple fait d’en discuter marque déjà une avancée. « C’est la première fois qu’il y a un pas aussi important, retient la cheffe de file de la délégation loyaliste. Ils acceptent le dégel. En ce sens, c’est une réussite. »  Le ministre envisage également de simplifier le fonctionnement actuel en fusionnant deux des trois listes, par exemple. Pas question de toucher au corps électoral spécial, prévient Victor Tutugoro.

Une ouverture rendue possible grâce à la garantie donnée par l’État aux indépendantistes de ne pas remettre en cause l’Accord de Nouméa. « C’est une des choses que l’on avait demandées, de construire à partir de ça. »

Ainsi que le maintien du territoire « dans une phase transitoire attachée à un processus de décolonisation ». Deux points qui constituent, pour le FLNKS, « une base solide pour la poursuite des discussions ».

UNE TRAJECTOIRE À DÉFINIR

Dans cette nouvelle trajectoire, la réflexion autour du fonctionnement des institutions et des compétences tiendra une place centrale. Les indépendantistes sont favorables au transfert d’autres compétences. Gérald Darmanin a parlé de la diplomatie régionale. Pas les loyalistes. Le FLNKS veut « la poursuite du processus irréversible de décolonisation de la Nouvelle-Calédonie ».

Sonia Backes sollicite la désinscription de la Nouvelle- Calédonie de la liste des pays à décoloniser. La question de l’autodétermination et des moyens permettant d’y accéder cristallise les postures.

L’État suggère un référendum de projet d’ici deux à trois générations (50 à 75 ans) avec un droit de pétition de la population – aujourd’hui, seuls les élus du Congrès peuvent déclencher le processus.

Un temps long qui satisfait les non-indépendantistes et dépasse la question binaire « qui divise les Calédoniens », souligne Sonia Backes. C’est beaucoup trop, tranche Victor Tutugoro. « Au départ, nous voulions une mandature, c’est-à-dire cinq ans. On va regarder comment on se positionne. »

Les rencontres doivent s’accélérer dans les mois à venir. Le président de la République est attendu en juillet. « Il a des choses à dire sur la place de la France en Nouvelle- Calédonie, l’axe Indo-Pacifique, l’histoire parfois douloureuse. Il va aussi réaffirmer que si nous n’avançons pas, l’État le fera », insiste Gérald Darmanin.

Le FLNKS indique qu’il échangera à cette occasion une nouvelle fois en bilatéral avec le ministre. Puis, les Calédoniens sont invités à Paris fin août. « Je ne tiendrai pas de réunion s’il n’y a pas de trilatérales » à ce moment-là, a précisé Gérald Darmanin. « On n’a pas dit non. Ni oui, pour le moment », déclare Victor Tutugoro.

Le ministre se dit « prêt à revenir une quatrième fois en septembre ». D’ici là, il appelle chacun à « faire un pas vers l’autre », à travailler ensemble, appuie-t-il, ménageant chaque camp. « Il existe plein de modèles institutionnels qui permettent de garder la Nouvelle- Calédonie dans la France en donnant du temps long tout en respectant les spécificités. »

Anne-Claire Pophillat

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