[DOSSIER] Avenir institutionnel : aider au dialogue

Fin novembre 2023 à Nouméa, le ministre Gérald Darmanin avait animé une rencontre entre les Loyalistes-Rassemblement et l’UNI, mais déjà sans l’UC. Depuis, le fossé s’est creusé entre les parties. © Archives Y.M

Après trois consultations d’autodétermination, la construction d’un avenir institutionnel serein et partagé, tel que voulu par les accords successifs, est aujourd’hui arrêtée. Pire, la tension monte, à coups de mobilisations dans la rue, de discours véhéments, de radicalisation des positions.

Source d’un désaccord profond entre Loyalistes-Rassemblement et indépendantistes, le projet de loi constitutionnelle, invitant au dégel du corps électoral provincial, suit sa route parlementaire, vers les phases ultimes de l’Assemblée nationale et du Congrès de Versailles. Le fil entre une partie significative des élus, ceux de l’UC et de l’UNI, et le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin est rompu.

En clair, la perspective d’un accord global entre politiques sur l’évolution institutionnelle de la Nouvelle- Calédonie, acte qui stopperait l’actuel processus législatif contesté, s’éloigne de jour en jour. La question est désormais : la paix connue sur le territoire peut-elle résister longtemps à ces oppositions de plus en plus frontales ?

Pour trois formations ou personnalités politiques, il faut agir vite. Les responsables du parti Calédonie ensemble mais aussi Patrick Kanner, président du groupe socialiste, écologiste et républicain au Sénat, proposent l’instauration d’une « mission du dialogue » destinée à réactiver les pourparlers entre les sensibilités. Le FLNKS imagine lui une « mission de médiation ». Le terme est différent, une nuance existe, mais l’idée est proche. Du côté de la société civile, la Ligue des droits de l’Homme et du citoyen de Nouvelle-Calédonie milite aussi pour un retour du dialogue.

« L’heure est grave »

L’intention, qui devrait être formalisée avec les services de l’État, n’est pas sans rappeler l’initiative prise en 1988 après le drame d’Ouvéa. Un groupe constitué d’un sous-préfet, d’un pasteur ou encore d’un franc-maçon, et piloté par Christian Blanc, avait multiplié les rencontres dans le but de débloquer une situation des plus tendues. Ce chemin mènera à la signature des accords de Matignon-Oudinot.

« Mais, aujourd’hui, ce n’est pas comparable », estime un observateur. « Nous étions dans un contexte d’après-guerre. » L’État devrait, quoi qu’il en soit, valider un tel dispositif. L’exécutif de Gabriel Attal le fera-t-il, puisque son propre texte, le projet de loi constitutionnelle, est à l’origine de la tempête ? Les positions doivent néanmoins évoluer, au risque d’un dérapage.

Sur la place de la Paix samedi, l’UC Roch Wamytan a indiqué qu’une demande de rencontre officielle venait d’être adressée au président de la République, Emmanuel Macron. « Parce que l’heure est grave. » Une option tendrait aussi à repousser la date du Congrès de Versailles. Histoire de lever la pression et favoriser la reprise du dialogue. Ce qui n’empêche pas, pour autant, l’intervention d’une personnalité extérieure, un médiateur, choisie par les parties. Le statu quo n’est plus possible.

Yann Mainguet