Octobre rose : « Aller chercher les patientes » dans les tribus et le Nord

Le réseau d’oncologie regroupe des professionnels spécialisés dans le diagnostic et le traitement des cancers. / © B.B.

Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent en Nouvelle- Calédonie. Pour le combattre, les professionnels de santé sensibilisent les femmes afin qu’elles se fassent dépister le plus tôt possible. La mammographie et l’autopalpation aident à éviter les formes les plus graves, rappelle Dr Sophie Perreve, gynécologue au Médipôle et co-présidente du Réseau Onco NC.

DNC : Pourquoi la sensibilisation est-elle importante pour le cancer du sein ?

Sophie Perreve : Parce que c’est le premier cancer de la femme. Il touche 1 femme sur 7. Et c’est aussi l’un des cancers qui se soignent le mieux. Plus de 85 % des patientes guérissent. Notre cheval de bataille est le dépistage par mammographie. On a aussi à cœur d’apprendre l’autopalpation pour repérer les signes cliniques d’appel du cancer. Cela peut être une rougeur au niveau de la peau, une masse dans le sein ou une rétraction du mamelon.

Quelles sont les recommandations pour les examens radiographiques des seins ?

À partir de 50 ans, les femmes reçoivent, tous les deux ans, un courrier qui les invite à passer une mammographie gratuite dans n’importe quel centre de Nouvelle-Calédonie. Avant 50 ans, on n’est pas obligé d’en faire une tous les deux ans. S’il y a un risque génétique, on commence dès 30 ans. On s’adapte à la patiente et à son histoire familiale.

Lors des consultations, les soignants demandent les antécédents. S’il y a plusieurs cas ou une personne jeune dans la famille au premier degré (une mère, une sœur…), une prise de sang est réalisée pour rechercher un panel de gènes qui prédisposent au cancer du sein. Ce type de recherche est tout à fait possible en Nouvelle-Calédonie.

Les patientes doivent faire cet effort d’aller faire leur mammographie à partir de 50 ans ou de consulter si elles constatent un aspect anormal de leur sein.

Selon le Baromètre santé 2021-2022, une femme sur deux ne suivraient pas
ces recommandations. Parce qu’on ne leur a jamais proposé, qu’elles refusent, manquent de temps, oublient, ont peur ou que c’est trop loin. C’est dommage que des femmes n’aient pas accès au dépistage.

Les patientes doivent faire cet effort d’aller faire leur mammographie à partir de 50 ans ou de consulter si elles constatent un aspect anormal de leur sein. Sans dépistage, les malades peuvent arriver à des stades plus avancés qui ne peuvent pas être guéris. Il faut faire du bruit, en parler, le faciliter.

On sait que l’accès à la mammographie n’est pas simple, voire très compliqué, notamment en province Nord. Les centres de radiologie se trouvent tous en province Sud. Le plus haut est à Bourail.

Comment aller chercher les femmes éloignées ?

Dans les Îles et le Nord, il y a un décalage d’accès aux soins qui est très préoccupant. La Ligue contre le cancer et l’Agence sanitaire et sociale y réfléchissent. À l’époque, des radiologues se déplaçaient à Koumac, à Poindimié, etc. Aujourd’hui, un radiologue est installé à Koné.

En Nouvelle-Calédonie, tout le monde le sait, cela reste compliqué de recruter des médecins. On fait face à une grave pénurie. On a du mal à trouver des radiologues qui ont la spécificité mammographie. C’est un véritable problème. Il faut peut-être aller chercher les patientes dans les tribus. Des bus pourraient se déplacer pour prendre les rendez-vous ou les emmener dans un centre de mammographie pour faire les examens dans la journée. Il faut plus de proximité et informer.

Il pourrait y avoir des acteurs locaux, originaires des tribus, pour parler aux femmes. On se rend compte qu’il y a une peur de la médecine conventionnelle et de la maladie qui crée du déni. C’est important de mieux informer, de rassurer les patientes, de leur expliquer concrètement ce qu’on va leur faire parce qu’elles n’ont pas forcément conscience des traitements.

On a des équipes chirurgicales, privées et publiques, un centre de radiothérapie et des oncologues compétents.

Où en sont justement les traitements sur le territoire ?

On a une très bonne prise en charge des patientes. Les traitements sont calqués sur les protocoles de la Métropole. Il est possible de se faire soigner sans problème. Dès que c’est pris en charge, on a les mêmes chances de survie, les mêmes traitements et les mêmes produits à disposition. On a des équipes chirurgicales, privées et publiques, un centre de radiothérapie et des oncologues compétents.

Que conseillez-vous aux Calédoniennes ?

Il faut s’informer. Il faut en parler à son médecin, sa sage-femme ou son gynécologue. Il faut consulter dès que vous remarquez quelque chose d’anormal sur votre poitrine.

Propos recueillis par Brice Bacquet

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Mammographie sans rendez-vous

Le service de radiologie du Médipôle propose des mammographies, des examens radiographiques des seins, sans rendez-vous, mardi 31 octobre, de 8h30 à 15h30.

Et les hommes ?

Chez les hommes, le cancer du sein demeure très rare. Selon les chiffres nationaux, il représenterait 1% des cas. « Il y a un retard à la prise en
charge parce qu’ils sont moins conscients que ça peut leur arriver, explique Sophie Perreve. On fait systématiquement une recherche oncogénétique, parce que c’est souvent lié à des prédispositions familiales. »

Les patients suivent les mêmes traitements que les femmes. Lors de l’autopalpation, il faut notamment rechercher des petits nodules suspects derrière le mamelon.

 

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