En à peine quelques années, le manga est devenu un incontournable des rayons des librairies nouméennes. De quelques livres à des dizaines de mètres d’étagères bondées, de quoi assouvir les demandes des lecteurs, de plus en plus en nombreux.
L ’As de Trèfle consacre un rayon au manga depuis déjà dix ans. Il n’a cessé de s’agrandir. « Pour se le représenter physiquement, il était constitué de trois étagères d’un mètre au magasin de Magenta, raconte Appolina, responsable adjointe de la librairie. Depuis, il a été multiplié par 24 en termes d’occupation d’espace. » L’explication est simple. La demande est en constante augmentation. Face à un tel engouement, l’enseigne est devenue partenaire, aux côtés de la ville de Nouméa et de l’association Manga NC, du prix des lecteurs Manga San, initié en 2016 par Anne Kihm, professeure-documenta- liste au collège de Rivière-Salée. Les élèves amateurs de manga lisent une sélection de titres auxquels ils attribuent une note. « L’objectif est d’orienter les élèves vers la lecture par le biais de mangas accessibles aux collégiens et aux lycéens. » Le prix s’accompagne également d’un concours de dessin.
FACILITÉ DE LECTURE ET PRIX
Le phénomène est similaire dans les autres commerces. Depuis cinq ans que la Fnac existe, le magasin, dont la fermeture est annoncée pour la fin du mois de juin, a toujours disposé d’une surface consacrée au manga, qui s’est développée au fil du temps. « J’observe un boom des ventes depuis trois ans », indique Pamela, responsable de la librairie. Il faut dire que le support séduit à tout âge. « Il y a beaucoup de jeunes lecteurs, mais aussi des moins jeunes. » « De 7 à 40 ans environ », précise Marion, responsable chez Ludik, où le manga, arrivé dans les rayons en 2019 avec seule- ment quelques livres, s’est imposé en 2021. Là encore, en lien avec la forte demande, ainsi que l’embauche d’une libraire passionnée, spécialiste du secteur. Résultat, la mangathèque s’étale sur des dizaines d’étagères. « Rien que la semaine dernière, cela a représenté 16 % de l’ensemble des ventes du magasin, jeux compris. »
Le manga, popularisé par les plateformes de lecture et de streaming, plaît. Si la lecture de droite à gauche peut rebuter de prime abord ‒ le sens de gauche à droite est de plus en plus fréquent ‒ la facilité de lecture et l’attrait du dessin constituent des arguments imbattables. « C’est un premier pas vers la lecture. » Qui a su s’imposer, comparé aux débuts de la bande dessinée, parfois considérée comme de la « sous » littérature. « J’entends parfois des parents dire “tu prends un livre mais pas un manga”, mais cela n’arrive pas si souvent, témoigne Marion. Maintenant, les parents les lisent aussi. » Et, à partir de 700 francs le tome, ils sont accessibles. « Les séries sont lancées à bas prix pour donner envie et inciter les gens à investir dans les numéros suivants, estime Pamela de la Fnac. Ça fonctionne aussi beaucoup avec des offres : on achète deux tomes pour le prix d’un par exemple. Les distributeurs en proposent régulièrement. » Même si les mangas fonctionnent souvent par collection ‒ il faut imaginer le coût des 105 livres de la série One Piece, elles s’étalent sur des années.
MULTITUDE DE CHOIX
Le marché foisonne de titres. Japonais et, depuis peu, d’équivalents coréens. Appelée manga, la bande dessinée en Corée est en réalité désignée sous le terme manhwa, part importante de la culture du pays. Cela n’est sans doute pas étranger au succès du genre en général, poussé par l’enthousiasme suscité par la musique K-pop. Parmi tout ce choix, il faut s’y retrouver. « On essaye d’anticiper, il y a tellement de propositions qu’il faut bien sélectionner. On fait des recherches en amont des commandes pour bien cibler ce que l’on prend. » La responsable de la librairie à la Fnac, qui a même participé au Week-End Geek l’an dernier, mise sur la poursuite de l’accroissement des ventes. « Cela dépend des mois, mais je dirais que c’est la 2e vente après la littérature jeunesse et générale. Et je pense que ça devrait prendre de plus en plus de place. »
Anne-Claire Pophillat
One Piece, qui compte 105 tomes, est une des séries les plus longues. Publiée depuis 1997, le manga d’Eiichirō Oda est le plus vendu au monde et en France avec plus de 515 millions d’exemplaires.