Le potentiel des macroalgues examiné à la loupe

Lydiane Mattio, spécialiste des algues marines, et Henriette Waya, technicienne de recherche à l’IRD. / © E.B.

Après avoir été longtemps boudées, les algues ont désormais la cote. On les trouve dans l’alimentation humaine ou animale, dans les produits cosmétiques, mais aussi dans les bioplastiques. Lydiane Mattio et Laura Lagourgue les étudient minutieusement afin de les développer localement.

Les Calédoniens ramassent parfois des algues échouées sur les plages. Ils les utilisent comme engrais dans leur jardin. Dans le nord et les îles, ils dégustent celles appelées Caulerpes ou « caviar vert » avec du lait de coco et un peu de jus de citron. Mais les amateurs ne sont pas très répandus sur le territoire. Tradition oubliée ou ressource jamais vraiment exploitée ? Il y a, dans les deux cas, un intérêt à réveiller, selon Lydiane Mattio et Laura Lagourgue.

Les deux chercheuses souhaitent utiliser cette richesse pour le marché local. Dans le monde, la culture des macroalgues est en plein essor et occupe une place essentielle au sein de l’économie bleue. Avant d’arriver à en produire ici et à les valoriser, il faut d’abord étudier attentivement leur potentiel. « Pour l’instant, on a fait une sorte d’inventaire des possibilités, pour voir lesquelles seraient intéressantes », explique Lydiane Mattio, spécialiste des algues marines.

SÉCURITÉ ALIMENTAIRE

Première étape : vérifier qu’elles puissent être consom- mées en toute sécurité. Dans le cadre du projet SafeNCweed, porté par l’IRD et plusieurs partenaires, les chercheurs s’intéressent à ce qu’elles peuvent contenir. Les algues étant connues pour cumuler les métaux lourds. « Il y en a pas mal en Nouvelle-Calédonie », souligne la scientifique. Il faut aussi surveiller le taux d’iode, « si elles en ont trop, elles peuvent être néfastes pour la santé », et les polluants. Des analyses sont réalisées dans les laboratoires de l’IRD.

La Caulerpa racemosa fait partie des algues ciblées dans le projet de culture de macroalgues.

Des échantillons ont été prélevés sur différents sites et plusieurs types d’habitat. En tout, une dizaine d’espèces ont été sélectionnées. « On s’est focalisé sur la partie sud de la Nouvelle-Calédonie. Le projet pourra être étendu dans le nord et les îles plus tard. »

Les premiers résultats devraient être livrés à la fin de l’année. « La deuxième étape sera de regarder si les taux de métaux mesurés dans le milieu naturel varient quand on va les cultiver. » Grâce à un autre projet (SouthPACIWEED), les scientifiques étudient également la réglementation et les normes qu’il faudrait appliquer à leur consommation en Nouvelle-Calédonie et dans le reste du Pacifique Sud.

DES ESSAIS DE PRODUCTION

Tout ce travail doit aider Lydiane Mattio et Laura Lagourgue à y voir plus clair dans la faisabilité de leur future entreprise, Algaedonia. Sa mission : produire des algues en bac et en coculture avec un élevage aquacole. Un financement du programme PROTEGE permet de mener les premiers essais au Centre tech- nique aquacole (CTA), à Port-Ouenghi. Attention, il n’est pas question d’aller planter des piquets dans le lagon. « On veut utiliser des infrastructures existantes. »

À SAVOIR

Caulerpa est une algue verte des régions côtières de l’Indo- Pacifique. Elle est l’une des espèces comestibles préférées en raison de sa texture douce et succulente. Elle pousse naturellement en Nouvelle-Calédonie.

 

D’après la scientifique, les avantages de cultiver des espèces calédoniennes ne manquent pas. La culture des macroalgues est l’une des plus productives : elle ne nécessite ni engrais, ni pesticide, ni eau douce. Ces végétaux aquatiques se développent rapidement, absorbent le dioxyde de carbone et peuvent dépolluer un site naturel d’un excès d’azote et de phosphate (on appelle cela la biorémédiation).

Lorsque les algues sont associées à des fermes aqua- coles, on parle d’aquaculture multitrophique. « C’est la façon la plus vertueuse de cultiver et d’élever des organismes car les algues utilisent les rejets organiques de l’espèce animale pour leur propre croissance. »

Et ensuite ? Nos algues ont le choix. Soit elles partent dans l’alimentation humaine : « On en a partout dans l’industrie agroalimentaire, ce sont des épaississants, des gélifiants ». Soit dans l’alimentation animale pour les poissons, les crevettes et même les bovins : « Ça peut être une source de complément alimentaire pour le bétail, avec des vitamines, des minéraux ». Soit dans les engrais, le bioplastique… Les voies de valorisation sont multiples. Il n’y a plus qu’à trouver la plus adaptée et la plus intéressante pour la Nouvelle-Calédonie.

Edwige Blanchon

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