Lancement d’une étude inédite sur les requins

Le montant de l’étude sur les requins tigres (photo) et bouledogues, financée à hauteur de 75 % par l’État via le contrat de développement, s’élève à 200 millions de francs. © Photo d'illustration

Pendant quatre ans, une équipe de l’Institut de recherche et de développement va observer 200 requins tigres et bouledogues au large du littoral de la province Sud. Lundi 29 avril, la collectivité a signé une convention avec l’IRD et l’État. L’objectif : mieux connaître leurs comportements. Les données doivent permettre d’orienter les décisions des pouvoirs publics.

Cette étude, construite avec les services de la province Sud, « nous l’attendons depuis longtemps », note France Bailly, représentante de l’Institut de recherche et de développement en Nouvelle-Calédonie. « Nous sommes heureux qu’elle puisse commencer » Il faut dire que les connaissances dans le domaine font cruellement défaut. Il s’agit de la première du genre sur le territoire que Laurent Vigliola, chercheur en écologie marine à l’IRD, qualifie d’« ambitieuse ».

Elle concerne l’ensemble du littoral provincial : Prony-grand lagon Sud, Grand Nouméa, Saint-Vincent, La Foa, Bourail et Thio. Un précédent essai, démarré quelques jours avant l’attaque d’Anthony à l’Orphelinat en 2019, avait tourné court et traitait uniquement de Nouméa.

Ensuite, l’analyse porte sur un temps long, quatre ans. Les missions en mer devraient démarrer d’ici deux à trois mois. Enfin, la méthode implique trois techniques : la vidéo, le marquage et l’ADN environnemental, afin d’obtenir des informations sur le nombre d’animaux, leurs déplacements et leurs comportements.

Une « météo des plages »

Des caméras seront installées, la vidéo constituant « l’outil de base pour mesurer l’abondance des squales », indique Laurent Vigliola. Mais ce n’est pas le seul. Le chercheur travaille sur un procédé expérimental basé sur l’ADN environnemental. En filtrant l’eau, les chercheurs peuvent détecter des traces d’ADN à partir d’un bout de peau par exemple, et estimer l’affluence des requins sur une zone donnée. Cela pourrait ensuite aider à élaborer « une sorte de météo des plages qui donnerait un indice d’abondance relative ».

Dans le cadre de l’étude, 200 requins, 100 tigres et 100 bouledogues, vont être marqués afin de suivre leurs mouvements. « Ce sont des animaux qui voyagent sur de grandes distances. » La marque acoustique, implantée dans la cavité abdominale, « sert à détecter le passage du squale à moins de 300 mètres d’un hydrophone ».

Ces microphones sous-marins seront placés près des estuaires, des récifs bordant la côte, « qui sont plutôt des habitats favorables aux bouledogues », jusqu’à la barrière de corail et aux passes, « pour cibler plutôt ceux favorables aux tigres, en passant par les zones à enjeux, les îlots pour la fréquentation humaine, les oiseaux qui nichent, les tortues, etc. », détaille le scientifique.

En tout, une centaine d’hydrophones (une quarantaine ont déjà été posés au large de Nouméa en 2019) sont prévus. Le système de détection fonctionnera jusque dans les eaux australiennes voisines voire sud-africaines, le matériel utilisé étant similaire. Les requins tigres porteront également un dispositif satellite, car ils ont la particularité de refaire surface. « À chaque fois que ce sera le cas, ils émettront leur position. » L’équipe pourra ainsi cartographier les endroits où les requins sont le plus présent.

Anne-Claire Pophillat


Procédure en cours

La ville de Nouméa a mené dix campagnes d’abattage post-attaques et préventives en 2023 : 127 requins ont été « euthanasiés », 44 bouledogues et 83 tigres. Il y a également eu 213 prises accessoires, « en général des gris à haute nageoire », indique la chargée de projet littoral à la mairie. La dernière campagne a eu lieu en septembre dernier.

L’association EPLP, Ensemble pour la planète, ayant eu gain de cause dans le cadre de son recours auprès du tribunal administratif demandant de mettre un terme à cette pratique. Dans son jugement fin décembre, l’institution a interdit cette mesure jugée « disproportionnée », « d’autant plus qu’aucune étude scientifique précise n’a été menée pour connaître l’état des populations des espèces ciblées, ni les effets sur l’environnement de tels prélèvements ».

En janvier, sur le plateau de NC La 1ère, Sonia Lagarde annonçait que la ville allait faire appel de cette décision. La barrière anti-requins du Château Royal, qui sécurisera une surface de 2,7 hectares, est attendue à la fin du premier semestre. Celle de l’anse Vata début 2025.