La médecine traditionnelle étudiée prochainement à l’université

Les inscriptions pour cette formation devraient être ouvertes à partir du mois d’octobre. / © B.B.

En 2024, les médecins, infirmiers, étudiants en santé ou encore tradithérapeutes pourront suivre un cursus en ethnomédecine à travers un diplôme universitaire proposé par l’Université de Nouvelle-Calédonie (UNC).

Les remèdes traditionnels n’auront bientôt (presque) plus de secret pour les professionnels de santé. Une formation consacrée à ces savoirs ancestraux va ouvrir ses portes l’an prochain, à l’Université de la Nouvelle-Calédonie. « Les enseignants travaillent activement dessus », assure Laurence Levert, responsable du pôle formation continue et alternance à l’UNC. Ce diplôme universitaire en ethnomédecine s’adressera dans un premier temps au corps médical et paramédical. L’objectif ? Qu’ils puissent acquérir des connaissances dans ce domaine et répondre ainsi, de la meilleure des façons, aux besoins des patients.

Il arrive très régulièrement, pour ne pas dire quotidiennement, que les malades qui fréquentent les cabinets aient déjà recours, en parallèle, à ces plantes « guérisseuses ». « Pour intégrer les médecines traditionnelles aux conventionnelles, il faut sensibiliser les professionnels sur l’aspect anthropologie de la santé, perception de la santé dans le monde mélanésien ou d’autres communautés (polynésiennes, wallisiennes), et les précautions d’usage de ces plantes », développe Mariko Matsui, chercheuse à l’Institut Pasteur de Nouvelle-Calédonie.

Le faux tabac, par exemple, est connu comme étant « l’arbre à gratte ». C’est la plante qui soigne la ciguatera. « Il n’y a pas d’autre traitement vraiment effi- cace. L’idée, c’est que si [les patients] veulent avoir recours à des plantes traditionnelles, qu’on puisse leur dire comment utiliser le faux tabac et ses précautions d’usages. » Sensibiliser les médecins, praticiens, cliniciens, qui, selon leurs origines, ne sont pas forcément familiers à ces pratiques. « Certains nous disaient qu’ils manquaient un peu d’informations. Cette formation répond à des attentes au niveau du monde médical et politique. »

RÉPONDRE À UN BESOIN

Pour Édouard Hnawia, chercheur et représentant de l’UMR Pharma-Dev à l’IRD, ce diplôme permettra de faire connaître davantage cette médecine, mais aussi « d’éviter des situations catastrophiques. » Incompréhensions, rupture de la discussion… Il espère que les tradipraticiens (guérisseurs) s’inscriront également à ces cours afin d’« amorcer ce dialogue avec les médecins conventionnels. » Il ne cesse de le rappeler : la sensibilisation doit se faire des deux côtés. « Les deux médecines ne sont pas opposées, elles sont complémentaires. »

Les étudiants trouveront cinq modules à leur disposition : anthropologie de la santé, droit et éthique, ethnopharmacologie, environnement et risques, traditions médicales et ethnobotaniques. « Il sera possible de suivre par exemple une vingtaine d’heures sur un module, pas forcément l’intégralité de la formation pour la rendre accessible », informe Laurence Levert.

Ce diplôme universitaire d’un an comptera entre 100 et 120 heures de cours dispensés par plusieurs enseignants confirmés, dont Mariko Matsui et Édouard Hnawia. « François Chassagne, chercheur à l’IRD qui se trouve à Toulouse, fait partie de ceux qui portent le projet de ce DU. Il est venu plusieurs fois à Tahiti, ici et au Vanuatu. Il travaille sur les plantes traditionnelles dans le Pacifique », détaille Mariko Matsui.  Il y aura également Laurence Pourchez de l’Inalco (Institut national des langues et civilisations orientales), spécialisée en anthropologie de la santé, qui a monté un cours équivalent à La Réunion. Mais aussi Catherine Sabinot et A-Tena Pidjo de l’IRD, qui interviendront dans le module anthropologie de la santé, Antoine Leca, professeur à l’Université Aix-Marseille pour les cours de droit ou encore David Bruy, responsable de l’herbier de l’IRD, pour la botanique.

Ce diplôme est « une réponse rapide » qui peut être apportée. Avec sa biodiversité extraordinaire et ses méthodes utilisées depuis des temps immémoriaux, la Nouvelle-Calédonie se devait d’offrir cet apprentissage qui colle aux spécificités locales.

Edwige Blanchon

 

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