Une terre « projetée dans l’Indo-Pacifique »

Les Rafale ont finalement fait un détour dans le cadre du déploiement militaire Pégase. Deux chasseurs ont décollé de la base aérienne de La Tontouta pour escorter l’avion présidentiel jusqu’à l’aéroport. De quoi réaffirmer la stratégie française défendue par Emmanuel Macron.

Hasard du calendrier ? Coïncidence ? Une évidence pour le général Stéphane Mille, chef d’état-major de l’armée de l’Air et de l’Espace. « Il se trouve que Pégase était dans la zone, le président a choisi de venir en Nouvelle-Calédonie, il était normal que nos moyens soient présents à l’occasion de son passage », détaille le haut gradé.

Emmanuel Macron s’est même payé le luxe d’être « intercepté », jargon militaire à traduire par accompagner, par deux avions de chasse à son arrivée à l’aéroport de La Tontouta. L’exercice Pégase 2023, ses 300 aviateurs mobilisés et ses 19 aéronefs déployés ont servi à illustrer concrètement les mots du président de la République toujours enclin à réaffirmer la position française entre intentions américaines et revendications chinoises. « La France n’avait pas eu une telle signature stratégique depuis longtemps, a-t-il expliqué lors de l’entretien accordé mardi 25 juillet à NC La 1ère, Caledonia et RRB. Nous nous réengageons, nous sommes présents, nous mettons les moyens et nous mettons en place des exercices inédits avec l’ensemble des armées. »

La mission militaire, organisée du 25 juin au 3 août, traduit directement un vœu présidentiel, sa volonté d’une France plus présente dans la région. Cette projection militaire est pensée comme une démonstration. « Cela montre notre capacité à se projeter dans des délais très brefs avec un dispositif conséquent », souligne le général Stéphane Mille.

Elle pourrait se répéter à l’avenir, notamment dès 2024 avec Pitch Black, exercice des forces aériennes australiennes auquel les militaires de Pégase 2022 avaient participé. « Ce que nous voulons faire comprendre, c’est que nous pouvons être là et très rapidement », appuie le chef de l’état-major. Un message qui s’adresse autant aux alliés qu’aux « compétiteurs ».

Le général Stéphane Mille, chef d’état-major de l’armée de l’Air et de l’Espace, a fait
le déplacement avec la mission Pégase
à l’occasion de la visite présidentielle. / © B.B.

18 MILLIARDS DE FRANCS

La loi de programmation militaire, prochainement promulguée, tentera de donner aux détachements ultramarins les moyens de cette ambition. Sur les 13 milliards d’euros alloués aux Outre-mer (1 500 milliards de francs), 150 millions d’euros (plus de 17 milliards de francs) sont destinés au territoire. 200 militaires supplémentaires vont gonfler les 1 600 soldats en poste. Les capacités d’accueil des Forces armées de la Nouvelle-Calédonie (Fanc) vont être améliorées.

Il est question du renouvellement des hélicoptères, d’un nouvel avion-cargo et de la possibilité de déployer plus facilement un A400M, appareil de transport capable d’embarquer une centaine de personnes, du fret ou même un hélicoptère. Et cela ne concerne que les forces aériennes. Des bateaux et des drones sont aussi prévus pour améliorer les moyens de surveillance et d’intervention de la composante marine. Côté infanterie, le Régiment du service militaire adapté (RSMA) continuera d’être développé. « Nous allons réinvestir très fortement sur le territoire », insiste Emmanuel Macron, qui souhaite « redoubler d’ambition ». Lors de son discours, le président de la République a proposé une « académie du Pacifique » à Nouméa pour « former des militaires de la toute la région ».

La Nouvelle-Calédonie est une « présence de la France, une de ses projections » dans cette zone si particulière pour le président de la République. Le pays est une « puissance du Pacifique » et le territoire, « un partenaire puissant pour tous les voisins ». Emmanuel Macron a martelé sur France 2 et TF1 l’importance de cette « [terre projetée] dans l’Indo-Pacifique, un espace soumis à toutes les tensions, où la Chine déploie une présence de plus en plus forte, où les États-Unis d’Amérique sont de plus en plus présents ».

La recherche d’influence ne se traduira pas que militairement. Le déplacement présidentiel au Vanuatu et en Papouasie-Nouvelle- Guinée image cette volonté géopolitique qui se manifestera par des engagements financiers au profit de la recherche et de l’environnement. Des ambitions auxquelles la Nouvelle Calédonie et la Polynésie française ne resteront pas étrangères. Le président du gouvernement calédonien Louis Mapou et son homologue polynésien Moetai Brotherson étaient invités.

Brice Bacquet

Dans notre dossier

Des aides de l’État pour les premiers réfugiés climatiques
Sur la côte Est, l’érosion du littoral n’est pas une lointaine conséquence du réchauffement de la planète. La commune de Touho a déjà ses premiers réfugiés climatiques. Municipalités, coutumiers, provinces et services de l’État se préparent à aider d’autres familles ici et ailleurs. →

Emmanuel Macron instaure son « Pacte de Nouméa »
Dans un discours de plus d’une heure prononcé place de la Paix devant près de 10 000 personnes, le président de la République a voulu sceller avec les Calédoniens une sorte de promesse à sortir de la logique du face-à-face en empruntant deux chemins : celui du pardon et celui d’un avenir ambitieux. →

La visite présidentielle d’Emmanuel Macron en images
Du 24 au 26 juillet, Emmanuel Macron a effectué un déplacement en Nouvelle-Calédonie. Retour en images sur sa visite, son discours et ses différentes rencontres de Nouméa à Touho. →