Des aides pour les premiers réfugiés climatiques

◊Emmanuel Macron a été accueilli par la famille de Jethro Delly, victime de la montée des eaux et de l’érosion des côtes. / © B.B.

Sur la côte Est, l’érosion du littoral n’est pas une lointaine conséquence du réchauffement de la planète. La commune de Touho a déjà ses premiers réfugiés climatiques. Municipalités, coutumiers, provinces et services de l’État se préparent à aider d’autres familles ici et ailleurs.

La maison familiale de Jethro Delly n’est que la première d’une longue série. Ses occupants ont été déplacés à l’intérieur de la tribu de Tiaoundé, à Touho, abandonnant la bâtisse aux prises des vagues et des intempéries. « Ce n’est pas seulement une baie qui est en train de se détériorer, des arbres qui sont en train de tomber, c’est un peuple qui est déraciné », explique au micro de Caledonia Jethro Delly qui a laissé derrière lui la maison qui l’a vu grandir, ses ancêtres enterrés à côté et ses totems de la mer.

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En une décennie, le trait de côte aurait reculé d’au moins cinq mètres, souligne Alphonse Poinine, le maire de la commune. « Tous les réfugiés climatiques sur la planète vivent la peur et le déracinement, reconnaît Emmanuel Macron. Dans la culture kanak, c’est encore plus dur et plus brutal, compte tenu de l’attachement à la terre. » Le président de la République n’a pas choisi par hasard la commune de la côte Est pour « mesurer l’impact » de ce phénomène qui menacerait 71 % du littoral calédonien.

Plus de dix familles subiront bientôt le même sort, conséquence du changement climatique. Quatre tribus seront concernées à l’avenir. Il y a dix ans déjà, les premières victimes ont d’elles-mêmes pris l’initiative de quitter le littoral avec l’aide des coutumiers. Le groupement de droit particulier local (GDPL) a mis à disposition des terres récupérées dans les années 1990. « C’est un problème mondial, mais les plus touchés restent le Pacifique Sud, les habitants de la côte Est, de Thio jusqu’à Poum », insiste Alphonse Poinine. À Poindimié, des enrochements ont été aménagés pour protéger le bord de mer. À Ponérihouen, un lotissement raccordé accueille progressivement les habitants du bord de mer de la tribu de Mou. Mais l’argent manque.

« VULNÉRABILITÉ CLIMATIQUE »

Des familles de Touho déplacées vivraient sans eau, sans électricité et trop éloignées de la route principale, selon Sylvain Néa, représentant des autorités coutumières au nom du GDPL. « On n’est pas sur la côte Est où on a les plaines pour installer facilement les gens. On est entre la mer et la montagne. S’installer sur la montagne, ça coûte cher », explique le maire de Touho. Des centaines de millions de francs, avance-t-il. La municipalité espère beaucoup des fonds publics et européens pour répondre à cette « urgence ».

Maurice Tillewa, maire d’Ouvéa, appelle à « prendre de l’avance » sur ces questions. En trois ans, l’élu des îles a déjà accueilli deux ministres, Sébastien Lecornu, puis Gérald Darmanin, pour évoquer le danger. Il était à Touho lors de la visite présidentielle pour « tenir le même langage ». « Aujourd’hui, ma commune a besoin d’énergie financière. Il faut de l’argent. Je ne peux pas accepter qu’à chaque dépression, nous perdons deux à trois mètres de sable. Aujourd’hui, des infrastructures, des routes et des maisons sont en danger. Il faut agir. » Des habitants d’Ouvéa pourraient dans un futur pas si lointain déménager sur la Grande Terre par manque de place. Les discussions coutumières sont en cours. Emmanuel Macron dit avoir entendu le message en promettant de répondre à cette « vulnérabilité climatique ».

L’État va accompagner financièrement les recherches scientifiques pour mieux connaître, mesurer et anticiper le phénomène, ici et dans la région. Un observatoire du littoral calédonien (Oblic) surveille les évolutions depuis 2013. Un travail de réaménagement de la côte est aussi envisagé grâce à des investissements publics. Des solutions à court et long terme devront être trouvées, prévient le membre du gouvernement en charge de l’environnement Jérémy Katidjo Monnier.

Le président de la République veut inventer « une nouvelle politique foncière » pour faciliter et accélérer le relogement des victimes de la montée des eaux. « C’est un enjeu régalien et de souveraineté parce que c’est la protection de notre sol et de nos populations », estime-t-il. L’État et les collectivités locales, dit-il, feront ces « efforts de recherche et de protection », préambule d’« investissements exceptionnels ».

Brice Bacquet

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