Georges Naturel : « Il y a une demande pour que l’on réfléchisse à un projet de société »

De retour pour un mois, Georges Naturel a multiplié les rencontres. © C.M.
Alors que l’on aborde uniquement la question clivante du corps électoral, Georges Naturel, sénateur les républicains, estime qu’un groupe de discussion avec des représentants des communes et de la société civile devrait réfléchir à la construction de la Nouvelle-Calédonie de demain.

DNC : Quelle lecture faites-vous du blocage actuel ?

Georges Naturel : Si on est dans le mur, c’est que la méthode n’est pas la bonne. L’État n’a pas pris le sujet par le bon bout depuis le début. D’abord, il s’est impliqué de manière un peu particulière en nommant Sonia Backès au gouvernement, puis Philippe Dunoyer comme rapporteur de la loi organique et aujourd’hui Nicolas Metzdorf, rapporteur de la loi constitutionnelle. Cela ne peut pas permettre un dialogue constructif avec les indépendantistes. Et puis – j’ai vu que Pascal Lafleur avait dit la même chose – ne s’adresser qu’à des élus du Congrès, ça donne des discussions très politisées. À aucun moment on a sollicité le monde associatif, économique. Je pense aussi que beaucoup n’ont pas compris le message des grands électeurs aux sénatoriales.

Que pensez-vous de la politique menée par Les Loyalistes et Le Rassemblement ?

Si on parle d’erreurs politiques, je peux vous en citer une catastrophique, celle d’exclure Sonia Lagarde de la présidence de l’Association française des maires. Ce n’est pas une bonne stratégie si on veut unir les loyalistes ! Mon éviction de l’AFM visait une stratégie nationale, là c’est purement local. À un moment, il faut digérer les sénatoriales. Pour moi, il va y avoir une cassure.

Beaucoup n’ont pas compris le message des grands électeurs aux sénatoriales

Sous la forme de la création d’un mouvement ?

Je suis au Rassemblement depuis 40 ans. Je ne vais pas changer. Mon élection n’a pas été appréciée au sein du mouvement, mais je ne suis pas là pour créer un nouveau parti. Les Calédoniens en ont marre des divisions. Mais les valeurs du Rassemblement, qui ont permis à Jacques Lafleur de serrer la main de Jean-Marie Tjibaou, je ne les retrouve plus. Je pensais que le mouvement allait être capable de créer cela dans le contexte actuel. Mais j’ai l’impression qu’on suit la présidente des Loyalistes, on le voit avec les manifestations.

Quelles solutions voyez-vous ?

Il y a des maires, des gens du monde associatif ou économique, qui demandent qu’il y ait une réflexion sur un projet de société, de développement économique, plus que de se focaliser sur l’indépendance, de rester dans la France ou le dégel. L’idée est plutôt un regroupement de gens de la société civile. Il faut élargir le débat. Mon cercle de discussion est au niveau municipal. Et si vous échangez avec la population, vous verrez que la priorité est de savoir comment gérer les fins de mois. Essayons de nous occuper des vrais sujets. Et je pense qu’on trouvera une solution institutionnelle.

Sur quoi porteraient les discussions ?

Il faut qu’on ait une vision à 30-40 ans, un projet à définir ensemble, indépendantistes ou non-indépendantistes. Et dans l’intervalle, face à la crise, il faut une relance économique. C’est indispensable si on a effectivement tous ces licenciements dans la mine. On devrait aider les communes à lancer des petits projets pour garder les gens dans leur secteur. Je sais que le gouvernement travaille sur une relance. Le problème, c’est le financement. Ce n’est pas avec des taxes qu’on y arrivera. Pour moi, il n’y a que l’État qui peut nous accompagner.

Comme avec le pacte nickel ?

Oui, l’idée de l’État était de nous accompagner sur le court terme. Ça n’a pas été compris. Je pense que Bruno Le Maire a voulu imposer des choses. En Nouvelle-Calédonie, on n’aime pas trop cela, mais il va bien falloir soutenir le nickel.

Votre avis sur le parcours du projet de loi constitutionnelle ?

Le Sénat a voulu donner du temps aux Calédoniens pour leur permettre d’aller jusqu’au bout. La solution n’arrivera pas de Paris. C’est pour cela qu’il faut que les discussions reprennent en Nouvelle-Calédonie. Je suppose que l’Assemblée nationale votera le texte dans les mêmes termes. Il n’est pas parfait, mais satisfaisant. Malgré tout, il y a un conflit entre cette réforme et l’avenir institutionnel. Le problème, c’est que tout le monde est en campagne électorale alors qu’on ne sait même pas quand les provinciales auront lieu. Arrivera-t-on à se mettre d’accord avant les élections ou pas, c’est la vraie question. Avant cela, quand le président de la République va-t-il convoquer le Congrès de Versailles ? Pour certains il faut aller vite, d’autres à Paris proposent que ça se fasse après les Jeux olympiques. Je pense qu’il faut y aller. Les termes permettent encore un accord. Le vrai souci est de convaincre les indépendantistes.

Tout le monde est en campagne alors qu’on ne sait même pas quand les provinciales auront lieu.

Pour l’avenir, quelles suggestions faites-vous sur les élections locales ?

Je préconise plutôt un corps général pour les municipales d’où l’on tirerait des élus provinciaux ou intercommunaux. Les provinces, ce serait plutôt de l’intercommunalité. Ensuite, un corps spécial pour l’élection territoriale du Congrès. En province des Îles par exemple, vous avez trois communes qui pourraient se regrouper en intercommunalité. Ça suffirait en termes d’efficacité et de fonctionnement. Depuis le début, on oublie les communes. Dans le document martyr, il y a deux lignes. Or, je suis convaincu depuis longtemps que la construction du destin commun passe par elles.

Propos recueillis par Chloé Maingourd et Yann Mainguet avec Jean-Baptiste Vallantin-Dulac

Le Sénateur tiendra une réunion publique lundi 6 mai à 18 heures à la maison de la jeunesse à Dumbéa (près de la caserne des pompiers à Auteuil).