Bras ultrarevendicatif de l’Union calédonienne associée à d’autres partis et syndicats, la cellule de coordination des actions de terrain a martelé un discours dur contre le dégel du corps électoral provincial, et organisé d’importantes mobilisations dans lesquelles une jeunesse sans repères s’est précipitée.
Les non-indépendantistes livrent des mots très durs à son encontre. Les indépendantistes sont toujours divisés sur l’initiative. La CCAT, ou cellule de coordination des actions de terrain, se retrouve au centre des accusations dans une commune de Nouméa et sa périphérie en proie à de multiples exactions.
« Le FLNKS, selon moi, a accouché d’un monstre et aujourd’hui, on ne sait pas jusqu’où il va aller », n’a pas hésité à déclarer mardi 14 mai, Sonia Lagarde, maire de la capitale. À ses côtés, le haut-commissaire Louis Le Franc pointait du doigt l’un des porte-parole de la CCAT : « Christian Tein a intérêt à siffler la fin de la récréation, parce que je vais le rendre responsable de tout ce qui se passe ici dans le Grand Nouméa ».
NOTION IDENTITAIRE
La cellule de coordination n’est, par définition, pas un bloc, mais un ensemble de mouvements né sur les cendres du RIN. Ce Rassemblement des indépendantistes et nationalistes, créé en 2010 comme une alternative au FLNKS diront certains, était composé de l’Union calédonienne, du Parti travailliste, de l’USTKE et de la Dynamik unitaire Sud.
Sur une démarche de l’UC adoptée à son congrès à l’île des Pins en novembre 2023, se sont joints la Confédération nationale des travailleurs du Pacifique, le Mouvement des Océaniens indépendantistes, la Dynamique autochtone et le Front de luttes sociales, cette fois sous la bannière de la CCAT. Avec un objectif clair : défendre le gel du corps électoral provincial.
À cette dimension politique et nationaliste s’est très vite ajoutée la notion identitaire : le dégel risque, selon les membres de la cellule, de rendre le peuple kanak davantage minoritaire (41 % selon le recensement de 2019), ou pire ravive la crainte d’une disparition. Par ses réseaux politiques, syndicaux et coutumiers, la structure sait rassembler autour de son combat. Comme le 13 avril sur la place de la Paix. Son programme « 10 jours pour Kanaky », en vue de l’examen du projet de loi constitutionnelle à l’Assemblée nationale, a fait monter la pression.
LEVER LE PIED
Outre les liens polémiques avec le Groupe d’initiative de Bakou en Azerbaïdjan, des débordements avaient éclaté le 21 février en marge d’une visite du ministre de l’Intérieur et des Outre-Mer, Gérald Darmanin. L’épisode de tension s’est conclu par la condamnation de cinq participants à la marche pour des violences sur les gendarmes. Plusieurs militaires avaient été blessés. L’ampleur de ces affrontements est incomparable avec les actuelles heures dramatiques émaillées de tirs, d’incendies, de pillages…
« J’ai interpellé les responsables de la CCAT pour qu’on lève le pied », a souligné mercredi 15 mai le président du gouvernement, Louis Mapou. Toutefois, sur les ondes indépendantistes de Radio Djiido, l’un des leaders, Christian Tein, indiquait la veille que « la CCAT n’a jamais appelé à piller les magasins ». Le commentaire peut rejoindre l’avis d’un responsable indépendantiste, convaincu que « l’UC qui est à l’origine de cette cellule de coordination est dépassée » aujourd’hui.
Autrement dit, sur cette bataille politique contre le passage du projet de loi constitutionnelle à l’Assemblée nationale, s’est greffée une puissante colère sociale, immaîtrisable avec de nombreux jeunes. « Au-delà de la question du dégel du corps électoral, c’est la misère sociale qui s’exprime », relève le membre Éveil océanien du gouvernement, Vaimu’a Muliava. Un terrible « cocktail » qui a maintenant causé des morts.
Le président de l’UC, Daniel Goa, affichait un message ambivalent, dans un communiqué publié mardi. « Si je demande à notre jeunesse de rentrer chez elle, je demande aussi à l’État de rapatrier ses cowboys policiers et militaires. » Dans le cadre de l’état d’urgence, une quinzaine d’assignations à résidence ont été prononcées par le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer. Parmi eux, des représentants de la CCAT.
Yann Mainguet
Dissolution
Lors de la séance du Congrès le lundi 13 mai, Sonia Backès, cheffe de file des Loyalistes et présidente de la province Sud, a annoncé avoir demandé à l’État « la dissolution du groupement de fait CCAT », compte-tenu des « actions violentes ». Une même requête avait été formulée par le groupe Les Loyaliste et Le Rassemblement fin février après les affrontements avec les forces de l’ordre deux jours plus tôt, en marge de la visite du ministre Gérald Darmanin. L’un des porte- paroles de la cellule de coordination, Christian Tein, a répondu sur les ondes de Radio Djiido mardi 14 mai. « On n’a plus de leçons à recevoir de Sonia Backès […] On ne peut pas fonctionner comme ça dans ce pays. »
Les appels « au calme et à la raison »
Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, le Sénat coutumier ou encore le conseil des grands chefs Inaatr ne Kanaky ont appelé au calme. « Toutes les raisons des mécontentements, des frustrations et des colères ne sauraient justifier de mettre à mal ou de détruire ce que le pays a pu construire depuis des décennies et d’hypothéquer l’avenir », écrit l’exécutif.