Une pratique sportive déjà altérée

La science s’interroge sur les défis que pose le changement climatique aux champions et plus largement à tous ceux qui pratiquent une activité physique, essentielle. (© C.M.)

Trois projections-débats sont organisées par l’IRD et Météo France sur la thématique du sport et du climat à partir de la série documentaire « Sans limites » sur le dépassement de soi des athlètes calédoniens.

Aller au-delà de ses limites, en tout temps… C’est ce que donnent à voir les films réalisés par Antoine Roulleau et Benjamin Lucas (Canal + et Studio 4×4) avec des athlètes calédoniens (lire p. 14). Angélique Plaire, spécialiste d’ultra-trail, est suivie sur ses exploits en 2022, « soit l’année la plus chaude jamais mesurée ici », pointe Alexandre Peltier, responsable de la division climat à Météo France Nouvelle-Calédonie.

Le documentaire ouvre la discussion sur la pratique sportive et le climat. Le territoire n’est pas épargné par le réchauffement planétaire avec +1,3 °C en moyenne au cours des 50 dernières années, « phénomène qui s’accompagne très fréquemment d’une augmentation des périodes de fortes chaleurs qui sollicitent encore davantage les organismes et les mettent à rude épreuve ».

EXTRÊME

Dans cet environnement, les risques de crampes dues à la déshydratation et d’hypothermie à l’effort sont accrus (stress thermique), la pratique intense est d’ailleurs déconseillée par les cardiologues au-delà de 30 °C. S’ajoutent aussi les épisodes de fortes pluies alternant avec les grandes sécheresses. « On est au-delà de l’entendement pour la plupart d’entre nous quand on fait ce type d’effort. Du point de vue de l’organisme, on est sur des mécanismes poussés à l’extrême dont on a des leçons à tirer », commente Olivier Galy, maître de conférences, docteur en Staps à l’UNC.

Les scientifiques mènent des recherches sur les performances des athlètes. « Dans les pays tropicaux, chauds et humides, on a par exemple observé qu’il fallait aux sportifs venus d’Europe une adaptation de deux semaines pour retrouver les performances initiales. » Karim Chamari, docteur en physiologie de l’exercice, a travaillé au Qatar et tempère. « L’altitude et la chaleur, ennemis de l’endurance, ont démontré qu’elles pouvaient aussi amener des adaptations positives sur les performances, ce qui est un peu contradictoire. »

Dans le cadre de nombreux travaux, le sport sert de modèle, car « l’enjeu de société, c’est l’activité physique de monsieur et madame tout le monde », précise Olivier Galy, qui se consacre à l’étude des modes de vie et leur impact sur la santé. Le réchauffement climatique, ajoute-t-il, pourra impacter le sommeil, l’alimentation, les lieux de vie. « Si on prend plusieurs degrés, qu’on ne mange pas bien, qu’on ne peut plus travailler son potager et que les gens arrêtent leurs activités, ce sera dramatique pour la santé publique », à plus forte raison sur une population déjà touchée par des pathologies comme l’obésité, le diabète, les problèmes cardiovasculaires.

ADAPTATION

L’activité physique liée au travail est déjà en transformation. « Les métiers très exposés au stress thermique comme les ouvriers du BTP, les agriculteurs, ont déjà des adaptations d’horaires », illustre Olivier Galy. Au Golfe, c’est la vie entière qui est ajustée. « On va ainsi chez le médecin à 10 heures du soir, les chantiers avancent la nuit ou sont soumis au travail intermittent, raconte Karim Chamary. On trouve des casques avec ventilateurs intégrés, des tissus spéciaux, des abris, l’hydratation est obligatoire. »

Il en est de même pour la pratique sportive. Là-bas, des courses internationales ont été organisées au milieu de la nuit. Ailleurs, on fait face à la disparition des neiges. Localement, on connaît déjà les entraînements à 5 heures, les raids organisés à la saison fraîche, les vêtements anti-UV, les crèmes solaires résistantes à l’effort, les boissons spécifiques. Le prisme du sport est aussi intéressant pour l’aménagement des territoires. « On a souvent des infrastructures et des équipements sportifs qui ne sont pas adaptés au climat actuel ou futur », note Fleur Vallet, géographe environnement à l’IRD.

En tête, ici, le « challenge » pour la santé des enfants qui pratiquent dans des gymnases très chauds ou bien en plein soleil. Ces structures donnent ou doivent donner lieu à des réhabilitations. « On est aussi dans une optique de renouvellement de l’espace urbain dans le cadre du sport pour tous. » Elle évoque la réduction des effets de chaleur urbaine via les équipements sportifs, les zones d’ombrage pour la marche ou la course.

Pour Olivier Galy, « on cumule ici des désavantages : on est hyper exposés au réchauffement climatique, on a une problématique d’infrastructures, de coûts énergétiques, notamment des déplacements de sportifs ». Mais il voit un avantage à un moindre développement : « On peut repenser la ville, les toits végétaux, optimiser les couloirs d’air, ce serait peu coûteux ».

« Il faudra améliorer nos connaissances, prévient Alexandre Peltier. Sachant qu’on ne sait pas à quoi on peut s’attendre. Nos émissions conditionnent les températures qu’on aura à l’horizon 2070-2100. L’enjeu c’est ça, en Nouvelle-Calédonie, est-ce qu’on veut vivre avec +2 °C ou +4 °C. Tout se joue aujourd’hui. »

Chloé Maingourd

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