Petits nuisibles mais gros risques sanitaires

Young Black Rat (Rattus rattus) climbed in a viburnum near a rural house, Auvergne, France. Biosphoto / Monique Morin (Photo by Monique Morin / Biosphoto / Biosphoto via AFP)

Au-delà d’être considérés comme répugnants, les nuisibles peuvent véhiculer et transporter des maladies. Des rats qui transmettent la leptospirose aux cafards provoquant des problèmes respiratoires, sans oublier les punaises de lit, sources de traumatismes psychologiques.

Les pluies des trois dernières années ont fait remonter le nombre de cas. Depuis 2021, la leptospirose, provoquée par des bactéries et transmise notamment par les rats, est redevenue un enjeu de santé publique. En Nouvelle-Calédonie, elle est classée maladie à déclaration obligatoire pour permettre de surveiller son évolution. « Les cas sont impactés par la météo, ils suivent la pluviométrie, explique Stéphane Chabaud, infirmier à la Direction des affaires sanitaires et sociales (Dass). L’humidité permet aux bactéries de survivre plus longtemps. » Les rongeurs peuvent devenir « porteurs sains ». Ils n’en souffrent pas et infectent plusieurs endroits en urinant, véhiculant la maladie aux autres mammifères. « Si une bactérie arrive à survivre, elle va contaminer un cochon, un cerf ou parfois même un cheval », prévient Stéphane Chabaud.

SURVEILLER ET PRÉVENIR

Les humains attrapent ensuite la leptospirose en contact avec ces bêtes, domestiques ou sauvages. Ou indirectement, en se baignant (45 % des cas en 2020 ont déclaré l’avoir fait dans les 30 jours précédant la maladie) ou en marchant pieds nus (48,5 %) dans des zones souillées. « On peut être contaminé à la rivière ou au champ. Même avec la plus grande volonté du monde, en prenant toutes les précautions et en mettant des bottes, les inondations et les cyclones exposent plus facilement à la leptospirose, poursuit le professionnel de santé. Après les pluies, il ne faut pas, par exemple, se baigner en rivière pendant 48 heures. »

La maladie, si elle n’est pas soignée à temps à l’aide d’antibiotiques, peut conduire en réanimation, voire à la mort. Un homme de 22 ans a déjà perdu la vie cette année. Entre 2021 et 2022, huit personnes sont décédées. « La population doit prendre conscience de cette maladie, parce que les symptômes ressemblent beaucoup à la grippe ou la dengue. » Maux de tête, fatigue, douleurs articulaires, fièvre, etc. qui peuvent rapidement s’aggraver jusqu’à la coloration brunâtre des yeux et de la peau. « La Dass fait particulièrement attention à l’introduction des moustiques et des rongeurs en surveillant les ports et les aéroports avec la Davar (Direction des affaires vétérinaires, alimentaires et rurales, NDLR), ajoute Arnaud Cannet, entomologiste au service de santé publique. On sait que les rongeurs importés peuvent héberger des pathogènes inexistants actuellement en Nouvelle-Calédonie, comme la peste. »

« MALADIES HONTEUSES »

De l’autre côté du règne animal, les cafards ne sont pas totalement inoffensifs. « Ils ne sont pas vecteurs de maladies comme le moustique, détaille Arnaud Cannet. Ils peuvent toutefois transporter des pathogènes, les salmonelles par exemple. » Les rampants se nourrissent sur les tables et les plans de travail des cuisines, rôdent derrière les frigidaires à la recherche d’eau et récupèrent germes d’infection et aliments qui traînent. « Ils sont le reflet de ce qui les entoure. Dans un environnement stérile, ils ne diffuseraient rien », résume Arnaud Cannet. Leur présence massive peut néanmoins engendrer des problèmes respiratoires et des allergies. « Dans des situations extrêmes, quand il y en a beaucoup, cela peut provoquer des crises d’asthme. Souvent, les personnes ne font pas le lien avec les cafards présents chez eux et s’habituent. »

Les méfaits des punaises de lit sont encore plus discrets et pervers. Tapies à l’ombre des canapés, des lits et des plinthes, elles attendent la nuit pour sortir pomper notre sang. Les excursions nocturnes de ces voraces à six pattes traumatisent leurs victimes. « Elles ne transmettent pas de maladies, même s’il y a certaines suspicions, développe le spécialiste des insectes à la Dass. Le risque, ce n’est pas leurs piqûres, mais la psychose autour. »

Les conséquences « extrêmement destructives » de ces bêtes conduisent parfois à « l’isolement social » et à « l’évitement social », parfois à des tentatives de suicide. « L’impact psychologique peut être considérable, on peut ne plus en dormir, on n’ose plus inviter les gens chez nous et on n’ose plus aller chez les gens, explique Arnaud Cannet. Pour les punaises de lit, et dans une moindre mesure les cafards, on parle de maladies honteuses. »

Cette gêne empêche de mesurer l’ampleur du problème. « Nous avons très peu de remontées de cas et une faible visibilité. Le territoire n’est pas épargné par ce phénomène mondial. » Les punaises de lit peuvent apparaître et il ne sert à rien de céder à la panique. L’important reste de traiter mécaniquement (congélation, vapeurs et lavage à 60 °C), puis chimiquement en faisant appel à un professionnel.

Brice Bacquet

Photo : Les autorités sanitaires recommandent de limiter les populations de rongeurs pour lutter contre la leptospirose, une maladie grave et parfois mortelle / © Sylvain Cordier, Biosphoto via AFP

51. C’est le nombre de cas de leptospirose confirmés depuis le début de l’année.
42 malades ont été hospitalisés et 11 ont été placés en réanimation. 265 cas ont été enregistrés en 2022 et 229 en 2021. « C’est énorme », concède Stéphane Chabaud.Une telle situation n’avait pas été observée depuis les années 1990, avec 206 cas en 1997 et 201 cas en 1999.