Les Nouvelles Calédoniennes, un « média incontournable »

The Melchior Group, owner of the daily newspaper Les Nouvelles Caledoniennes, the IRN printing works and the medium Le Gratuit, has filed for liquidation of the group with the Mixed Commercial Court of Noumea. The latter will give its final decision tomorrow, Thursday 16 March. On the eve of the closure, a movement in support of the employees of the Melchior group is organized in front of the premises of the daily newspaper Les Nouvelles Caledoniennes. In the offices, while some of the newspaper s employees are preparing their boxes, others are working on the final edition of the daily, scheduled for tomorrow. New Caledonia, Noumea, March 15, 2023. Photography by Delphine Mayeur / Hans Lucas. Le groupe Melchior, proprietaire du quotidien Les Nouvelles Caledoniennes, les imprimeries IRN et le support Le Gratuit a demande sa mise en liquidation liquidation du groupe aupres du Tribunal mixte de commerce de Noumea. Ce dernier se prononcera definitivement demain, jeudi 16 mars. En cette veille de fermeture, un mouvement de soutien des salaries du groupe Melchior est organise devant les locaux du quotidien Les Nouvelles Caledoniennes. Dans les bureaux, pendant que certains salaries du journal preparent leurs cartons, díautres travaillent sur líultime edition du quotidien, prevue pour demain. Nouvelle-Caledonie, Noumea, 15 mars 2023. Photographie par Delphine Mayeur / Hans Lucas. (Photo by Delphine Mayeur / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP)

Outre la situation des salariés qui préoccupe largement, la fin des Nouvelles, c’est un « patrimoine », un pilier de la presse qui disparaît. Politiques, médias et institutions nous livrent leurs sentiments.

Le sort des Nouvelles Calédoniennes n’a pas tout de suite fait réagir en dehors du monde des médias. Sollicité, chacun y est finalement allé de son commentaire. C’était un « quotidien historique » pour Roch Wamytan, président du Congrès. « Un rituel du matin » pour Louis Mapou, président du gouvernement. L’actualité se partageait « autour d’un thé ou d’un café », « se lisait » et « se relisait » dans « les villages et les tribus ».

« Ce quotidien emblématique a assuré pendant plus d’un demi-siècle l’information des populations calédoniennes, souligne le haut-commissaire de la République, Louis Le Franc. Les Nouvelles calédoniennes ont bénéficié des différentes aides à la presse notamment pendant le Covid, ce qui, hélas, n’a pas suffi à maintenir l’activité. »

UNE PARTIE DU PAYSAGE

Gil Brial, 2e vice-président de la province Sud, craint la fin de ce moyen de communication primordial avec la population. « La rubrique Grand Nouméa était importante pour les gens de Dumbéa, de Païta et du Mont-Dore, rappelle Georges Naturel, premier édile de Dumbéa. Des choses se passent dans nos communes en développement, j’ai peur qu’on en parle moins. »

Cette liquidation est « une grosse perte » pour la province des Îles Loyauté. Aucune presse écrite, mise à part la revue provinciale, n’est dorénavant distribuée à Ouvéa, Lifou et Maré. La Fédération des fonctionnaires alerte sur ce risque d’« accroissement de l’isolement d’une partie de notre population ». « Un journal de moins n’est jamais une bonne chose, il y aura un déficit de l’information », reconnaît Christopher Gygès, en charge notamment du numérique au gouvernement.

Le sport, par exemple, doit faire ses adieux à l’un de ses principaux partenaires. « C’était un média incontournable avec les résultats du week-end et les événements à venir », commente Michel Quintin, directeur du CTOS (Comité territorial olympique et sportif ). Présents sur tous les terrains, les journalistes du service sport « faisaient partie du paysage ». Le monde culturel pleure aussi ce « relais infaillible » selon les termes du Musée maritime, suivi depuis sa création. Pour le Musée de la Nouvelle-Calédonie, l’annonce « marque la disparition d’un patrimoine calédonien ».

UN « DÉFI »

Cette fin reflète, selon Louis Mapou, « le défi à relever par les médias dans un petit pays pour continuer à proposer une actualité écrite, aux côtés des nouveaux modes d’information ». Louis Le Franc demeure « convaincu de la nécessité d’un média de proximité ». « Nous pourrions nous inspirer des mesures mises en place en Métropole pour la presse régionale afin de la reconstruire ici », lance, après la bataille, le député Nicolas Metzdorf.

Plusieurs élus soulèvent le rôle du journalisme sur les réseaux sociaux et internet où la désinformation, qui circule parfois plus rapidement, pourrait combler le vide laissé par Les Nouvelles. Particulièrement à l’aube de changements institutionnels. « C’est un séisme quand le seul quotidien local disparaît, déclare Virginie Ruffenach, présidente de l’Avenir en Confiance au Congrès. C’est triste et inquiétant pour la démocratie. »

Brice Bacquet

Photo : Journalistes de toutes les rédactions, chargés de communication et syndicats sont venus soutenir les salariés des Nouvelles calédoniennes, mercredi 22 mars. / © Delphine Mayeur, Hans Lucas / AFP

« Un signal catastrophique » pour la presse

Les journalistes de NC La 1ère ont salué le travail fourni depuis 1971 par leurs confrères sur l’ensemble du territoire. Ils évoquent « un signal catastrophique pour la pluralité des opinions dans un pays qui aborde des échéances cruciales » et estiment que « le peu de réactions de nos politiques interpelle sur la place accordée aux médias et son rôle dans notre démocratie ».

Théo Rouby, rédacteur en chef de Caledonia, rappelle qu’il y a eu des « alertes » au niveau politique et institutionnel. « On était censés adapter la loi française sur la question des financements des médias et du statut des journalistes et on n’a pas été à la hauteur pour dire que notre presse est importante au regard des enjeux de notre société, très clivée. »

« C’est toujours extrêmement regrettable quand un média disparaît d’autant plus quand il s’agit du dernier quotidien papier, souligne Élisabeth Nouar, directrice de Radio Rythme Bleu. Je pense
aussi que ceux qui pleurent aujourd’hui ne sont pas ceux qui les ont le plus aidés à l’époque où on aurait pu les aider. Et je ne sais pas si ce sera possible malheureusement de remonter un quotidien en Nouvelle-Calédonie quand on sait combien c’est difficile. »

Selon la directrice, la question du financement des médias se pose sérieusement. « Pendant un moment, tout le monde hurlait parce qu’on avait des subventions, même si on a davantage de recettes propres, mais ce n’est un secret pour personne que l’information coûte cher. Donc il faut savoir si on en veut ou non. »

Romain Hmeun, rédacteur en chef de Radio Djiido, est aussi inquiet. « Nous n’avons pas beaucoup de médias. Comment combler ce vide ? » Selon lui, c’est effectivement un « signal de la menace qui pèse sur les médias locaux » et il interroge également le soutien de la société, « les institutions, les annonceurs… » à la presse, un « secteur particulier ».

C.M.

 

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