[Dossier] Une filière à construire

L’opération pilote qui sera menée en juin consiste à récolter les cabosses, faire fermenter puis sécher les fèves, avant de les donner à Biscochoc. Une vingtaine de producteurs sont investis dans le projet. © M. Dogo

La Chambre d’agriculture et de la pêche anime un groupe de travail cacao en système agroforestier depuis trois ans en vue de structurer une filière. Un test grandeur nature de collecte et de transformation de fèves est prévu au mois de juin. « L’opportunité existe, l’enjeu est de mesurer sa faisabilité. »

L’engouement grandissant autour du cacao ces dernières années a trouvé un écho auprès de la Chambre d’agriculture et de la pêche (CAP-NC) qui porte, depuis 2021, un programme pilote de cacao- culture en système agroforestier. L’institution anime un groupe de travail dédié constitué de cultivateurs, du groupement agricole des producteurs de la côte Est (Gapce), de Biscochoc, des provinces, de l’Agence rurale…

Parmi les actions menées, l’implantation de cacaoyers à Port-Laguerre et Maré, l’élaboration de fiches techniques, l’organisation de journées de formation. « La Chambre a voulu s’impliquer parce qu’il existe une opportunité de créer une filière, l’enjeu est de mesurer sa faisabilité », introduit Sophie Tron, responsable du pôle végétal à la CAP-NC. Le potentiel s’est révélé lors de la venue de Philippe Bastide, un expert du cacao, en août 2022, qui a confirmé la possibilité d’une production locale. Des personnes ressources ont été identifiées. « On a prospecté pour recenser des parcelles et des producteurs de Hienghène jusqu’à Houaïlou », raconte Pascal Tjibaou, directeur du Gapce.

Un modèle économique soutenable

Cette année, le programme prend une autre dimension avec une opération pilote de collecte et de transformation (fermentation et séchage des fèves) en partenariat avec le Gapce et Biscochoc au mois de juin. « Le défi est de tester comment cela va se passer en conditions réelles, le temps que cela prendra, la gestion du transport…, c’est-à-dire l’ensemble de la partie organisationnelle », détaille Sophie Tron. Le groupement agricole va mettre à disposition une partie des équipements de la coopérative, les agriculteurs ne disposant pas du matériel nécessaire. « On va utiliser les installations prévues pour le café et on va fabriquer un bac de fermentation. »

Ce projet, qui vise à obtenir du chocolat calédonien d’ici la fin de l’année, doit aider à répondre à une question centrale pour consolider un modèle économique soutenable. « Est-ce que cela va être rentable, quel sera le prix de rachat du cacao ?, interroge la responsable du pôle végétal. Il faut que le producteur ait un retour sur investissement. » La même opération devrait être reproduite en septembre-octobre.

La réussite de ce test pourrait marquer le début de la production d’un cacao marchand local. Et donner envie à d’autres personnes de s’investir. « Certains se sont manifestés du côté de Bourail et dans le Grand Nouméa. » Ce qui « nécessitera de s’équiper et d’apprendre les techniques pour cultiver », ajoute Pascal Tjibaou. Le Gapce pourrait ensuite soutenir la commercialisation, comme il le fait avec la marque Hoïa.

Forte valeur ajoutée

La Chambre d’agriculture et de la pêche s’appuie sur le rapport rédigé par Philippe Bastide à la suite de sa visite, en 2023, qui préconise de s’orienter vers une filière « de niche à forte valeur ajoutée », évoquant les coûts de production élevés, les cacaos rares, originaux et de qualité présents en Nouvelle-Calédonie. Cette culture représente une activité économique complémentaire pour les populations de la côte Est, qui vivent beaucoup de l’agriculture et de la pêche, estime Pascal Tjibaou. « On ne va pas être millionnaires, mais en faire avec du café, de la vanille, du santal, etc., cela permet d’avoir toujours quelque chose à récolter en fonction de la saisonnalité. »

L’autre volet d’intervention de la CAP-NC porte sur la poursuite de la formation et de l’accompagnement des agriculteurs, « l’implication de l’ensemble des partenaires », souligne Sophie Tron, ainsi que sur la sécurisation de l’approvi- sionnement en matériel végétal de qualité. « Il faut conserver les très bonnes variétés que nous avons. Il revient aux pépiniéristes de les cultiver et aux producteurs de les planter. »

D’autres emplois de la cabosse sont envisageables. Philippe Bastide cite, dans son étude, les revenus associés que peuvent générer les sous-produits de la cacaoculture : « vinaigre, boisson, glace, confiture, pâte de fruit, bière, biogaz, farine, engrais, compost, sucre et confiserie, paillage, thé de cacao, etc. ». Autant de pistes à explorer.

A.-C.P.


3 variétés

Criollo : (moins de 5 % de la production mondiale) est « rare, prisé pour son arôme délicat (noix, fruits), la qualité et la finesse gustative de ses fèves. Les cabosses deviennent jaunes ou rouges et orangées à maturité. Les fèves sont blanches. »

Trinitario : Hybride entre Criollo et Forastero, (environ 15 % de la production mondiale) est un des plus aromatiques (notes fruitées). « Les cabosses deviennent jaunes ou oranges à maturité. Les fèves sont rose pâle à violettes. »

Forastero : (80 % de la production mondiale) donne un arôme plus fort et plus acide. « Les cabosses sont jaunes à maturité. Le sous-groupe Amelonado présente des cabosses lisses et arrondies. Les fèves sont violettes. »