[DOSSIER] L’igname, la parole et des épreuves

© Y.M.

Victor Gogny, président du Sénat coutumier, y voit « le panier des valeurs sacrées de la civilisation kanak ». La charte du peuple kanak, proclamée le 26 avril 2014 à Ko We Kara, contient tout le patrimoine culturel, le socle des valeurs et la vision autochtone : des chefferies et savoirs traditionnels aux droits fonciers et juridictions.

Dix ans après la publication officielle du document, l’assemblée du peuple kanak, tenue vendredi 26 et samedi 27 avril au centre culturel Tjibaou, a tenté de tirer un bilan et de proposer des évolutions qui amèneront peut-être à des ajustements dans la charte. Un écrit dont le symbole très océanien fut avancé pendant les deux jours au CCT : la pirogue. Autrement dit, tout le monde est à bord et doit aller dans la même direction.

L’embarcation ne glisse cependant pas sur une mer d’huile. Au moins trois enjeux, voire écueils, se placent sur sa route. Des dossiers lourds doivent tout d’abord être traités, de la jeunesse à la place de la femme et la protection de l’environnement. Des attentes fortes sont émises tant par la population kanak que par les institutions calédoniennes. Des tensions traversent ensuite le Sénat coutumier.

Un moment de flottement est d’ailleurs intervenu vendredi lors de la rencontre avec les représentants de Inaatr ne Kanaky, le Conseil national des grands chefs, institué à Canala en septembre 2022. Évoqués par l’institution de Nouville, les projets d’un grand conseil des chefs ou encore d’un mode électif pour les 16 sénateurs font-ils l’unanimité ? Non visiblement.

« Minorité »

Le contexte politique actuel, post consultations d’autodétermination, alourdit enfin le climat. « Notre peuple ne souhaite plus de retour en arrière et demande que le pays, sur la base de l’accord de Nouméa, poursuive son émancipation et sa décolonisation », a observé, dans son discours samedi, le président du Sénat coutumier, Victor Gogny. « Comme c’est le cas dans le monde entier, notre peuple ne souhaite pas être mis en minorité et demande la stabilité pour garantir la construction de notre pays au profit de toutes nos populations. »

L’institution veut être entendue lors de l’élaboration de l’accord institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Ce qui amène une question : le Sénat coutumier doit-il être politisé ? Non, soutiennent des coutumiers, car « nous sommes indépendantistes mais aussi loyalistes ou rien du tout ».

Un autre point suscite des discussions : la proposition du président de la République, Emmanuel Macron, d’emprunter « le chemin du pardon ». Prévue à l’origine le samedi au CCT, la déclaration solennelle prenant en compte le bilan de la décennie et les perspectives a été repoussée à la fin août, au 24e congrès du pays kanak à Ouvéa. Le temps d’échanger encore avec les aires et autorités coutumières.

Yann Mainguet