La réforme du Ruamm adoptée, le plus dur reste à venir

À l’issue de la séance, jeudi 19 octobre, Milakulo Tukumuli a remercié les partenaires sociaux et les élus « d’avoir amélioré le texte », estimant ainsi « achever la réforme de Jacques Lafleur de 2002 ». / A.-C.P.

L’adoption du projet de réforme du Ruamm, jeudi 19 octobre, au Congrès, représente une « première étape ». La suite s’annonce plus périlleuse. Les élus doivent s’accorder sur les taux de cotisation et revoir les dispositifs des  secteurs aidés et des bas salaires, mais disent vouloir faire perdurer « l’état d’esprit de consensus » qui a prévalu la semaine passée.

« Comme c’était parti hier, c’était fin mal barré », lance Pierre-Chanel Tutugoro, président UC-FLNKS Nationalistes au Congrès, jeudi 19 octobre, lors de l’examen du projet de loi réformant le Ruamm, provoquant des rires dans l’hémicycle, où il règne une ambiance bien plus détendue que la veille (lire notre article du DNC n°849).

Une réunion de près de trois heures entre les chefs de groupe et Milakulo Tukumuli a finalement permis d’aboutir à une entente sur le texte, un scénario encore inenvisageable le matin même. Les élus décident de suspendre la séance à 20 h 30 pour la reprendre le lendemain. Cette fois, les amendements déposés sont cosignés par l’ensemble des groupes. Le projet de loi modifié est adopté à l’unanimité.

Les représentants s’en félicitent largement. « Nous aurions pu avancer à 28 contre 26, mais on a souhaité mettre un état d’esprit de responsabilité, de consensus et de respect », déclare Pierre-Chanel Tutugoro. « Un pas énorme a été fait par les élus parce qu’il se sont entendus, c’est une avancée importante », affirme Jean-Pierre Djaïwé, président du groupe UNI. « Un travail concerté et constructif », salue Françoise Suve, présidente des Loyalistes. « C’est la première étape », ajoute Philippe Gomès, de Calédonie ensemble.

2 MILLIARDS D’ÉCONOMIES, LES EXONÉRATIONS PRÉSERVÉES

Plusieurs changements ont été apportés au texte initial. Les non indépendantistes ont tenu à inscrire des mesures d’économies, qui devraient rapporter 2 milliards de francs environ. Une participation forfaitaire de 100 francs par boîte de médicaments remboursable, ce qui, sur une base de 3,7 millions de boîtes délivrées par an, pourrait rapporter 370 millions de francs. L’arrêt de l’indemnisation du premier jour de carence et la diminution des taux de prise en charge du petit risque de 10 %, accompagnée de la suppression du ticket modérateur sur le petit risque et de l’extension du tiers payant. La dématérialisation des feuilles de soins et la création d’un numéro unique de protection sociale sont également prévues.

Des amendements évoquent la nécessité de se pencher sur les questions de la gouvernance et du pilotage. Et, surtout, la suppression de l’exonération des cotisations sur les bas salaires et les secteurs aidés a été abrogée, afin de donner du temps pour réfléchir à leur modernisation.

LE « GROS MORCEAU » MAINTENANT

Jeudi, le Congrès a voté le cadre de la réforme. Mais « le gros morceau » reste à venir, prévient Gil Brial, Les Loyalistes. C’est-à-dire déterminer les taux de cotisation et préciser le fonctionnement des secteurs aidés. Les élus et les partenaires sociaux ont jusqu’à la fin de l’année pour y parvenir. Le consensus tout juste trouvé survivra- t-il à ces négociations ?

Le débat pourrait facilement raviver des tensions. Car « si le principe est posé, avance Philippe Gomès, le dialogue reste ouvert. Il faudra trouver le même équilibre. » « D’autres chantiers nous attendent », appuie Jean-Pierre Djaiwé, demandant que « les groupes s’entendent et s’inscrivent dans une démarche commune ». Ce « n’est pas une fin, mais un début », affirme également Virginie Ruffenach, présidente du groupe Rassemblement, qui souhaite que la suite soit menée « avec la même méthode ». Gil Brial modère l’enthousiasme général. Certes, « un bel état d’esprit s’est mis en place, mais sur la partie la plus facile à se mettre d’accord. Le plus dur, c’est maintenant. » Les visions s’opposent quant aux taux à appliquer. 13,5 %, comme proposé par Milakulo Tukumuli ? « C’est inacceptable. Allez au-dessus de 10 % serait une erreur. On a conditionné notre vote à la capacité de travailler dessus. »

Les élus se projettent même au-delà de la réforme. « Cette unanimité est une lueur d’espoir. L’esprit de collégialité, de l’Accord de Nouméa n’est pas mort, souhaitons qu’il prospère sur les discussions institutionnelles », formule Milakulo Tukumuli. Un vote de bon augure, espère Philippe Michel, président du groupe Calédonie ensemble, « à la fois sur les sujets de gestion des affaires du pays et sur l’avenir politique ». « Dans ces moments décisifs, ces petits pas positifs ont leur importance », conclut Jean-Pierre Djaïwé.

Anne-Claire Pophillat

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