La mort, combat d’une vie

Jean-Pierre Flotat, président de l’Association de soutien au droit de mourir dans la dignité, et Jean-Paul Belhomme, secrétaire, qui a participé à sa création en 2005. / © A.-C.P.

L’Association de soutien au droit de mourir dans la dignité milite pour que chacun puisse choisir le moment et les conditions de sa mort. C’est notamment grâce à son action que la loi Claeys-Leonetti est applicable en Nouvelle-Calédonie. L’espoir porte aujourd’hui sur les conclusions de la Convention citoyenne et l’éventuelle évolution de la législation.

Chaque être humain est concerné par la mort. Pourtant, le sujet reste délicat à aborder. Encore plus quand il est question de légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté. Sans doute parce que cela touche à l’intime.

La Convention citoyenne sur la fin de vie vient de se prononcer pour l’ouverture d’une aide active à mourir. « Une avancée », considère Jean-Paul Belhomme, secrétaire de l’Association de soutien au droit de mourir dans la dignité.

Il n’empêche, les oppositions ont la vie dure. Raisons personnelles, culturelles, religieuses, les freins sont nombreux. Difficile de toucher à la vie, considérée comme sacrée. « Je crois que l’éducation judéo-chrétienne pèse encore beaucoup. Les églises y sont opposées. »

GARDE-FOUS ET HYPOCRISIE

Le corps médical, particulièrement réticent, notamment pour des raisons éthiques, préfère privilégier l’amélioration des soins palliatifs dans une France à la traîne dans le domaine.

Une évidence, estime Jean-Paul Belhomme, qui ne s’oppose pas à l’euthanasie et vient, au contraire, compléter l’ensemble des solutions proposées au malade. Les soins palliatifs ne suffisent pas toujours, affirme Jean-Pierre Flotat, président de l’association. « Même des gens qui y ont accès demandent parfois de mourir. Quand vous souffrez, vous souffrez. »  Le problème, soulève Jean-Paul Belhomme, réside dans le fait de « demander à des médecins qui ont fait tant d’efforts pour mieux faire vivre un patient de lui donner des produits qui vont entraîner son décès ».

La Belgique semble avoir trouver la solution. « Ils ont créé des équipes médicales spécialisées dans la fin de vie. Ils sont volontaires et ne connaissent pas le patient. » Autre argument avancé par Jean-Pierre Flotat, le président l’Association de soutien au droit de mourir dans la dignité : légiférer ne serait qu’un moyen de légitimer une pratique déjà existante. « L’euthanasie est réalisée partout, en Nouvelle-Calédonie compris. J’ai des témoignages de médecins qui l’ont fait parce que leur patient n’en pouvait plus. »

Qu’en serait-il des éventuels abus ? Une crainte infondée, poursuit Jean-Paul Belhomme. « Des garde- fous, il y en a. Le premier et le plus important, c’est la directive anticipée. Sans elle, on ne peut rien faire. »

Et pointe du doigt, à l’inverse, les insuffisances de la loi actuelle et un système qui ne fonctionne pas. « Pourquoi attendre le dernier moment et laisser souffrir ? C’est hypocrite », appuie Jean-Pierre Flotat. Surtout, les conditions d’accès draconiennes peuvent en faire « un parcours du combattant. Il faut vraiment avoir envie de mourir. »

« TENIR COMPTE DU RESSENTI »

C’est là l’essentiel, le malade et les souffrances vécues, qu’elles soient physiques ou psychiques. « Chacun a son acceptation d’un niveau de douleur physique acceptable. Et certains refusent tout simplement de se voir diminuer par une maladie qu’ils savent incurables et de l’imposer à leur famille et leurs proches. »

Comme celle de Charcot, souvent prise en exemple. D’autant que la majorité des Français y est favorable, rappelle Jean-Pierre Flotat. Ce qui pose davantage question sont les modalités de mise en œuvre. « Des divergences apparaissent, certains veulent un encadrement plus strict, d’autres plus ouvert. »

Ne pas permettre d’être maître de sa fin de vie va à l’encontre « de ce qu’on peut attendre d’un État démocratique. On ne doit pas obliger une partie du groupe à subir la volonté de l’autre. »

Et puis, comment présager de notre réaction à l’annonce d’une maladie incurable, à la douleur, notre degré d’acceptation d’une vie dépendante ? « Ceux qui y sont opposés ne tiennent pas compte du ressenti des gens. » Au-delà d’être pour ou contre, d’avoir tort ou raison, une seule chose importe, affirme Jean-Pierre Flotat, la tolérance. « Laisser à chacun la possibilité de choisir les modalités de sa mort. C’est la liberté individuelle ultime qui, en plus, ne nuit en rien à celle des autres. Qui peut décider pour l’autre de sa façon de mourir ? ».

Anne-Claire Pophillat

18 ans d’action

L’objectif de l’Association de soutien au droit de mourir dans la dignité ? Informer et agir pour aboutir à l’application légale du droit de choisir
le moment et les conditions de sa mort et œuvrer pour la promulgation en Nouvelle- Calédonie de la législation métropolitaine.

L’ASDMD a été créée en 2005 à l’initiative de Jean-Paul Belhomme et Paul Peltraud afin justement de faire appliquer la loi Leonetti sur le territoire. L’action s’est poursuivie en 2016 avec la loi Claeys-Leonetti. « On s’est battu pour que les députés calédoniens soutiennent l’article qui étend la loi à la Polynésie Française, Wallis-et-Futuna et la Nouvelle- Calédonie », rappelle Jean- Paul Belhomme.

L’association organise aussi des réunions publiques, des rencontres dans les Ehpad, les structures de santé, à l’hôpital, et a été reçue par le Congrès
en commission de la santé.

Le cœur de son activité repose sur le soutien individuel. La première demande concerne la directive anticipée, que les 110 membres ont remplie.
Ce qu’il faut, c’est réfléchir à ce que l’on souhaite et en parler à son entourage, poursuit Jean- Paul Belhomme. Comme pour le don d’organes. « C’est maintenant qu’il faut y penser, pas une fois qu’on est dans le coma. »