Choisir où et quand mourir ?

Alain Cocq, atteint d’une maladie orpheline incurable, avait demandé, en 2020, le « droit à une mort digne » au président de la République. Face à son refus, en signe de protestation, il avait fait deux grèves des soins et de la faim, avant de renoncer en raison de douleurs extrêmes. Il s’est éteint en 2021, en Suisse, par suicide assisté. Dans un courrier posthume, il dénonce le « manque de courage politique » d’Emmanuel Macron concernant l’absence d’un projet de loi sur la fin de vie dans la dignité / © JEFF PACHOUD, AFP

Peut-on décider de notre mort ? Sera-t-il bientôt possible, en France, d’avoir recours à l’euthanasie ou au suicide assisté ?

L’histoire récente est jalonnée d’affaires médiatisées qui ont marqué les esprits et favorisé une réflexion autour de la fin de vie. Notamment celles, symboliques, de Vincent Humbert, sa demande de droit à mourir lui est refusée par Jacques Chirac en 2002 et, quelques années plus tard, de Vincent Lambert, tétraplégique en état végétatif dont la famille se déchire sur son envie de partir.

En 2005, la loi Leonetti marque un premier pas. Elle autorise les personnes en phase terminale à arrêter leurs traitements ou à bénéficier d’antidouleurs efficaces, même s’il en résulte une mort plus rapide.

En 2016, devenue la loi Claeys-Leonetti, elle encourage les patients à exprimer par avance leur volonté (c’est la directive anticipée) et permet une sédation profonde et continue jusqu’au décès, en cas d’affection grave et incurable avec un pronostic vital engagé à court terme (quelques jours).

Nouvelle avancée, l’an dernier, le Comité consultatif national d’éthique ouvre la porte à une aide active à mourir (AAM) pour les affections neurologiques ou des cancers avec un pronostic vital engagé à moyen terme cette fois, c’est-à-dire quelques mois.

AMÉLIORER LES SOINS PALLIATIFS

Dans la continuité, Emmanuel Macron met en place une Convention citoyenne sur le sujet en décembre 2022. Sur les 184 citoyens qui la composent, 75,6 % sont favorables à une AAM.

En écho à l’opinion publique. Un sondage Ifop d’octobre 2022 indique que 78 % des Français attendent un changement de la loi en faveur de la légalisation du suicide assisté (la personne s’administre elle-même le produit létal) et de l’euthanasie (c’est le médecin qui l’injecte).

La plus grande réserve émane des cultes et du corps médical pour une pratique, juge-t-il, qui s’oppose au Code de déontologie. La position officielle de l’Ordre des médecins, issue d’une consultation, est claire. Il se dit « défavorable » à ce que des soignants participent à « un processus qui mènerait à une euthanasie ».

Certains craignent des dérives. D’autres mettent en avant les carences des soins palliatifs, à l’image de Gérard Sarda, un des fondateurs, en Nouvelle-Calédonie, de l’Association de qualité de vie des patients, très investi dans ce domaine. Il observe que les malades « pris en charge dans une unité de soins palliatifs » ne parlent souvent plus de mourir.

Poursuivre leur développement, « loin d’être achevé », représente « une priorité ». Gérard Sarda propose plutôt d’améliorer la loi existante et d’autoriser uniquement le suicide assisté pour des maladies spécifiques, comme Charcot ou certains cancers.

Car une nouvelle loi « fait réfléchir sur le plan éthique. Elle remettrait en cause, en quelque sorte, l’interdit de tuer. Peut-être faudrait-il aussi consulter les coutumiers et les religieux. » L’Association de soutien au droit de mourir dans la dignité prône simplement la possibilité de laisser le choix à chacun, dans « le respect des droits ». D’autant que cela existe déjà.

Au moins 1 000 euthanasies clandestines seraient réalisées chaque année en France. L’Espagne, la Belgique, la Suisse, le Portugal, le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande ont légiféré en la matière. Emmanuel Macron a annoncé un projet de loi d’ici la fin de l’été. Le débat ne fait que commencer.