Don d’organes : ils ont reçu un « cadeau inestimable »

Christine Rakotoarivelo, Maléko Kalato, Charles Taxier et John Drudri partagent leur vécu pour sensibiliser au don d’organes. / © E.B.

Les membres de l’association des insuffisants rénaux et transplantés de Nouvelle-Calédonie (AIRT NC) ont une chose en commun : un organe d’un corps proche ou étranger qui leur a tout simplement sauvé la vie.

Ce « oui » a changé son existence. Sans lui, Christine Rakotoarivelo ne serait peut-être pas là en train de nous parler de don d’organes autour d’une table. De faire comprendre à qui veut l’entendre de l’importance de faire connaître son choix.

En cette année 2005, la famille qui venait de perdre un être cher a accepté qu’un rein lui soit prélevé. Grâce à ce don anonyme, Christine a réappris à vivre après 19 ans de dialyse. Elle ne sera jamais assez reconnaissante pour ce « cadeau inestimable ». Car avant d’en arriver là, Christine a dû surmonter bien des épreuves. « J’ai été malade à l’âge de 11 ans. J’ai eu un lupus, une maladie auto-immune qui dégrade tous mes organes au fur et à mesure. »

Elle commence la dialyse à 21 ans, le soir, après sa journée de travail. Quatre heures, trois fois par semaine. S’en suivent de longues années éprouvantes, des allers- retours en Métropole… et une attente interminable. « Mon frère voulait me donner un rein. On est partis en Australie, mais il y avait trop de risques que le greffon ne tienne pas. »

Retour à Nouméa. Retour à la dialyse. « J’ai pleuré, mais finalement c’était mieux comme ça. » Après de faux espoirs, des obstacles et une rechute, Christine souhaite attendre que l’opération soit possible en Nouvelle-Calédonie. C’est finalement à Poitiers qu’elle sera greffée. « Quand je suis sortie du bloc, j’étais perdue. » Sa vie ayant toujours tournée autour de la dialyse, Christine a du mal à revenir à « une vie normale ». Des coups durs qui ne lui ont fait perdre ni sa force, ni son sourire.

LES DONNEURS, CES « HÉROS »

Il lui paraît désormais indispensable de prendre soin de ce qu’on lui a donné. C’est de cette façon qu’elle honore ce geste. « Je n’ai pas besoin de savoir de qui j’ai reçu. L’important, c’est que je vive. Ces gens sont nos héros. Merci à eux. » Un sentiment que partage John Drudri, 48 ans, greffé en 2021 sur le territoire. « Je vis bien cet anonymat. Comme on est un petit pays, ce serait facile à chercher et à retrouver. Et après, il y aurait des comptes à rendre », explique-t-il. Lui aussi « revit » grâce à un donneur décédé.

Plusieurs membres de sa famille étaient pourtant prêts à lui offrir ce présent. C’est lui qui a refusé. « J’ai connu des donneurs vivants qui ont des problèmes de rein maintenant alors qu’ils n’en ont plus qu’un. » Il ne voulait pas prendre ce risque pour ses proches. Le frère de Charles Taxier, 64 ans, l’a pris. Voir son état de santé se dégrader a été l’élément déclencheur. « Avant la dialyse, j’avais eu un traitement qui m’avait fait gonfler de partout. Ils ne me reconnaissaient plus dans la famille. Après, je suis tombé au poids que je faisais à 18 ans. »

Son frère réalise des analyses, un test de compatibilité, puis il passe devant le tribunal afin de vérifier son consentement et qu’il n’y ait aucune pression « Ça a pris six mois. » Charles reçoit son rein ici, en 2020. Il est l’un des premiers patients à être greffés sur le territoire. Aujourd’hui, son frère « crapahute partout ». Il réalise un bilan sanguin tous les six mois, histoire de vérifier que tout va bien. Maintenant, Charles fait attention. Il se le doit face à l’acte généreux de son frère.

Maléko Kalato, lui, doit redoubler d’attention. En plus d’un rein, il a reçu un cœur à Nantes, il y dix ans. « L’un pouvait lâcher pendant l’opération. » Un parcours du combattant qu’il se remémore en dates clés. Tel un CV des moments marquants de la maladie.

Les prises de sang révélatrices d’un problème de rein au début des années 2000. Son refus de se faire dialyser à cause des mauvais souvenirs lorsque son père y avait recours. Le corps qui se dégrade en 2011. Sa première dialyse qui s’impose le 11 juin de la même année. Le cœur qui s’affaiblit. Une opération en Australie. Sa double greffe inévitable en août 2013. Sa joie d’être ici en 2023 pour témoigner et faire évoluer les mentalités.

Edwige Blanchon

UNE ASSOCIATION À QUI PARLER

L’association des insuffisants rénaux et transplantés de Nouvelle-Calédonie a vu le jour en 2015. Elle est née de l’initiative d’un groupe de dialysés et transplantés. Objectif : soutenir moralement les personnes greffées (ou en attente), mais aussi sensibiliser le grand public sur les maladies rénales et le don d’organes.

Ses membres se mobilisent notamment lors de trois rendez-vous annuels : le 10 mars, journée mondiale du rein ; le 22 juin, journée nationale de réflexion sur le don d’organes et la greffe et de reconnaissance aux donneurs ; le 17 octobre, journée mondiale du don d’organes et de la greffe. Ils interviennent régulièrement dans les collèges et les lycées.