Don d’organes : le simple fait d’en parler

En 2022, une douzaine de personnes ont bénéficié d’un don d’organes. / © B.B.

Tout le monde est considéré donneur présumé, sauf si une personne a manifesté son refus de son vivant. Ce que dit la loi n’est pas toujours retranscrit dans le quotidien des Calédoniens qui ne parlent pas encore assez de cette question, pourtant cruciale pour une centaine de patients.

Cette discussion de quelques minutes pourrait améliorer une vie. Peu importe la conclusion, parler du don d’organes à ses proches est primordial. Le sujet reste pourtant trop souvent écarté dans les familles jusqu’à devoir faire un choix. « Les études nationales montrent que 80 % de la population est favorable au don, mais près de la moitié oublie d’en parler. Confrontés à cette question, les proches sont pris au dépourvu et se retrouvent dans la difficulté de prendre position pour le défunt, explique Véronique Biche, infirmière coordinatrice sur l’activité de prélèvement et greffe au centre hospitalier territorial (CHT). Parfois, la famille ne sait pas ce que le défunt aurait choisi et préfère dire non plutôt que de se tromper. »

En Nouvelle-Calédonie, près de 145 personnes attendent une greffe de rein. Les 12 à 15 opérations réalisées chaque année ne sont pas suffisantes pour faire face aux besoins du territoire, particulièrement frappé par le fléau de l’insuffisance rénale. Les équipes soignantes espèrent atteindre entre 20 à 25 greffes annuelles.

Les dons peuvent provenir d’un membre de la famille vivant ou d’une connaissance de longue date, mais pas toujours. Les prélèvements post-mortem sont nécessaires quand le premier choix n’est pas envisageable pour des raisons médicales ou familiales. Une personne en état de mort cérébrale peut sauver deux malades grâce à ses deux reins. « Quel que soit l’âge, c’est une famille qui est désarçonnée, dans la tristesse, le désarroi, la douleur. On essaye de convenir avec eux que, parfois, cela peut donner un sens à un décès brutal. »

TOUS DONNEURS

La loi, transposition complète des textes nationaux, stipule que tout le monde est donneur, sauf si on a fait valoir son refus en s’inscrivant dans un registre, accessible à partir de 13 ans, ou en l’indiquant clairement à ses proches. C’est le consentement présumé. « Considérant qu’on est tous donneurs, on doit en même temps rechercher la position du proche auprès de la famille. C’est toute la complexité : le côté urgent, soudain, la méconnaissance, la peur, les us et coutumes, etc. », détaille Véronique Biche.

Le taux de refus est longtemps resté élevé, aux alentours de 60 à 65 % avant de chuter à 45 % en 2022. La Nouvelle-Calédonie n’est pas non plus une « mauvaise élève » par rapport aux autres territoires ou à la France hexagonale. « En Métropole, où la greffe est possible depuis plusieurs années, le taux de refus est de 30 à 33 %, développe l’infirmière du CHT. Le don reste encore quelque chose de difficile. »

Le contexte sociologique et les croyances locales jouent autant que le manque de communication. Les positions doivent être clairement exprimées à l’intérieur des familles. La décision devient plus facile à prendre. « Il y a un vrai besoin de communiquer, insiste Véronique Biche. Localement, cela date d’à peine 10 ans, le chemin est fait progressivement. Nous restons positifs. »

Le don n’est possible au CHT que depuis 2012. Jusqu’en 2020, il se faisait en collaboration avec des hôpitaux australiens et hexagonaux. Un rein prélevé était transporté par avion pour être greffé. Il y a deux ans, les équipes médicales se sont formées et ont développé une filière complète. Toute la chaîne se réalise désormais au Médipôle. « L’accès à la greffe est une opportunité au niveau social, professionnel et psychologique pour les malades. C’est aussi un coût de santé qui est dix fois moindre que de maintenir un patient en dialyse, rappelle Véronique Biche. Il y a intérêt à communiquer sur la possibilité de donner de son vivant et à son décès. L’idée est de poser la question et d’en parler autour de soi. » Et vous, qu’en pensez-vous ?

Brice Bacquet