CBD : se mettre à la page

Les élus de l’AEC et de l’UC au mois de mars au Congrès. / © C.M.

Le dossier du CBD a aussi investi le champ politique. En mars, les groupes Avenir en confiance et UC-FLNKS ont cosigné trois projets de vœux au Congrès sur le statut du cannabidiol, son importation contrôlée et l’opportunité de créer une filière chanvre.

Il est des sujets qui sont transpartisans et qui peuvent donc a priori avancer. La question du cannabidiol et du chanvre fait partie de ceux-là. Certains groupes politiques, l’Avenir en confiance, l’UC-FLnKS et Nationalistes, mais aussi certaines personnalités de Calédonie ensemble, et au gouvernement, le membre Éveil océanien chargé notamment de la construction, Vaimu’a Muliava, ont tous travaillé sur ce dossier avec les services de la Nouvelle-Calédonie et des provinces.

Le 4 octobre 2022, le Congrès organisait un rendez-vous public sur le thème de la légalisation du cannabis. Des Calédoniens ont profité de cette séance pour sensibiliser les élus aux bienfaits du CBD pour alléger leurs souffrances ou aux opportunités relatives au chanvre. Les associations les ont également sollicités. En mars, l’Avenir en confiance et l’UC ont finalement fait cause commune en présentant trois vœux au Congrès.

ACTUALISER LA RÉGLEMENTATION

Le premier vise à demander au gouvernement un arrêté pour sortir le CBD de la liste des substances stupéfiantes. Virginie Ruffenach, présidente du groupe Avenir en confiance, explique avoir entendu les personnes souffrant de différentes pathologies, obligées de se faire expédier ou de ramener « en cachette » dans leurs valises le CBD en vente libre en Métropole, en Europe et plus près, en Australie ou en Nouvelle-Zélande. « Il est temps de bien différencier le THC qui est la substance psychotrope, dangereuse pour les neurones et addictive, du CBD qui n’est pas nocif, comme l’ont certifié tout un tas d’études scientifiques, qui soulage et qui permet même de lutter contre certaines addictions, notamment celle au THC. »

Elle rappelle que la France avait été condamnée par la Cour européenne de justice pour avoir considéré le CBD comme stupéfiant, avant finalement de l’autoriser. « Il n’y a pas de raison que la Nouvelle-Calédonie ne soit pas dans le même contexte et que les gens doivent s’en procurer illégalement. » Omayra Naisseline, vice- présidente du groupe UC, abonde. « C’est une actualisation sur la base de ce qui se fait ailleurs. On doit se mettre à la page pour nos concitoyens. » Pour elle, il s’agit avant tout d’être cohérent et de « répondre à une frange de la population qui souffre et ne comprend pas pourquoi c’est autorisé partout sauf ici ».

La seconde proposition émet le vœu que l’importation de produits certifiés UE (hors fleurs séchées) soit autorisée dans l’attente de la mise en place d’une filière de production locale et que ces produits soient conformes aux normes en vigueur en matière d’hygiène, de sécurité et de qualité. « Il sera garanti qu’ils contiennent moins de 0,3 % de THC, un taux extrêmement faible, explique Virginie Ruffenach. L’objectif étant de prévenir le risque d’avoir une sorte de vente locale qui ne soit pas encadrée, que des personnes mal intentionnées puissent mettre sur le marché des produits dangereux. »

DES ÉTUDES NÉCESSAIRES

Il s’agit ensuite, dans la troisième proposition, de demander à l’exécutif de commander des études pour évaluer l’opportunité et la faisabilité de la création d’une filière chanvre en Nouvelle-Calédonie, destinée à la production de fibres textiles, de matériaux de construction, de CBD, etc. « Cette étude est très importante parce qu’il ne faut pas jouer les apprentis sorciers, développe la cheffe du groupe AEC. On sait que le cannabis est ici très chargé en THC et donc dangereux pour la population, raison pour laquelle on s’oppose très clairement à sa légalisation. Notre sol est très particulier, chargé en métaux, donc il faut avoir la certitude que des plantes qui seraient produites dans le cadre d’une filière chanvre ne se concentrent pas en THC et soient donc impropres à l’usage quel qu’il soit. »

Si cette possibilité était avérée, l’AEC comme l’UC entrevoient un marché très productif à la vente, avec des débouchés importants, et donc intéressant sur le plan économique. Omayra Naisseline, également présidente du conseil d’administration de l’Agence rurale, explique avoir budgété une enveloppe pour mener ces études, en accord avec le gouvernement puisqu’il s’agit d’un établissement public. Elle doit encore être validée par les administrateurs avant un appel à projets auquel pourront répondre notamment les organismes scientifiques. « Même s’il y a beaucoup de choses qui ont été faites par les associations et les syndicats, des entreprises du BTP, etc. il faut confirmer cela à l’échelle de la Nouvelle-Calédonie, faire des essais sur les différents sols, essayer de mettre en place un cadre avec les professionnels. »

En tout cas, selon la présidente, « l’attente est énorme ». Et « s’il y a des bonnes volontés pour développer cette filière, donner de l’espoir à notre économie avec un secteur porteur, pourquoi pas ? ». Le lancement de ce projet n’est pas corrélé à l’adoption des vœux par le Congrès. Mais ce serait un plus. « On espère vivement que dans le mois à venir ils puissent être examinés en séance publique », souligne Virginie Ruffenach. Vu le contexte économique, les élues sont optimistes quant à l’issue du vote.

Chloé Maingourd

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