[DOSSIER] Tombée dedans à quarante ans

Caroline Faivre a décidé de changer de vie après une première carrière de commerciale. Aujourd’hui apicultrice professionnelle, elle s’épanouit au milieu de ses nouvelles collègues, piquantes mais tellement attachantes.

Des milliers d’abeilles bourdonnent autour de l’apicultrice. « Bzz Bzz  Bzz » est le seul son mêlé à celui des chants des oiseaux, du vent qui souffle dans les hautes herbe et, parfois, du mugissement des vaches qui lui rendent visite. « Tu as vu ce cadre-là », s’émerveille Caroline Faivre en balayant les montagnes du regard.

L’apicultrice est dans son élément. Ce retour aux sources, au beau milieu de la nature, est ce qui l’a convaincue de changer de vie à 40ans. « La crise de la quarantaine », plaisante-t-elle. Commerciale durant de nombreuses années, elle décide de sauter le pas et de se reconvertir dans un métier radicalement différent. « Je savais que j’avais atteint les limites de mon ancien job et je voulais faire un métier qui ait du sens. »

N’étant pas de profession agricole, Caroline Faivre se retrouve face à un grand vide. Et puis ses deux ruches dans le jardin finissent par lui montrer le chemin. « J’ai rencontré un apiculteur qui avait un parcours de formation professionnelle : j’ai suivi la formation à Bourail avec l’Adecal-Technopole. »

Elle décide d’en faire son activité principale. Quelques personnes lui ouvrent les portes d’exploitations de plus grande ampleur. Elle part en Métropole se renseigner, puis se lance directement en bio. Non sans difficulté. « J’ai perdu beaucoup de temps car tu es encore moins productif. Mais être en bio, c’est mon  truc. Je voulais coller à cette image, car elle est me correspond », confie-t-elle.

De commerçante à bergère des abeilles

Aujourd’hui, Caroline Faivre, 47 ans, est apicultrice professionnelle. Avec son Rucher sauvage, elle prend soin de ses 300 ruches éparpillées de Dumbéa à Plum, en passant par Katiramona, Port-Laguerre et Boulouparis. Un beau cheptel qu’elle ne se lasse pas de chouchouter. « Si tu observes, il y a des petites abeilles qui prennent le pollen dans les fleurs. Sur les pattes, il y a des petits points blancs. C’est le début de la saison », se réjouit l’apicultrice qui va regarder si ses ouvrières ont bien bossé.

Caroline Faivre travaille toute seule, se gère toute seule, et apprécie ses nouvelles collègues même si elles peuvent être de temps en temps un peu piquantes. « Je trouve qu’il y a un bon apprentissage d’humilité. Pour moi, toute l’énergie que tu mets va te donner un résultat positif à la fin. C’est comme ça normalement dans la vie. Mais pas avec l’apiculture, si la météo n’est pas au rendez-vous. »

L’an dernier, les pluies lui ont fait perdre une cinquantaine de ruches, remplies de miel et pleines d’abeilles. « J’ai deux gros ruchers qui ont été noyés. C’était franchement horrible et démoralisant », se souvient-t-elle.

Le miel crémeux, sa madeleine de Proust

Malgré ces aléas climatiques, l’apicultrice a réussi à faire du miel. Et même du bon miel. Cette année, elle a reçu sa deuxième médaille au Concours des miels de Nouvelle- Calédonie. En 2019, elle avait reçu l’argent dans la catégorie « Toutes fleurs foncé ». « Quand tu es primée, c’est pour ton miel mais aussi pour ton savoir-faire, donc toute ta production est primée pour l’année. C’est vraiment sympa, ça nous fait sortir du lot. »

Lors de la dernière édition, son miel crémeux lui a valu la médaille d’or. Elle a voulu recréer le miel de son enfance, celui qu’elle tartinait sur son pain au petit- déjeuner. « Le miel crémeux c’est ma vie, j’ai voulu en faire tout de suite, car on en trouvait très peu ici. Dans le Midi, on avait du miel de lavande tous les matins. J’ai été élevée avec, et j’avais envie de retrouver ces textures que j’aimais », révèle-t-elle.

Quand l’apicultrice a monté son exploitation, elle avait trois objectifs en tête : commencer en bio, faire du miel crémeux et participer au Salon international de l’agriculture à Paris. Les deux premiers sont réalisés. Le troisième ne devrait pas tarder. Caroline Faivre doit s’y rendre en 2023 et tenter de décrocher une nouvelle récompense.

Edwige Blanchon

Photos : CDaroline Faivre tient le Rucher sauvage à Dumbéa. Ses produits sont issus de l’agriculture biologique. / E.B.

Qu’est-ce qu’un miel crémeux ?

Un petit grain de sable léger et agréable en bouche. Cette texture est celle d’un miel finement cristallisé. D’un miel crémeux par excellence. « La référence, c’est un miel de lavande en France. Quand tu plantes ta cuillère dedans, tu as toujours un trou », précise Caroline Faivre. Ce produit est plutôt méconnu ici.

Les Calédoniens sont surtout friands du miel liquide dans une bouteille carré.« Le miel crémeux, c’est juste une autre manière de travailler le miel. » Au moment de la récolte, tous les miels sont liquides. Il cristallise naturellement avec le temps.

Comme sa couleur, son épaisseur, son goût et son odeur, sa consistance dépend de son origine florale et ainsi de sa teneur naturelle en glucose et fructose. Plus il est riche en glucose, plus il cristallisera rapidement. S’il est plutôt riche en fructose, le processus de cristallisation sera plus lent.

 

Dans notre dossier

Piqûre de rappel sur l’apiculture
Les abeilles ne chôment pas en Nouvelle-Calédonie. Du sud au nord, en passant par les îles, les insectes pollinisateurs travaillent avec les apiculteurs pour produire un miel de qualité, reconnu localement. Tour d’horizon de cette petite filière agricole. →

La menace varroa
Face aux maladies et aux parasites, tel que l’acarien varroa, les apiculteurs redoublent de vigilance pour protéger leurs ouvrières volantes. →

Le miel de Lifou, un avant-goût du paradis
La plus grande des îles Loyauté est une référence en matière de miel. Récompensé à de multiples reprises pour sa qualité, le miel de Lifou se différencie grâce à la biodiversité unique que l’on trouve sur place. La végétation endémique fait de lui un miel d’exception. →

Une dégustation en quatre étapes
Tous les ans, le Centre d’apiculture organise un concours pour départager les meilleurs miels de Nouvelle-Calédonie. Emmanuel Récamier, membre du jury depuis trois éditions, explique les étapes à suivre. →