[DOSSIER] La menace varroa

Honeybee mite (Varroa destructor), computer artwork. (Photo by SCIEPRO/SCIENCE PHOTO LIBRARY / SKU / Science Photo Library via AFP)

Face aux maladies et aux parasites, tel que l’acarien varroa, les apiculteurs redoublent de vigilance pour protéger leurs ouvrières volantes.

Le pire cauchemar des agriculteurs s’appelle varroa destructor. L’acarien de quelques millimètres vit au crochet des abeilles et détruit leur système immunitaire. « Il est présent en Nouvelle-Zélande et au Vanuatu, prévient Romain Gueyte, responsable du Centre d’apiculture de Nouvelle-Calédonie. Dans les vingt prochaines années, on l’aura. Il faut rester lucide. » 

En 2012, un essaim, retrouvé dans un cargo et testé positif, avait été éradiqué à temps. En Australie et en Métropole, le parasite fait des ravages. « Il peut arriver par les porte-conteneurs ou par quelqu’un qui rapporte, sans le savoir, une reine porteuse du varroa », s’inquiète Philippe Lemaître, président du Syndicat des apiculteurs de Nouvelle-Calédonie.

Face à ce fléau, les professionnels de la filière devront utiliser des traitements chimiques et biomécaniques, pas encore présents sur le territoire. « Cela va changer une grande partie de notre manière de produire, reconnaît Romain Gueyte. Aujourd’hui, on ne traite pas parce qu’on n’en a pas besoin. »

Le Syndicat des apiculteurs réclame la déclaration obligatoire des ruches dans toutes les communes pour intervenir le plus rapidement possible en cas de besoin. « Le but est de savoir où il y a des ruches, cela a un caractère sanitaire », insiste son président, Philippe Lemaître.

Le varroa, ressemblant à un tourteau, s’agrippe sur le dos des abeilles et pompent leur corps gras. Il affaiblit l’abeille, la rend plus fragile aux maladies jusqu’à provoquer leur mort./ Sebastian Gollnow – DPA – Picture-Alliance via AFP

Sélection et protection

Le Service d’inspection vétérinaire, alimentaire et phytosanitaire (Sivap) veille justement à protéger les cheptels, grâce à un système de « ruches sentinelles » installées autour du port autonome de Nouméa et dans les différents ports miniers. « Elles sont positionnées dans les zones à risque pour détecter rapidement les maladies », explique Romain Gueyte.

Des pièges à essaim, aménagés aux mêmes endroits par le réseau d’épidémiosurveillance apicole (Resa), complètent le dispositif. Les apiculteurs réalisent des tests de prévention pour repérer au plus tôt l’arrivée du varroa.

Dans la station expérimentale de Boghen à Bourail, les équipes du Centre d’apiculture vont plus loin. Elles se penchent sur la génétique des ouvrières volantes. « On collabore avec six apiculteurs professionnels s’occupant de plus de 100 ruches pour identifier et multiplier les meilleurs cheptels », détaille Romain Gueyte.

Les reines sont sélectionnées chaque année selon leur productivité, leur résistance ou leur agressivité. Cette sélection génétique permet par exemple de lutter contre la loque américaine, maladie mortelle qui s’attaque aux couvains. Couplées à la veille sanitaire, ces super abeilles ont la lourde tâche de repousser toutes les menaces qui planent ou planeront sur leurs congénères.

Brice Bacquet

Photo : Science Photo Library via AFP

Le mauvais temps leur donne le bourdon
La Niña leur en fait voir de toutes les couleurs. Les épisodes de pluie à répétition ont miné le moral de certains apiculteurs qui observent leur production de miel diminuer. « Ce n’est pas réjouissant avec la recrudescence des pluies. Les arbres fleurissent mais derrière, les pluies lavent le nectar sur les fleurs. Il n’y a pas suffisamment de ressources pour produire du miel », explique Philippe Lemaître, apiculteur et président du Syndicat des apiculteurs de Nouvelle-Calédonie.Cette saison 2022 est quand même relativement meilleure que celle de l’année précédente. Mais le prolongement de la Niña inquiète les professionnels. « On ne tourne pas à plein régime, si ça continue ça va être compliqué », confie le président. Avec un manque à gagner de 30 à 40 % de production pour certains, les investissements réalisés deviennent difficiles à rentabiliser. Ces dernières années qui alternent les « coups de sec et les coups de flotte » sont loin d’être amusantes pour les abeilles et les apiculteurs. « On a eu plusieurs saisons difficiles, mais on peut encore produire du miel de qualité en Nouvelle-Calédonie », rassure Romain Gueyte.Alors que la saison se tient normalement de septembre à fin juin (plus ou moins étendue selon les zones), Philippe Lemaître a exceptionnellement fait une récolte en juillet, à Boulouparis. « C’est la première fois en 17 ans que je récolte du miel à cette période. » Cette année, le mois de juillet a été extrêmement chaud avec une température moyenne record de 23 °C.Edwige Blanchon

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