Handicap : une nécessité d’aller encore plus loin

Virginie Moinaux, sexothérapeute à l’association Solidarité Sida, propose des consultations gratuites et se déplace dans les structures sur demande. De 2009 à 2015, elle a animé des ateliers sur la santé relationnelle, affective et sexuelle à destination de jeunes handicapés moteurs et sensoriels. / © E.B.

Même si leurs demandes sont davantage entendues, beaucoup de personnes en situation de handicap ont encore du mal à connaître une vie affective et sexuelle épanouie. Pour le Collectif Handicaps et Virginie Moinaux, sexothérapeute à l’association Solidarité Sida, il est urgent de réfléchir à des façons de répondre à leurs besoins en l’adaptant au contexte calédonien.

Ils sont en fauteuil roulant, déficients intellectuels, malvoyants, autistes ou encore malentendants. Ces hommes et ces femmes peuvent connaître une relation durable ou d’un soir s’ils le souhaitent. Ce sont leurs droits. Mais dans la pratique, c’est une tout autre histoire. « C’est très compliqué de trouver une femme ou un homme pour avoir des rapports. On peut ressentir des choses, mais c’est difficile de le concrétiser », témoigne Sylvain Bova.

Virginie Moinaux, sexothérapeute à l’association Solidarité Sida, essaie de les informer au mieux, de les conseiller. Sachant qu’il n’existe pas qu’une seule sexualité des personnes en situation de handicap, elle cherche à apporter des réponses adaptées à chaque individu. « Il y a tellement de handicaps et de représentations différentes. Faire l’amour, ça peut être se tenir par la main, faire un bisou ou érotiser une partie du corps. Quand on parle de sexualité, on parle de manière large, mais on implique aussi et surtout la relation affective. » Il est donc essentiel de bien comprendre leurs attentes afin de pouvoir mettre en place des moyens (légaux) qui permettent d’y répondre.

ACCUEILLIR LES DEMANDES SANS JUGEMENT

Continuer à former les personnels qui accompagnent est déjà l’une des premières étapes, selon Virginie Moinaux. Qu’ils ne réagissent pas de manière inadaptée et qu’ils accueillent sans jugement, ni violence, les demandes auxquelles ils peuvent être confrontés. « Il faut se donner les moyens de les écouter et ne pas se tromper. Ne pas plaquer nos représentations sur notre propre sexualité. »

Les structures, qui doivent prendre en compte cette dimension depuis longtemps, peuvent encore s’améliorer. La sexothérapeute les incite à recenser les besoins, à multiplier les espaces d’échange pour les rencontres. « Il faut accompagner, informer, encadrer », souligne Jade Barbu, responsable du Collectif Handicaps. Il faut aussi, et surtout, que les langues se délient. « C’est très rare que le sujet soit abordé. On en parle entre nous, entre copains, mais ce n’est pas assez développé », constate Sylvain Bova.

S’INSPIRER DE CE QUI SE FAIT AILLEURS

Pour la sexothérapeute, la Nouvelle-Calédonie devrait emprunter des idées à certains pays en avance sur ces questions, en les adaptant à nos réalités et à la population. « On est un petit territoire. On peut regarder ce qui marche et faire des lois pays, être créatif. » Elle imagine des moyens très simples à mettre en œuvre, comme une salle dédiée dans les établissements avec une lumière tamisée, de la musique, des odeurs pour développer « la sensorialité ». « Mettre des pièces d’intimité serait une des solutions même si, bien sûr, il faut encadrer », appuie Jade Barbu. « Il faudrait pouvoir légiférer sur la mise en place d’une chambre rose et qu’elle soit financée par une aide publique, ça démystifierait le sujet », suggère Bruno Marest, psychologue.

Virginie Moinaux pense également à l’assistance sexuelle (lire ci-contre) qui est autorisée en Belgique ou en Suisse. Autant de réflexions qui méritent d’être étudiées pour trouver, à terme, des réponses appropriées pour un public déjà trop souvent négligé.

Edwige Blanchon

L’épineuse question de l’assistance sexuelle

Plusieurs pays d’Europe encadrent le recours à des assistants sexuels. Les Pays-Bas font partie des premiers à avoir autorisé cette pratique dans les années 1980. Les prestations réalisées par les assistants peuvent même être remboursées. En Suisse romande, il existe des formations depuis les années 2000. Bien que l’activité soit légale dans ce pays, l’assistant sexuel possède très souvent le même statut qu’un travailleur du sexe. Dans l’Hexagone, c’est ce qui coince.

La loi interdit le recours à des assistants sexuels puisque la pratique se rapproche à de la prostitution. Quelqu’un qui organiserait une rencontre pour une personne en situation de handicap, dans un établissement ou à domicile, risquerait d’être accusé de proxénétisme.

Depuis 2013, il existe cependant une structure qui œuvre dans ce domaine : l’Association pour la promotion de l’accompagnement sexuel (Appas). L’objectif : « apporter une réponse à la souffrance engendrée par la misère affective, sensuelle et sexuelle des personnes en situation de handicap ». Une première formation d’accompagnement s’est déroulée en mars 2015. Depuis Fabrice Flaguel (accompagnant) s’invite régulièrement dans les médias pour parler de son activité.

UNE PRATIQUE BIENTÔT AUTORISÉE EN FRANCE ?

En 2020, Sophie Cluzel, la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, s’était montrée ouverte à une évolution sur la question et avait annoncé vouloir « rouvrir la réflexion éthique en abordant le sujet de l’assistance sexuelle avec une vision renouvelée ». En février, le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), organe rattaché au gouvernement, s’est prononcé en faveur d’une autorisation, à titre dérogatoire et expérimental

 

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