Son handicap a mis l’amour sur sa route

« Les structures permettent aux personnes en situation de handicap de se rencontrer, d’avoir une vie amoureuse. » / © E.B.

Sylvain Bova, 37 ans et déficient visuel, partage sa vie depuis 2010 avec Rose, porteuse du même handicap que lui. Ensemble, ils ont un petit garçon de 4 ans. Ensemble, ils se sont battus pour vivre leur histoire d’amour.

Sylvain Bova peut le crier haut et fort. Il est « enfin » heureux. L’entendre parler de Rose, l’écouter rire lorsqu’il raconte leurs anecdotes le prouve. Sa vie amoureuse n’a pourtant pas été un long fleuve tranquille. Son handicap ne lui a pas facilité la tâche. Sylvain Bova est déficient visuel, soit complètement non voyant. Un frein lorsqu’on veut mener une vie intime comme tout le monde. « Souvent, les gens nous regardent avec de la compassion. Comme un ami, un frère, un copain, mais ça ne va pas plus loin. Alors que nous, on veut déshabiller la personne. »

Sa différence ne constitue pas le seul obstacle. Habiter en tribu ne l’a pas aidé à partager ses envies ouvertement. « Je suis originaire de Touho. On ne parle pas de sexualité. C’est un sujet qui n’est pas mûr. » Il y a ce tabou difficile à briser mais aussi le regard des autres, les jugements et parfois l’incompréhension. Il se souvient du périple qui a suivi le jour où il a rencontré Rose, à l’association Valentin Haüy. « On était de bons amis. On était inséparables et puis un jour… » Un jour, ils sautent le pas.

DES DÉBUTS PAS TOUT ROSES

Rose et Sylvain deviennent un vrai couple. Une bonne nouvelle qui n’a pas forcément été prise telle quelle au départ par leur entourage. « On m’a dit : “pourquoi tu ramènes une fille comme Rose qui ne voit pas bien ? Elle se heurte dans les escaliers. Un jour, si vous marchez ensemble, elle ne va pas voir le poteau.” » Des mots durs qui les affectent profondément. Leur histoire débute en cachette. Ils se retrouvent à l’extérieur pendant que « papa » et « maman » s’inquiètent à la maison. « Je n’avais pas de téléphone encore et quand je rentrais, je me faisais engueuler : “Mais tu étais où ? Tu ne vois pas. Qu’est-ce que tu fais ! Tu es parti depuis vendredi.” J’étais obligé d’inventer en disant que j’étais chez un cousin. »

Pour avoir leur intimité, Sylvain et Rose restent dehors, font du « camping urbain ». Lorsqu’ils récoltent assez d’argent, ils prennent une chambre d’hôtel pour se retrouver, rien que tous les deux. Avec le temps, leurs proches finissent par accepter leur relation. « Il a fallu que je leur dise : je n’ai rien contre votre vie de couple, pourquoi vous êtes contre la mienne ? Au contraire, accompagnez-moi ! » Ils se font une raison. Rose et Sylvain sont faits l’un pour l’autre.

PAPA D’UN PETIT GARÇON

Les deux tourtereaux commencent réellement à goûter au bonheur. Ils prennent leur indépendance en emménageant dans leur appartement. Puis Rose tombe enceinte. Une merveilleuse nouvelle pour ces deux âmes sœurs qui implique, une nouvelle fois, des remarques. « Pour certains, le fait de devenir parent, on me disait que ce n’était pas bien, que c’était lourd. Qu’on allait avoir des problèmes comme je ne vois pas et elle non plus. »

Ils décident d’affronter cette étape rien que tous les deux afin de « ne pas alourdir qui que ce soit ». « On a nos mains, nos pieds. On a les transports, toutes les institutions qui sont là. On s’est débrouillés pour aller à l’échographie. » Les mois passent et leur bébé arrive. Les jeunes parents reçoivent des conseils de mamans, de papas et de leurs amis. Ils savent qu’ils peuvent compter sur les associations et les structures en cas de besoin. « Mon entourage me donne un coup de main de temps en temps et on avance avec. Le laver, le changer, ce n’est pas un problème. Je suis né malvoyant donc je voyais avant. J’ai vu ce que c’était un bébé avec mes yeux. Je sais ce que c’est. Je me suis servi de mes souvenirs et ça marche. »