O Éditions Pacifique Sud : Maison d’édition calédonienne

En tant qu’auteur, Yannick Jan se heurte au manque d’éditeurs en Nouvelle-Calédonie. Pour stimuler la filière, il ouvre une maison d’édition 100 % locale, O Éditions Pacifique Sud, qui publie trois premiers ouvrages.

Il éditera trois livres minimum par an. Yannick Jan, chef d’entreprise dans les télécommunications, ancien de la fonction publique, a d’abord concrétisé sa passion pour l’écriture en livrant un roman psychologique, L’écrivain (2016). Suivra un roman d’espionnage féminin Liens de sang, élaboré en 2021 lors d’une résidence d’écriture au château Hagen, prix de la Maison du livre et de la province Sud.

Un travail qui lui donne envie de découvrir l’édition, un « autre beau métier ». « Quand je vois ce que fait Au vent des îles, en Polynésie, je trouve ça super. » Il souhaite tout en apprendre. « Quand j’ai envoyé mon roman à des maisons d’édition en Métropole, je n’ai pas été retenu. C’est compliqué, on est loin, c’est normal. J’ai donc eu envie de créer la mienne et de tout réaliser localement. »

Il s’autopublie et souhaite en faire de même pour les autres. « Dans la période que l’on vit, c’est important de faire exister la culture et notamment le livre, qui est un moyen d’expression. Il faut que la parole circule, que les gens qui ont des choses à dire se lancent. »

PARTICIPATIF

Il fait appel à des entrepreneurs, des groupes (il est soutenu par la BCI et La voix du Caillou), aux particuliers, essaie d’impliquer la communauté pour faire grandir O Éditions. Pour lui, le plus compliqué est l’aspect financier, de trouver des donateurs. « J’ai fait le choix de tout faire ici, la correction, le graphisme, la post-production, l’impression, donc forcément ça a un coût plus élevé. »

Autre difficulté, la structuration de la filière. « On a des libraires qui veulent bien recevoir les livres, d’autres qui ne sont pas intéressés, puis il y a le lecteur. Il faut une mobilisation et un soutien important avec une conscience à acheter local. » Si les livres sont bons, pense-t-il, « ça le fera ». Le potentiel existe, pour tous les goûts et avec des prix « relativement corrects ».

Pour arriver à produire, avoir « une richesse en littérature », il a imaginé un système « pyramidal ». « La vente des livres sert aux suivants. J’essaie de responsabiliser les auteurs en leur disant que si leurs livres se vendent bien, ils serviront aux autres. » Le bénéfice de Liens de sang, vendu à plus de 800 exemplaires, a été réinvesti entièrement dans la maison d’édition.

Entrepreneur, Yannick Jan, aime aller « sur des chemins nouveaux, se lancer des défis ».© C.M.

COMITÉ DE LECTURE

Yannick Jan a reçu une vingtaine de manuscrits. Certains nécessitent pas mal de travail, mais ses propres ouvrages ont bien été réécrits « six ou sept fois ». Il en a sélectionné trois pour cette rentrée et a déjà pratiquement de quoi combler sa programmation 2024.

Son comité de lecture a choisi Le chemin des filets, un road trip d’une star de football qui ne marque plus, signé Nicolas Vignoles. « J’aime la plume de Nicolas. Ça se lit au café. Et je trouve que pour son troisième, il y a mis beaucoup d’émotion, de sensibilité, beaucoup de lui. » Le deuxième est son coup de cœur. Moi, l’Auvergnate de Népoui sort dans une collection intitulée « Porteur de voix ». Ghislaine Nékiriaï raconte son histoire, de son enfance difficile à la maladie de Parkinson. « Mais elle est là, elle se tient debout et elle avance. » Le troisième est Sillages d’Océanie 2023, Je mange donc je suis par l’association des écrivains de Nouvelle-Calédonie, sur la nourriture, les lieux de nourriture.

Yannick Jan ne s’interdit rien : romans, porteurs de voix, collectifs, jeunesse, beaux livres, développement personnel. Il aimerait faire émerger un auteur par an, comme Ghislaine Nékiriaï. « J’ai galéré donc j’aimerais offrir cela. » Une jeune femme a déjà été « découverte » pour 2024.

O pour le symbole phénicien, Pacifique Sud pour la connotation géographique, il aimerait aussi un jour publier des auteurs de la région et espère même que O Éditions pourra s’exporter ailleurs. On pourrait penser le contraire, mais Yannick Jan a encore le temps d’écrire. Il sortira début 2024 une biographie d’une Calédonienne.

Chloé Maingourd


Ghislaine Nékiriaï

Elle n’y croit toujours pas : un livre à son nom. Elle est inquiète un peu aussi, car elle s’est « mise à nue ». Cette Métropolitaine, installée en 1997 à Népoui, puise sa force dans la violence physique et morale que lui faisait subir son père et la tendresse inexistante
de sa mère. Un départ qui lui forge une carapace utile pour faire face aux nombreuses embûches qu’elle a dû surmonter au cours de sa vie. Elle est atteinte de la maladie de Parkinson depuis l’âge de 35 ans.

Avec Moi, l’Auvergnate de Népoui, elle signe son premier ouvrage. Ses écrits étaient destinés au départ à ses enfants. « À l’aube de mes 55 ans, j’avais envie d’en finir. Et je voulais que mes enfants sachent ce qu’il s’était passé dans ma vie et je ne voulais pas que ça se reproduise. » Ghislaine a trouvé la force de s’en sortir. On lui a conseillé d’écrire un livre. Elle l’avait déjà, au fond d’un tiroir. « On m’a dit qu’il pourrait rendre service à des personnes qui ont eu des problèmes similaires, la violence, la maladie et tout ce qui va avec. »