Le potentiel « énorme » du tourisme vert

La randonnée pédestre constitue un secteur de développement touristique et économique qui ne demande qu’à s’ouvrir. Les acteurs l’utilisent désormais comme outil de promotion. Du chemin reste cependant à défricher pour en faire une filière à part entière.

Si elle ne suffit pas, la randonnée constitue désormais un produit d’appel et contribue à attirer les touristes amateurs d’activités en pleine nature. Pourtant, le secteur peine. « Le potentiel est énorme, estime Jean-Francis Clair, mais il y a un problème d’image, de la façon dont on vend le pays, qui manque de lisibilité. La Nouvelle-Calédonie n’est pas encore connue comme une destination verte mais bleue, et la demande étant faible, cela ne soutient pas la création d’entreprises spécialisées. »

Lancée récemment, l’agence Sud Tourisme de la province Sud tente d’y remédier. Parce que la demande est là. En témoigne une étude menée sur La Foa, Moindou et Farino, « où 80 % des personnes interrogées posent des questions sur les randonnées pédestres à proximité », révèle Roxanne Brun, directrice générale de la structure. Un marché en expansion qu’il s’agit de capter. « C’est un engagement essentiel, un outil de promotion du patrimoine naturel et historique », appuie Philippe Le Poul, directeur des sports.

 

Le plateau de Dogny fait partie des itinéraires appréciés à Sarraméa. (© A.-C.P.)

 

La collectivité valorise ses parcs, dotés de sentiers balisés de randonnée pédestre et VTT. « C’est un axe stratégique de développement, déclare Roxanne Brun, ce qu’on veut mettre en avant. On promeut de plus en plus la destination de cette façon. » Une manière de se démarquer.

Habituée du Salon de l’agriculture de Paris (du 25 février au 5 mars) depuis plusieurs années, la province, qui y tient un stand avec celle des Îles, va, pour la première fois lors de cette édition, axer sa communication « autour de ce nouveau visage », et mettre en lumière l’agritourisme et le tourisme vert avec, entre autres, le réseau Bienvenue à la ferme ainsi que la culture calédonienne broussarde. Pas à la place du tourisme bleu, mais « en plus. Il en faut pour tout le monde, il faut montrer les différentes facettes du pays. »

« UN COMPLÉMENT DE REVENUS »

En outre, la pratique favorise l’essor d’une activité économique. C’était un des objectifs du GR Nord, ouvert en 2013. « Induire un complément de revenus dans les tribus éloignées en valorisant le patrimoine naturel et des espaces remarquables », précise Damien Dilinger, chef du bureau de l’écotourisme de la province Nord.

Gîte, table d’hôtes, organisation de séjours. Axelle Battie, qui propose des tours à destination des touristes internationaux, a mis en place, pendant le Covid, un service de logistique autour des GR Sud et Nord. « Je dépose les gens au départ et je les récupère à l’arrivée, explique la responsable de Toutazimut. Et je fais de l’assistance. Afin d’éviter aux clients de marcher avec leur sac, je les transporte d’une étape à l’autre. » La guide essaie aussi de se diversifier en impliquant les tribus.

 

Le pic d’Arama, à l’image des 3 GR que compte le territoire, est une randonnée qui peut attirer les touristes internationaux. (© A.-C.P.)

 

Son souhait, aujourd’hui, pouvoir exporter ce service auprès de la clientèle internationale avec la reprise du tourisme et travailler avec des agences comme Nomade Aventure en France ou World Expeditions en Australie. Le créneau existe, mais « ça reste timide », concède Axelle Battie, qui ne vit pas encore de cette activité. « On manque d’infrastructures, comme dans le Grand Sud, pour la clientèle internationale. »

Et les lacunes en termes d’encadrement – « il y a très peu de guides de randonnée formés », note Jean-Francis Clair –, limitent la croissance du secteur. L’idée pourrait être, à terme, d’imaginer une filière organisée de treks packagés, « où les gens seraient pris en charge dès La Tontouta. Or, pour cela, il faut répondre au cahier des charges des agences spécialisées. »

« OFFRIR UNE ALTERNATIVE À LA FAÇON INSULAIRE »

Aux Loyauté, si certains itinéraires sont libres, comme la plage de Kiki à Lifou, la plupart sont accompagnés. « Il existe pas mal de sentiers avec des guides dans les tribus. C’est souvent une nécessité, parce qu’il y a des traversées de terres coutumières », remarque Cédric Ixeko, directeur de l’agence Îles Loyauté Explorer (anciennement Destination Îles Loyauté), qui propose des séjours touristiques depuis la fin de l’année dernière.

Relancer la randonnée sur les îles fait partie des priorités. « Beaucoup de gens aiment ça, donc l’idée est d’offrir une alternative par rapport à ce qui se fait sur la Grande Terre, mais à la façon insulaire », poursuit Cédric Ixeko. En général, les balades sont plus courtes, d’une à deux heures, et plus accessibles. L’aménagement du chemin du Bernard l’Hermite, à Lifou, s’inscrit dans cette démarche. Et représente une sortie dans le Sud, où va ouvrir le Wadra Bay. « On aimerait aussi cadrer Shabadran à Maré, faire connaître les chemins de Tiga et trouver quelque chose sur Ouvéa pour compléter. » Il s’agit d’une opportunité pour les tribus et les coutumiers, estime le directeur, « de s’ouvrir et de monter des projets d’économie sociale et solidaire en étant acteur d’un tourisme éthique et durable ».

 

Le pic N’Ga, à l’île des Pins, permet de profiter d’une vue magnifique sur le lagon. (© A.-C.P.)

 

Anne-Claire Pophillat