La TET cristallise les tensions

Le rond-point de Ducos était un des lieux de rassemblement.

L’examen de la taxe pour l’équilibre tarifaire au Congrès, jeudi 21 mars, a attisé les oppositions. Après une semaine de blocage des dépôts de carburant, le gouvernement a décidé de la retirer. Mais un moratoire fiscal global est impossible, assure Louis Mapou.

Ils n’ont pas obtenu de moratoire, mais le retrait de la TET, taxe sur l’équilibre tarifaire. Une demie victoire suffisante pour Agissons solidaires*, qui a décidé de mettre un terme aux blocages des dépôts de carburant mercredi 27 mars en fin de matinée, après une semaine de mobilisation. Cette dernière était inévitable, affirme Stéphane Yoteau, vice-président de la CCI et membre du collectif. « On n’avait pas d’autre choix. On ne pouvait pas laisser passer. » La TET, c’était la taxe de trop, après « l’augmentation de la CSS l’année dernière », qui a représenté « 8 milliards de francs de prélèvements supplémentaires ».

Au-delà des chiffres, Stéphane Yoteau invoque le quotidien, son « ressenti » en tant que chef d’entreprise : « je me demande tous les jours comment je vais faire pour payer les salaires et les charges. La trésorerie a disparu pendant le Covid. À un moment donné, ce n’est juste pas possible ». Agissons solidaires vilipende « une accumulation », un recours systématique à la taxation. « Peu importe les raisons finalement, les sous vont bien sortir de la poche de quelqu’un. On ne travaille que pour payer les fournisseurs et les charges, on n’a plus envie. »

Cette exaspération, partagée par de nombreux Calédoniens, s’est exprimée sur les ronds-points depuis la semaine dernière. Et a fini par faire céder l’exécutif. Après avoir évoqué un simple report de la TET, Louis Mapou a finalement décidé de la retirer mardi, en fin d’après-midi. Cela a suffi à calmer les esprits.

La conséquence de cet abandon, c’est Enercal qui devrait la sentir, car la TET devait financer en partie le déficit du système électrique. Lors d’une conférence de presse lundi 25 mars, le président a évoqué la situation de l’en- treprise. « La société va rentrer dans une procédure collective. » Les parties vont devoir « gérer ça », faire « en sorte qu’il n’y ait pas de coupure ».

Agissons solidaires s’est mobilisé jeudi 21 devant le Congrès, manifestant son opposition à la taxe sur l’équilibre tarifaire qui devait s’appliquer en fonction du prix du carburant. (© Y.M.)

COLLABORATION

Sur tout le reste, finalement le plus important, Ruamm, Caisse locale de retraite – le sujet était d’ailleurs à l’ordre du jour de la séance du Congrès jeudi 28 mars -, impôt sur le revenu, etc., le gouvernement compte poursuivre son calendrier. Et défend ses textes. « La taxe sucre est comportementale, elle doit servir à financer une politique de prévention digne de ce nom, notamment dans le milieu scolaire. La taxe croisière, qui ne concerne pas les Calédoniens, serait affectée au secteur touristique et doit permettre de revoir dans le budget les dotations qui lui sont données », explique Louis Mapou. Ces mesures, qui n’ont pas été votées, ne s’appliquent pas. Le « matraquage fiscal » si vivement condamné ne représentait que « 700 millions de francs de rendements fiscaux nouveaux en 2023 », informe le président. « Le plan de réformes est prévu sur trois ans, il y a des textes qu’on aurait déjà dû prendre l’année dernière. »

Et puis, il y a la TGC, le gros morceau. Son fonctionnement doit être revu pour espérer un meilleur rendement de 8 milliards de francs. Si Agissons solidaires n’y est pas opposé, puisqu’elle doit permettre de financer la subvention énergie de la Nouvelle-Calédonie prévue dans le pacte nickel, le collectif souhaite participer aux travaux. « On est prêt à avaler l’augmentation de la TGC pour la signature du pacte parce qu’il y a un retour sur investissement », développe Stéphane Yoteau.

Travailler ensemble, c’est ce sur quoi le gouvernement et les représentants économiques se sont mis d’accord. « On est légitimes et on ne comprendrait pas de ne pas être consultés. » « Ils ont demandé à être associés et on a dit oui », indique Louis Mapou. Agissons solidaires demande aussi à l’exécutif de participer. « La fiscalité est à repenser, et il y a des économies à aller chercher partout : il faut que tout le monde fasse des efforts », assène le vice-président de la CCI.

Ces « efforts » doivent s’accompagner du plan de relance, qui sera examiné fin mai, à l’occasion du budget supplémentaire. Dans ce cadre, Louis Mapou n’exclut pas de faire appel à Bruno Le Maire. « J’en ai parlé, on aura peut-être besoin d’expertise au plus haut niveau pour nous aider à bien formuler cette stratégie. »

*Agissons solidaires regroupe la Chambre de commerce et d’industrie, la Chambre de métiers et de l’artisanat, la Chambre d’agriculture et de la pêche, le Medef, la CPME, l’U2P, le Syndicat des rouleurs et du BTP.

 

LE FLNKS PARLE D’INSTRUMENTALISATION

Dans un communiqué, le FLNKS critique le collectif, « instrument des Loyalistes et du Rassemblement, qui cherchent à déstabiliser nos institutions et le pays ». Le Front trouve « lamentable qu’Agissons solidaires dégrade les conditions de vie des Calédoniens et entretient une désinformation en faisant croire que les réformes sont évitables et que l’on pourrait combler les déficits par magie ». La structure s’en défend fermement. « On est un mouvement économique, pas politique, insiste Stéphane Yoteau. On défend l’intérêt général. » Sollicité pour participer à la manifestation des Loyalistes et du Rassemblement jeudi 28 mars devant le Congrès, Agissons solidaires n’a pas donné suite.

 

Anne-Claire Pophillat