Avancé par le ministre Bruno Le Maire et négocié durant des mois avec les industriels et les collectivités, le pacte sur le nickel, censé redresser la filière, est paralysé par des tiraillements politiques. Quelles répercussions ?
« Ce pacte est solide, ce pacte est crédible, ce pacte est la seule voie pour redresser la filière nickel en Nouvelle-Calédonie. La seule », avait martelé Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, dans une déclaration téléphonique aux médias, le 21 mars. Aujourd’hui, sa parole n’a pas l’écho voulu. Le texte, passé par le Congrès selon la volonté du président du gouvernement Louis Mapou, est reparti en commission, sous le coup d’une motion préjudicielle soutenue par les indépendantistes, Calédonie ensemble et l’Éveil océanien. Cette majorité d’élus dénonce le manque d’ambition pour le pays, l’absence d’un engagement fort des industriels et actionnaires, ou encore l’effort financier des Calédoniens.
Le groupe UC-FLNKS et Nationalistes a déposé mardi une proposition de délibération visant la création d’une commission spéciale du Congrès chargée de travailler sur « des solutions ». L’affaire n’est donc pas finie. Le pacte n’a pas été signé avant la fin mars, comme l’exigeait le ministre. Quels peuvent être les impacts ?
♦ DANS LES USINES
Le pacte représente « un tout cohérent » à Doniambo pour répondre à la situation d’urgence, intervenir sur le coût de l’énergie, apporter une stabilité juridique et fiscale, donner de la flexibilité dans le volet export de minerai… Conclusion, « nous n’avons rien à retrancher, ou ajouter, dans le pacte. Il nous va. Nous le signerons », a appuyé mercredi Jérôme Fabre, directeur général de la SLN.
Compte-tenu du cours actuel du nickel, du marché de l’inox, du prix du fuel, et de sa production de métal, la SLN a une visibilité comptable jusqu’à la fin mai. En cas de signature du pacte, « nous pouvons avoir très rapidement une trajectoire financière qui change du tout au tout », note le dirigeant de la SLN. Si le document n’est pas paraphé par l’État, les industriels et les collectivités, « que se passe-t-il ? Je n’en sais rien », avoue Jérôme Fabre. « On rentre là dans l’inconnu. »
Du côté de Prony Resources NC, le prêt exceptionnel de l’État, d’un montant de 16,7 milliards de francs, a été signé fin mars. La première tranche de 4,1 milliards, versée, a permis de s’acquitter des impayés à la Cafat et à Enercal. Mais une deuxième part est conditionnée à la signature du pacte sur le nickel. À l’heure actuelle, vu l’état des comptes, le complexe métallurgique tiendrait jusqu’à la fin mai.
♦ SUR LA PLACE POLITIQUE
Le projet de pacte sur le nickel et son éventuelle signature suscitent tout d’abord un débat au sein même de la mouvance indépendantiste. Puisque l’UNI Louis Mapou est favorable au coup de plume en bas de la page. Son intention a été rappelée de vive voix à la tribune du Congrès le 3 avril. « Je me suis engagé auprès du gouvernement central. » Mais les groupes indépendantistes ont repoussé le document en commission. La recherche de consensus peut prendre du temps. Un temps préjudiciable selon les industriels. Et la contestation de militants peut s’étendre sur le terrain. Le président du gouvernement avait placé son poste dans la balance.
Ces tiraillements autour du pacte nickel sont un facteur supplémentaire de tension entre l’UC et Palika d’un côté et, de l’autre, les Loyalistes et le Rassemblement, partisans de «l’opportunité offerte par l’État» et du vote du projet. En clair, les discussions sur un accord global relatif à l’avenir institutionnel pourraient ne pas reprendre. D’autant que des élus porteurs de la motion préjudicielle veulent introduire le sujet du nickel dans ces pourparlers.
♦ À PARIS
Très soucieux de la ligne droite et du respect du calendrier, le ministre Bruno Le Maire doit s’arracher les cheveux. La question est désormais : sa patience aura-t-elle des limites ? Les relations entre Paris et Nouméa peuvent-elles en pâtir ? Notamment sur un point : le président Louis Mapou l’avait indiqué, le gouvernement calédonien et Bercy échangent sur un possible différé de trois ou quatre ans de la dette vis-à-vis de l’État. Cette piste peut-elle être brouillée ? « Le télescopage » des enjeux politiques et du nickel contrarie la visibilité sur le territoire.