Le carbone, des revenus pour l’élevage ?

Pour contrebalancer leurs émissions de gaz à effet de serre, les pollueurs peuvent financer des projets qui capturent le CO2, le méthane, etc. Ce mécanisme de la compensation carbone suscite de l’intérêt en Nouvelle-Calédonie. La Chambre d’agriculture et de la pêche mène une étude qui mesurera son potentiel.

Comme la forêt ou la mangrove, un pâturage stocke du carbone. À quelle vitesse ? Combien de tonnes au maximum ? Ces questions trouveront des réponses dans Carb’Agro, une étude lancée au mois d’avril par la Chambre d’agriculture et de la pêche dans le cadre du projet océanien PROTEGE*.

Onze éleveurs ont accepté qu’Aurélien Gaigé réalise d’ici fin 2022 un bilan carbone de leurs terres, en étudiant les émissions (déjections, engrais, carburants…) et le stockage dans le sol. « L’idée, c’est de vérifier que l’élevage est plutôt stockeur, et de proposer aux éleveurs des pistes pour améliorer leur bilan », explique le technicien.

L’objectif premier, avancé par la Chambre, est de produire des données factuelles, qui pourraient renforcer l’image durable du bœuf local. Des résultats probants ouvriraient aussi la porte, d’ici quelques années, à « la création d’un véritable marché [du] carbone sur le territoire », indique-t-elle.

Les éleveurs vendraient des « droits à polluer ». Le secteur de la mine et de la métallurgie « est principalement ciblé ». « Pour l’instant, on manque de données scientifiques sur les sols, tempère Aurélien Gaigé. Il reste encore beaucoup de travail pour savoir si l’on pourra aboutir à de la compensation carbone. »

« UN COMPLÉMENT ASSEZ STABLE »

La compensation n’est pas exempte de critiques : certains y voient une façon de donner bonne conscience à l’industrie et aux consommateurs, sans les inciter à changer leurs pratiques destructrices de l’environnement. Pour Sébastien Windsor, président de Chambres d’agriculture France, la compensation « peut inciter l’agriculture à être assez vertueuse ».

Si elle est locale et certifiée, elle vaut le coup, au contraire des « pseudo-replantations en Afrique ou au Brésil ». Et elle apporte aux exploitants un revenu non négligeable. « En France, cela peut représenter quelques milliers d’euros (quelques centaines de milliers de francs, NDLR). Les années où l’on est en crise, où le cours des produits est bas, c’est 100 % du revenu. Les années où les cours sont bons, ça fait 5 %. En tout cas, c’est un complément de revenu que l’on peut imaginer assez stable. »

Photo : Extensif, l’élevage bovin calédonien se prêterait à la compensation carbone. / G.C.

Gilles Caprais

Carb’Agro
Carb’Agro est financé par l’Agence pour la maîtrise de l’énergie (Ademe), l’Agence calédonienne de l’énergie (ACE) et l’Union européenne via PROTEGE. L’IAC, le Cirad et Solagro sont aussi impliqués.