Sébastien Windsor : « On sollicitera l’expertise calédonienne » dans l’agriculture

Sébastien Windsor, président de Chambres d’agriculture France, est venu pour soutenir la première édition ultramarine de Tech&Bio, rendez-vous des techniques biologiques et alternatives. Il regagne la Métropole convaincu que la Nouvelle-Calédonie a aussi un savoir-faire à partager.

DNC : Quelles étaient vos attentes avant cette visite ?

Sébastien Windsor : Je voulais donner un message d’encouragement à la Chambre d’agriculture et de la pêche, qui a organisé le premier rendez-vous Tech&Bio Outre-mer.

Et j’avais envie de constater les solutions concrètes proposées aux agriculteurs, pour savoir comment aider cette chambre, et voir comment elle pourrait aussi nous aider dans les domaines où elle est plus avancée.

Qu’avez-vous pensé de cette version calédonienne de Tech&Bio ?

C’est l’édition où j’ai trouvé le plus de fidélité à l’esprit d’origine. J’ai vu un événement qui s’adresse aux agriculteurs bio et non bio. Il est essentiel de ne pas opposer ces deux modèles. Les solutions testées par les agriculteurs biologiques peuvent servir aux agriculteurs conventionnels, qui ont eux aussi apporté des méthodes, en matière d’irrigation notamment, qui peuvent aider l’agriculture biologique.

La Nouvelle-Calédonie n’a rien à envier à la Nouvelle-Zélande ou à l’Australie.»

Y a-t-il des domaines dans lesquels la Nouvelle-Calédonie est en avance sur la Métropole ?

J’en citerais trois. La gestion de la matière organique : comment enrichir les sols, comment améliorer les micro- organismes avec de l’agroforesterie, avec l’association d’espèces… J’ai vu de très belles expérimentations. J’ai aussi été témoin de bonnes pratiques d’élevage, autour de la rotation des prairies, sur la façon de gérer les parasites. De maintenir des niveaux de production intéressants grâce au fourrage, en associant des légumineuses aux différents types de graminées.

De ce point de vue-là, la Nouvelle-Calédonie n’a rien à envier à la Nouvelle-Zélande ou à l’Australie, qui sont assez à la pointe sur le sujet. Enfin, le carbone. L’élevage calédonien est assez extensif, donc on se dit qu’il y a probablement une carte à jouer sur le marché du carbone (qui permet aux entreprises polluantes de compenser leurs émissions de CO2, NDLR).

On a une agriculture plutôt vertueuse, montrons-le, et on pourra en tirer un peu de revenus en vendant des crédits carbone. Les entreprises minières, par exemple, pourraient acheter leurs crédits auprès d’agriculteurs calédoniens. Il y a une envie forte, portée par la Chambre.

Sur le marché du carbone, où en est l’agriculture en Métropole ?

En France, on en est au début. L’État a labellisé des méthodes pour quantifier le stockage de carbone sur les parcelles agricoles grâce à la gestion vertueuse des prairies, à la plantation de haies, etc.

En six mois, on a généré des crédits vendables aux entreprises pour 160 000 tonnes de carbone (1,3 milliard de francs, le cours se situant autour de 8 000 francs). Mais on en est vraiment aux balbutiements.

Et dans quels domaines la Nouvelle- Calédonie est-elle en retard ?

Dans l’accompagnement des collectivités autour de l’alimentation locale, on peut aller plus loin. En redéveloppant des légumeries (des ateliers de transformation, NDLR), en gérant différemment la commande publique, en faisant en sorte que l’on n’importe pas une agriculture moins vertueuse que celle qui est faite par les agriculteurs calédoniens.

Si l’on peut trouver quelques moyens auprès du secrétariat d’État aux Outre-mer, il ne faut pas s’en priver.»

Cette facilité de l’import, on peut la retrouver dans la restauration de chacun, de tous les jours. Mais là où les collectivités ont un rôle à jouer, c’est dans la restauration collective. Dans les cantines, on a mis au point des méthodes qui pourraient être transférées. Je pense également au transfert d’innovation aux agriculteurs.

Il faut amener les nouvelles techniques jusqu’au cœur des exploitations, en animant des groupes d’agriculteurs, pour qu’ils fassent des tests sur un bout de ferme. Je crois qu’on a aussi en Métropole un savoir-faire pour aider l’installation des jeunes agriculteurs. On peut aider la CAP-NC à rendre les exploitations pérennes, économiquement viables, et accompagner les politiques locales en travaillant avec les collectivités.

Quelles peuvent être les suites de Tech&Bio ? Comment faire pour créer des échanges réguliers ?

Premièrement, j’ai déjà l’envie de revenir. Ensuite, on s’est donné rendez-vous dans six mois pour faire le bilan de la mise en œuvre de tous les travaux que l’on veut lancer. Sur les points où la Nouvelle-Calédonie est en avance, on sollicitera les gens qu’on a rencontrés pour venir témoigner, au moins par visioconférence.

Et j’essaierai de faire passer ces messages auprès de l’État pour expliquer que l’on a en Nouvelle-Calédonie une Chambre qui est efficace, pragmatique. Si l’on peut trouver quelques moyens auprès du secrétariat d’État aux Outre-mer, il ne faut pas s’en priver.

Photo : Sébastien Windsor, président de Chambres d’agriculture France, sur le salon Tech & Bio, samedi 8 octobre à La Foa. / CAP-NC, M. Simoulin

Propos recueillis par Gilles Caprais