France et Japon se rapprochent à Nouméa

L’ouverture d’un bureau consulaire du Japon à Nouméa, officiellement inauguré samedi 4 mars à l’hôtel de ville, conforte les liens qui l’unissent à la Nouvelle-Calédonie et à la France. « Un geste important », considère Gérald Darmanin, et un pas de plus dans le développement de l’axe Indo-Pacifique.

«L’histoire du Japon et de la Nouvelle-Calédonie remonte à 1982″, rappelle Kenji Yamada, ministre délégué auprès du ministre des Affaires étrangères japonais, dans son discours. Les deux « sont profondément liés » et l’installation du bureau consulaire, quelque 130 ans plus tard, « resserrera davantage ces liens » nés à l’arrivée des travailleurs nippons à la mine de Thio

. Cela méritait bien son déplacement en Nouvelle- Calédonie, le premier d’un ministre pour une séquence orchestrée par les autorités japonaises. Le territoire compte aujourd’hui environ 10 000 descendants japonais et 270 résidents de nationalité nippone. Ils étaient 22 000 par an à visiter l’archipel (avant la crise sanitaire, NDLR), « le deuxième contingent de touristes étrangers après les Australiens », note Makita Shimokawa, ambassadeur du Japon en France.

Des échanges touristiques mais aussi économiques, la Nouvelle-Calédonie étant « le plus grand exportateur de nickel pour le Japon », précise Kenji Yamada, encouragé par Gérald Darmanin, en clin d’œil, à davantage en acheter. Autant de rapports que la présence du bureau consulaire devrait faciliter. « Il pourrait être un point d’appui pour renforcer les investissements, le commerce et encourager les entrepreneurs à venir chercher des possibilités nouvelles au Japon », considère l’ambassadeur.

La culture n’est pas oubliée. « Le japonais est la langue la plus enseignée après l’anglais », rappelle Gérald Darmanin. Les autres territoires français du Pacifique, la Polynésie et Wallis-et-Futuna, dépendront également de cet office, géré par le consul Korehito Masuda.

EXERCICES MILITAIRES CONJOINTS

Cette implantation témoigne de la stratégie géopolitique menée par le pays du Soleil- Levant dans le Pacifique. Avant Nouméa, il y a eu les îles Cook, le Vanuatu et, dernièrement, Kiribati, avec la création d’une ambassade. « Dans un monde de concurrence de grandes puissances, nous devons élargir notre réseau diplomatique et consulaire dans cette zone des îles du Sud. On a beaucoup augmenté notre présence en vue d’une collaboration entre pays qui partagent l’idée d’un Indo- Pacifique libre et ouvert, comme la France », développe Makita Shimokawa.

Cela devrait s’accompagner d’aides au développement, « par exemple sur les questions d’atténuation des effets du changement climatique ou sur la coopération humaine en matière d’assistance ». Un axe Indo-Pacifique cher à Emmanuel Macron pour lequel le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer a œuvré pendant son séjour. Avec le Japon, Gérald Darmanin voit « la possibilité d’une présence faite d’apaisement et non pas de confrontation », et un regroupement de pays « fondé sur l’entraide et l’amitié, et non pas la prédation ».

Pour autant, la participation à des exercices militaires conjoints en Nouvelle-Calédonie, dont le Lapérouse 22 l’an dernier – « il y aura un Lapérouse 23 », souligne Makita Shimokawa – aux côtés également de l’Australie, constitue une part importante du partenariat, « pour la paix dans la région », précise Kenji Yamada.

Ces opérations vont se poursuivre et pourraient s’intensifier. Par quoi ‒ ou par qui ‒ la stabilité serait-elle menacée ? Personne ne la mentionnera, mais la Chine est, évidemment, dans tous les esprits. « Nous ne visons pas un pays en particulier », insiste le ministre japonais qui évoque, en revanche, le cas de Taïwan, dont « la stabilité du détroit est très importante ». Kenji Yamada défend l’idée selon laquelle « l’utilisation de la force ne doit pas être tolérée, l’état de droit doit dominer ». Tout ce qui participera à l’intensifier sera donc bienvenu pour Makita Shimokawa, qui formule le vœu que « l’amitié continue de se développer et de s’enrichir » entre la France et le Japon.

Anne-Claire Pophillat

Photo : L’inauguration a eu lieu en présence de l’ambassadeur du Japon en France, Makita Shimokawa (au pupitre), et du ministre délégué auprès du ministre des Affaires étrangères Kenji Yamada (à droite) : « le bureau consulaire jouera un rôle essentiel et dynamisera les relations entre les peuples ». / © A.-C.P.

Le « retour de la France dans le Pacifique » pour Les Loyalistes

L’inauguration du bureau consulaire japonais et le déplace- ment au Vanuatu marquent « la concrétisation de l’axe Indo-Pacifique, estime Nicolas Metzdorf (Générations NC), une nouvelle donne politique qui n’avait jamais été exprimée jusqu’ici, et qui est centrale et décisive », poursuit le député, lors de la conférence de presse bilan du séjour du ministre, le mardi 7 mars.

Le député rappelle qu’en 2018, lors de son discours au Théâtre de l’île, Emmanuel Macron positionnait déjà la Nouvelle-Calédonie comme étant un acteur majeur, « le porte-avions » de cette poli- tique géostratégique de la France dans la région. Pour le député, ces deux moments rappellent « que la Nouvelle-Calédonie est aussi la France, et que lorsque nos pays voisins s’adressent à la Nouvelle- Calédonie, ils s’adressent à la France », ce qui « nous repositionne à la hauteur à laquelle on doit être dans le Pacifique ».

Selon Nicolas Metzdorf, ces missions diplomatiques sont amenées à se reproduire lors des visites de Gérald Darmanin. « C’est le retour de la France dans la région à travers la Nouvelle-Calédonie », poursuit l’élu. Un retour qui aurait été « salué ». « Il n’y a pas eu de réaction réticente à la présence française. Au contraire, il y a une demande très claire, notamment au Vanuatu, d’une volonté de revoir la France s’investir. »

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