Nickel : « Les usines et le modèle économique ne fonctionnent pas »

Durant son court voyage, le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer a beaucoup parlé de nickel. Il a visité la SLN et organisé une réunion à Koné avec Sonia Backes et Paul Néaoutyine pour évoquer l’avenir de cette industrie capitale.

Trois cent milliards de francs. Le montant de l’aide de l’État, accordée aux entreprises du nickel ces dernières années, est revenu telle une ritournelle au cours du bref séjour du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer. « Je rappelle que l’État n’a pas la compétence sur le nickel et qu’il a pourtant dépensé 2,5 milliards d’euros sur six ans », a insisté Gérald Darmanin, samedi 4 mars, en sortant du site de Doniambo.

Et pas un centime de franc ou d’euro de plus ne sera déboursé tant que la Nouvelle-Calédonie ne se dotera pas d’un « projet industriel pensé et réfléchi ». L’ultimatum a déjà été formulé au cours du précédent déplacement ministériel, en novembre. Il faudra donc une stratégie à l’échelle du territoire rassemblant, du nord au sud, Koniambo Nickel, la Société-Le Nickel et Prony Resources. « Les usines et le modèle économique ne fonctionnent pas très bien malgré le courage des élus et des salariés, note le ministre. Nous avons l’année 2023 pour travailler. C’est pour ça que l’État a décidé d’aider de nouveau la SLN (filiale du groupe Eramet dont l’État est actionnaire à plus de 28 %, NDLR). »

« IL EST TEMPS D’Y RÉFLÉCHIR »

Une première étape semble avoir été franchie dimanche après-midi, quelques heures avant le retour en Métropole de Gérald Darmanin. Le ministre de l’Intérieur et son ministre délégué aux Outre-mer ont réussi à faire asseoir autour d’une même table Paul Néaoutyine et Sonia Backes. « L’avenir du nickel passe par une collaboration étroite de l’ensemble des acteurs autour d’une stratégie ambitieuse », a insisté Gérald Darmanin.

Le rendez- vous, rajouté au dernier moment, a eu le mérite de rassembler les présidents des provinces Nord et Sud, les deux collectivités compétentes en matière d’industrie, de mines et de carrières. « Je crois qu’on était l’un et l’autre contents de se retrouver autour de la table pour arrêter d’être dans la confrontation et aborder les sujets sans tabou », reconnaît Sonia Backes. Le président de la province Nord n’a pas souhaité s’exprimer.


Image rare : le « groupe technique sur le nickel » a réuni, dimanche à Koné, le ministre de l’Intérieur, le ministre délégué aux Outre-mer et les présidents des provinces Nord et Sud. / © Olivier Marie, Ministère de l’Intérieur

La province des Îles, actionnaire des trois usines à travers la Sodil (Société de développement et d’investissement des îles), devait participer par l’intermédiaire de son président Jacques Lalié, alors hors territoire. « La rencontre entre le ministre, le ministre délégué, le président de la province Nord et moi-même est un symbole important, souligne Sonia Backes. C’est le début de ce qu’on appelle les trilatérales. »

Ce « groupe technique sur le nickel » jette les bases du groupe de travail thématique souhaité en octobre 2022 par la Première ministre, Élisabeth Borne, à l’occasion de la Convention des partenaires. Celui-ci devrait être constitué en avril à Paris, après des réunions locales au cours du mois de mars. La participation des industriels n’a pas été confirmée. « Dans les discussions générales, il y a une question institutionnelle à la suite du troisième référendum, électorale pour tenir les provinciales en mai 2024, et une question économique très importante autour du nickel. Il est temps désormais d’y réfléchir », a invité Gérald Darmanin.

« LE NEW DEAL DU NICKEL »

Cette interrogation en soulève de nombreuses autres sur l’avenir de la filière. Le ministre évoque la nécessaire « révolution énergétique » d’une industrie « très polluante ». Pour quels débouchés en plein boom des voitures électriques ? Avec combien d’usines ? Et pour qui ? L’Asie, aujourd’hui principale destinataire ? « Faut-il se spécialiser vers le nickel pour batterie ou le ferronickel que nous produisons aujourd’hui en Nouvelle- Calédonie ?, questionne le ministre de l’Intérieur. En Métropole, dans ma région des Hauts-de-France, les usines de batterie se fournissent en Finlande. Quelle est la souveraineté en matière de nickel pour notre pays, et la place de la Nouvelle-Calédonie dans cette souveraineté ? ».


© B.B.

Pour aboutir, les discussions à venir s’appuieront sur une mission de l’Inspection générale des finances et le Conseil général de l’économie qui a commencé cette semaine. Les ministères de l’Intérieur et l’Économie ont commandé un « état des lieux économique, social, environnemental et de comparaison mondiale » du secteur.

Ses conclusions serviront à esquisser, ni plus ni moins, le « new deal du nickel » voulu avant la fin de l’année par Gérald Darmanin. Un nom qui fait référence à la politique du 32e président des États-Unis, Franklin Roosevelt, pour sortir son pays du marasme des années 1930 provoqué par la plus grave crise économique du siècle dernier.

Photo : « L’État ne donnera plus d’argent aux usines de Nouvelle- Calédonie tant qu’on n’aura pas un projet industriel pensé et réfléchi », a martelé Gérald Darmanin. / © B.B.

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