Gynécologie-obstétrique : des expériences traumatisantes

De nombreux témoignages ont été livrés sur les réseaux sociaux ces dernières années.

Les femmes n’hésitent plus à prendre la parole pour dénoncer les violences obstétricales et gynécologiques qu’elles ont subies. Une page Facebook vient d’être créée en Nouvelle-Calédonie pour relater leurs témoignages et faire évoluer les mentalités.

Les rendez-vous durent en moyenne entre 15 minutes et une demi-heure. Un temps qui suffit à traumatiser certaines femmes, parfois à vie. Les violences gynécologiques existent et, depuis quelques années, les patientes concernées ont décidé d’en parler. Les témoignages sont partagés sur les réseaux sociaux à grand coup d’hashtags : #PayeTonUterus, #PayeTonGynéco, #StopVOG (pour violences obstétricales et gynécologiques).
Depuis la vague #MeToo, des mouvements se sont formés pour dénoncer les gestes déplacés, les paroles culpabilisantes, les propos porteurs de jugement, sexistes, des maltraitances… La liste est longue. Le collectif Stop aux violences obstétricales et gynécologiques a été créé dans ce sens pour soutenir les femmes et ainsi faire évoluer les mentalités dans l’Hexagone.
Une page Facebook Stop aux violences obstétricales et gynécologiques en Nouvelle-Calédonie vient de voir le jour. À travers cette initiative, les personnes victimes peuvent s’exprimer sur leur vécu. Des femmes ont commencé à livrer leurs témoignages de façon anonyme, comme cette Calédonienne qui s’est rendue en 2018 dans un laboratoire d’analyses médicales.
« MONTRE-MOI TA FLEUR »
« Le gynécologue qui me suivait faisait un remplace- ment dans un cabinet où il n’y avait pas le nécessaire pour le frottis. Je devais donc aller au labo d’analyses à côté de chez moi. Seul le biologiste peut faire les prélèvements. Quand j’arrive, il me dit : je t’attendais petite fleur des îles. Déjà, j’ai trouvé ça déplacé. » Il lui demande pourquoi elle doit faire le frottis. Elle lui explique que c’est pour se faire poser un stérilet. Il lui répond que « c’est bizarre de se mettre un truc pas naturel comme ça ». Il s’interrompt, puis lâche : « montre-moi ta fleur ». Durant l’examen, il indique qu’heureusement « le naturel est perturbé » car sinon, durant ses jeunes années, il aurait « eu tellement de gosses ».
Elle n’a qu’une envie, « partir en courant », mais reste sous le choc. En se relisant aujourd’hui, elle a encore « la boule au ventre et un profond senti- ment de malaise ». Pour cette patiente, il n’y a pas eu un mais deux traumatismes, car elle n’a pas eu « ni l’écoute, ni la bienveillance nécessaire » par la suite. On peut lire également le témoignage d’une autre patiente qui a subi une épisiotomie (incision du périnée au moment de l’accouchement) sans qu’on la prévienne, juste après que « le placenta ait été retiré avec le bras sans anesthésie ».

 

« ON A L’IMPRESSION D’ÊTRE UN NUMÉRO »

Avec ces expériences gravées à jamais dans leurs mémoires, certaines femmes en arrivent à renoncer à consulter des professionnels de santé. Elles ne veulent plus revivre ce lundi matin où ce gynécologue annonce « qu’il serait temps de penser à avoir des enfants ». Elles ne veulent plus être touchées sans leur consentement préalable, que leur douleur ne soit pas entendue.

Eva* a changé plusieurs fois de médecin avant d’être diagnostiquée d’une pathologie au bout de cinq ans. On lui expliquait que ses symptômes (douleurs quotidiennes) étaient dans sa tête. « J’ai eu tout un tas de traitements inadaptés qui n’ont fait qu’empirer mon cas. ». Elle pointe du doigt un manque d’écoute, d’empathie. « On a l’impression d’être un numéro. Il faut reraconter son histoire à chaque rendez-vous. » Et pour certaines, ce sont les histoires les plus douloureuses sur lesquelles il faut revenir : avortement, fausses couches. « Il y a aussi cette pratique qui consiste à faire écouter le battement du cœur en cas d’avortement… Alors qu’ils connaissent déjà la décision de la patiente. »

Rose* se sent également démunie à chaque visite. « Il y a ce sentiment d’être considérée parfois comme du bétail. Ça ne nous met pas en confiance dans une situation où on livre déjà toute son intimité. » Elle, et beaucoup d’autres, ont fait le choix de se tourner vers des sages- femmes, qu’elles trouvent « plus bienveillantes ».

Edwige Blanchon

VIOLENCES OBSTÉTRICALES ET GYNÉCOLOGIQUES ?

« Ce sont les comportements, actes, paroles, pratiques sexistes ou omissions commis par le personnel de santé, qui ne sont pas justifiés médicalement ou sont accomplis sans le consentement libre et éclairé d’une personne, d’une patiente, d’une femme enceinte, d’une parturiente ou d’une jeune mère. Ces violences font partie des violences médicales et sont incriminées par le Code pénal lorsqu’elles portent atteintes à l’intégrité, à la liberté, à la dignité et à la personnalité de la patiente », explique le collectif.

Quelques exemples : la révision utérine réalisée sans anesthésie, les touchers vaginaux sans consentement, les humiliations, les paroles dévalorisantes, dégradantes, infantilisantes, le mépris de la douleur, le non-respect du projet de naissance, etc.